Financiarisation et classes sociales (original) (raw)
2018, Revue de la régulation [En ligne], 22 | 2nd semestre / Automn 2017, mis en ligne le 23 février
La financiarisation, en fractionnant le salariat, en généralisant l'endettement et en laissant à penser que la propriété s’était universalisée, a modifiéles rapports entre groupes sociaux, transformé les formes de conflits, ainsi que les modes de représentation politique. L’objectif de cette introduction est de suggérer, à partir d’enquêtes empiriques, des pistes de réflexion sur ce que fait la financiarisation aux modes de division du monde social. L’analyse de la société en termes de classes antagonistes, longtemps centrale en sciences humaines, s’est estompée. Or, depuis la crise économique, la question de la dette – sa marchandisation par le capital financier tout comme les formes d’ascension sociale ou de surendettement populaire qu’elle engendre – ravive le vieux problème de la définition des classes sociales et permet de comprendre comment les rapports entre les classes ont évolué sous l’action du capital financier. Il s’agit d’analyser les dynamiques de formation des groupes sociaux mais aussi les jeux de consolidation et de déstabilisation de ces groupes. Mais cet exercice réflexif sur les catégories en jeu s’accompagne, dans le même mouvement, d’une visée descriptive réaliste, c’est-à-dire capable de distinguer les degres de réalité pris par tel ou tel groupe, d’évaluer les asymétries, et d’analyser les rapports de force entre groupes et catégories sociales. Les conditions d’existence des populations, brouillées par le recours massif au crédit dans de nombreux pays, ont largement été transformées par la financiarisation de l’économie. Celle-ci donne une consistance, temporaire et fragile, à l’idéal politique – porté notamment par les gouvernements successifs de centre-gauche et de centre-droite – d’une société sans classes, dont l’un des centres de gravité serait la petite propriété et la classe moyenne étendue à tout le corps social.