Le processus de mondialisation en Europe (original) (raw)

Le processus de mondialisation en Europe : une approche « par le bas » | Alain Tarrius, Université Toulouse – Jean Jaurès Publié le 28 août 2017 sur Question de méthode, https://methode.hypotheses.org/293 p. 1 Le processus de mondialisation en Europe : une approche « par le bas ». Dans les années 1970 les migrations séculaires en Europe et vers l'Europe par la mobilisation internationale de la force de travail périclitent : l'État français, notamment, affirme que la grave crise économique des mêmes années et ses conséquences en matière de désindustrialisation exigent l'interruption des flux immigratoires. Ceux que l'on désignait alors comme les migrants coloniaux, intensément recrutés depuis la fin de la deuxième guerre mondiale, furent les premiers débauchés. Rapidement conscients de leur rejet ils développèrent des initiatives collectives dans les économies commerciales souterraines, locales, nationales et internationales. Dès lors les formes migratoires laborieuses se diversifièrent, reflétant l'enchaînement de ces multiples niveaux de mobilités. L'apparition rapide de transmigrations européennes en tournées de chez soi à chez soi suggéra de nouvelles routes et de nouveaux rapports sociaux entre circulants péri-européens, entre eux et les populations de mêmes origines sédentarisées au cours des décennies précédentes, entre eux encore et les nations traversées désormais rapidement. Étrangères à la doxa étatique qui désignait l'immigrant comme un alter sans initiative, relevant d'un long processus d'intégration pour rejoindre la citoyenneté française, ces nouvelles populations mobiles transnationales et donc invisibilisées par l'idéologie républicaine devinrent de plus en plus nombreuses, jusqu'à créer de vastes territoires circulatoires transeuropéens. C'est ainsi qu'aujourd'hui elles oeuvrent intensément auprès des populations pauvres, développant un vaste « poor to poor »-par les pauvres pour les pauvres-qui les a rattachées par le bas aux grands courants de la mondialisation commerciale libérale. C'est ce processus que je vais décrire à partir de notions hétérodoxes afin d'échapper à la cécité des analyses étatiques et aux effets de phénomènes d'actualité : l'attention des élites politiques se porte en effet sur les migrations immédiates et bien réelles de crises, d'exils, surtout moyen-orientales et africaines, et sur les migrations climatiques peu existantes en Europe mais omniprésente dans l'imaginaire d'un futur très probable, absentes mais sur-visualisées. J'illustrerai mes propos de situations singulières mais emblématiques qui suggèrent la dimension anthropologique de telles approches. Les routes européennes des nouvelles migrations. Des mobilisations internationales aux mobilités transnationales. Durant les années 1980 deux formes migratoires internationales séculaires furent décrites comme archétypales : la première accompagnait l'ère industrielle depuis la seconde moitié du XIX ème , captatrice de la force de travail internationale, d'abord européenne puis coloniale, celle-là même interrompue dans les années 1970-1980, qui conduit des individus regroupés par bassins d'emploi à parcourir les voies de l'intégration