"L'oeil du prince ou les origines de l'Echiquier de Normandie à travers la littérature historique du XVIIIe siècle", Cahiers historiques des Annales de droit, 3, 2018 (original) (raw)
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La question de la survivance ou de la disparition des sources, étudiée par Mathieu Arnoux, remet en lumière le problème de la continuité des cadres gouvernementaux entre la Neustrie carolingienne et la Normandie ducale. Au cœur de ce problème, la redécouverte de l’écrit juridique à la cour ducale illustre, dès le règne de Richard Ier, la perspective néo-carolingienne dans laquelle s’inscrivent les descendants de Rollon. Soutenant de leur auctoritas la restauration de l’écrit, les ducs s’imposent comme les garants de la sauvegarde des droits. Cependant, cette renaissance de l’écrit ne saurait masquer la persistance de pratiques orales dans la diffusion du message normatif.
Revue française d’héraldique et de sigillographie, 2015
Le corpus documentaire produit par le tribunal de la Purge de Montferrand permet à l’historien de saisir l’importance de l’usage d’un sceau spécial en matière de juridiction. Entre le deuxième quart du XIVe siècle et le milieu du XVIe siècle, ce ne sont pas moins de 137 procès concernant près de 180 individus différents qui sont connus et, de facto, tout autant de dicta (ou sentences) qui sont prononcés par les magistrats de la curia de Montferrand. Afin de donner du poids à leurs verdicts et de garantir leurs jugements (chaque sentence est qualifiée de « diffinitive » ), les consuls de Montferrand, juges royaux du tribunal de la Purge, ont pris l’habitude d’user d’un sceau particulier. Les différents sceaux (et matrices) utilisés par la cour royale de la Purge sont décrits, analysés et mis en perspective dans cet article.
2023
In 1584, the Crown of France was contested, as was the law of succession. In the midst of the dynastic crisis, a process of juridical historicisation of the Crown was unleashed, during which all historical accounts aimed to support a candidate for the throne, while political writings favouring a pretender were always based on a certain history of the Crown and of France. Historical objectivity and its methods thus emerge as major strategic devices in political conflict. En 1584, la Couronne de France est contestée, ainsi que la loi de succession. Au sein de la crise dynastique, un procès d’historisation juridique de la Couronne se déclenche, durant lequel tout récit historique vise à soutenir un candidat au trône, tandis que les écrits politiques favorisant un prétendant s’appuient toujours sur une certaine histoire de la Couronne et de la France. L’objectivité historique et ses procédés apparaissent ainsi comme des dispositifs stratégiques majeurs du conflit politique.
Ariane Boltanski, Alain Hugon, Les noblesses normandes (XVIe-XIXe siècles), actes du colloque international (Cerisy-la-Salle, 10-14 septembre 2008), Rennes, P.U.R., 2011, 391 p. http://www.pur-editions.fr
2019
François de Bonne, premier duc de Lesdiguières, dernier connétable de France, mourut à Valence le 28 septembre 1626 ; depuis son lit d’agonie chez un chanoine, l’octogénaire menait campagne contre les protestants du Dauphiné révoltés. Son cadavre fut embaumé à demeure. Ses entrailles ayant été ensevelies, corps et cœur furent convoyés jusqu’à Grenoble pour être inhumés séparément, après trois semaines de fastes funèbres. Au contraire du mausolée sculpté par Jacob Richier (Gap, musée départemental des Hautes-Alpes), le cœur du connétable a sombré dans un relatif oubli. Au mieux, des historiens évoquèrent-ils son dépôt dans la cathédrale grenobloise (C. Dufayard [1892], É. Escallier [1946]). Stéphane Gal (2007) a souligné la valeur politique d’une sépulture privilégiée qui avait contribué néanmoins, comme les entrailles à Valence et le corps en Champsaur, par leur dispersion géographique, à unifier symboliquement les territoires provinciaux. Alors que le défunt se dérobait au public en son château du Glaizil, son cœur perpétuait dans la capitale provinciale le souvenir de l’ancien maître du Dauphiné. Quelques récits posthumes attestent sa force évocatrice. Le Mercure françois de 1626, puis Louis Videl, secrétaire et biographe (Histoire de la vie du Connestable de Lesdiguières [1638]), ont sondé l’intériorité du mort que l’on embaumait, pour dire la vérité de sa Passion. Son cœur se révélait au monde, stigmatisé tel un saint ; le récit macabre se faisait autopsie, qui donnait à voir la dualité d’un cœur biologique et métaphorique. Et de délivrer un discours édifiant sur les vertus d’un grand serviteur à l’aune de calcifications cardiaques en forme de couronne épineuse : elles étaient une preuve intime de catholicité et de fidélité monarchique. En octobre 1626, lors de ses funérailles à Grenoble, des enjeux politiques, d'identité, de mémoire, ont investi la relique d’un néophyte ; pour une épée de connétable, le vieux chef huguenot épousa la religion d’État (1622) quand le foyer de la guerre civile avait repris sous la cendre. Par-delà l’apologie ducale, le Mercure françois et la biographie Vidélienne ont aussi traduit la prégnance de son souvenir polémique dans la première moitié du XVIIe siècle.
