la présence de l'histoire dans le théâtre français fin XVIII.doc (original) (raw)

La présence de l'Histoire dans Barnevelt de Lemierre : une « aptitude » au romantisme ? La conscience du temps, comme expérience intérieure de l'ennui, du souvenir, ou comme expérience extérieure, dans la perception du temps de l'Histoire, se transforme au début du XIX e siècle ; elle rend le poète capable désormais de décrypter l'énigme de l'univers, soulignant une aspiration toute nouvelle à l'absolu ou à l'infini. Ce nouveau rapport au temps et au temps de l'Histoire est à ce point lié à l'âme romantique qu'il semble la définir en partie. À l'époque où triomphe l'école romantique, c'est dans le drame qu'il s'épanouit de manière privilégiée, laissant percevoir les échos d'un style troubadour qui prête ses harmoniques pittoresques et vigoureuses à qui veut percevoir dans les soubresauts politiques du passé les troubles de l'âme et des passions. Un tel rapport à l'Histoire, qui a pour conséquence évidente de détruire la régularité imposée par les classiques, ne s'est pas construit au début du XIX e siècle, mais bien quelques décennies plus tôt, dans ces années de l'Ancien Régime finissant, quand les grandes figures des Lumières s'acharnent encore à combattre l'Infâme, à débattre sur le luxe raffiné de leur société et perçoivent dans la sociabilité l'essence et la grandeur de l'homme, ces années précisément que la génération romantique préfère honnir qu'étudier. Après la guerre de Sept Ans, qui voit l'hégémonie française sur les deux Indes fort malmenée, une crise de conscience pousse les artistes à ressaisir l'unité nationale dans les arcanes d'un passé glorieux : le public en mal d'héroïsme, à la fin du XVIII e siècle comme au début du siècle suivant, aime voir représentées les pages célèbres de l'Histoire d'une nation qui pouvait s'enorgueillir de compter en son sein un Gaulois intrépide 1 , une bergère élue 2 , des bourgeois généreux 3. Tragédies des Lumières puis tragédies tardives conjuguent leurs efforts pour écrire et représenter une Histoire de France, arrachée à grands renforts de traits pittoresques ou vrais à ses origines mythiques. Ce goût pour l'histoire nationale est concurrent au théâtre de l'intérêt porté à l'histoire romaine, qui met en perspective le Républicain, et propose, un siècle après Corneille, une réinvention du monde romain. À qui étudie les tragédies jouées au Théâtre Français au tournant de l'année 1765, année qui marque la reprise d'Adélaïde Du Guesclin de Voltaire, le triomphe de la tragédie de Pierre Laurent Buirette de Belloy, Le Siège de Calais, et du drame de Sedaine, Le Philosophe sans le savoir, épanouissement d'un double attrait pour le réalisme et l'Histoire, il apparaît que les sujets grecs disparaissent au profit des sujets romains ou des sujets nationaux, attestant un goût récent pour l'Histoire, destiné à s'épanouir pleinement dans le genre troubadour, que nous pouvons percevoir comme un lien privilégié et inattendu entre la dernière génération des Lumières et celle des romantiques. Si on examine les 108 tragédies jouées au Théâtre Français pendant le 1