L'Auvergne au Moyen Âge se situe à la limite des terres d'oïl et d'oc, entre les possessions plantagenêts et capétiennes. Cela explique que le roi de France s'intéresse dès le xii e siècle à cette région très morcelée par la féodalité, mais stratégiquement très importante. En effet, aucun grand seigneur, laïc ou ecclésiastique, n'est parvenu à instaurer sa suprématie unique. Les rivalités permanentes entre l'évêque de Clermont et le comte favorisent l'immixtion du souverain dans les affaires locales.
En 1204 le duché de Normandie perd son autonomie et est rattaché à la couronne de France. L'histoire des ducs de Normandie depuis Rollon semble donc achevée. Elle connaîtra cependant un nouvel essor à la fin du XIVe siècle. C'est en effet à cette période qu'émerge dans les milieux littéraires une réécriture de l'histoire de Normandie pour la période allant de 911 à 1204. La rédaction de ce qui sera appelé la Grande Chronique de Normandie semble être liée au remaniement de la Grande Chronique de France, laquelle avait vu disparaître les éléments de l'histoire normande qu'elle relatait auparavant. Le contexte de rédaction et de diffusion de cette oeuvre est également d'importance, notamment parce qu'il s'agit du premier texte historiographique normand à avoir été mis en image. Une iconographie qui varie de manière significative selon le commanditaire mais aussi la localisation de l'atelier. Durant la Guerre de Cent Ans la Normandie apparaît comme un enjeu stratégique d'importance à la fois pour les Anglais que pour les Français. Le texte s'est avéré être alternativement utilisé par les Français puis les Bourguignons durant le XVe siècle. Nous verrons quelle est l'utilité et l'intérêt de cette oeuvre en tant que manifestation d'un pouvoir, qui de surcroît avait disparu depuis plus d'un siècle. La nostalgie liée au duché de Normandie avait-elle encore une raison d'être à la fin du Moyen Age et comment pouvait-elle être mise au service des forces en présence durant du plus important conflit médiéval ?
Normandie, a été rédigé par le président à mortier Alexandre Bigot de Monville (1607-1675). Celui-ci apporte des informations essentielles sur le fonctionnement ordinaire de cette institution du XVI e au milieu du XVII e siècle : du point de vue des réceptions, de la qualité des officiers et du statut d'honoraire. De même, ce manuscrit interroge les relations qu'entretiennent la cour et les gouverneurs de la province, ainsi qu'avec les autres cours souveraines de la ville de Rouen. Par ailleurs, la rédaction du Traité s'inscrit dans une période troublée politiquement puisque l'institution est profondément bouleversée en raison de la mise en place du semestre. Alexandre Bigot, lui-même, lorsqu'il entreprend la composition de ce Traité, est interdit de l'exercice de sa charge par l'autorité royale. Ces trois axes de recherches visent donc à éclairer la vision qu'offre ce magistrat du XVII e siècle sur la compagnie dans laquelle il officie au quotidien.