Recension de l'ouvrage de Samuel Clark, The Distributing Status. The Evolution of State Honours in Western Europe, Montreal, McGill-Queens University Press, 2016 : Revue Française de Sociologie, 59-4, 2018, pp. 755-758 (original) (raw)

Alexandre Marc et la jeune Europe, 1904-1934 : l'Ordre nouveau aux origines du personnalisme (PhD Histoire McGill 1993), Nice: Presses d'Europe, 1998 (Prix de la Fondation Émile-Chanoux 1996)

Cette biographie intellectuelle d'une figure marquante du mouvement européen, décédée en 2000, couvre la période de formation d'Alexandre Marc de sa naissance en Russie en 1904 à l'apogée en 1934 de son mouvement appelé Ordre Nouveau (sans rapport aucun avec l'usage de ce terme dans certains milieux d'extrême droite), où seront développés les premiers jalons d'un personnalisme français. Marc reprendra après la guerre cette doctrine, déjà élaborée dans tous ses traits essentiels, dans d'autres groupements qu'il créera en vue d'instaurer un fédéralisme intégral en Europe (notamment le Centre international de Formation européenne). L'originalité de la thèse de Christian Roy est de présenter la doctrine d'Ordre Nouveau avant tout comme la première forme reconnaissable du personnalisme français. Depuis le début du XX e siècle, le terme de personnalisme a désigné un certain nombre d'écoles de pensée en philosophie et en théologie. Dans le contexte français, il est surtout connu pour l'écho qu'il a rencontré depuis les années 30 dans l'aile progressiste du monde catholique, autour d'Emmanuel Mounier-et de sa revue Esprit-et de Jacques Maritain. Les recherches historiques de C. Roy démontrent cependant que, dans son acception moderne, existentielle et politisée, le personnalisme français n'est pas né au sein du milieu catholique, mais bien en dehors de lui, dans le mouvement Ordre Nouveau, l'un des plus représentatifs d'une jeune génération d'intellectuels engagés, « les non-conformistes des années 30 ». Les archives d'Alexandre Marc ont ainsi permis à Christian Roy de relater sous un angle entièrement nouveau l'histoire des sources et des premiers pas du personnalisme français. A la différence des fondateurs d'Esprit, ceux de l'Ordre Nouveau (Alexandre Marc, ses amis René Dupuis, Jean Jardin, Daniel-Rops, Denis de Rougemont, Arnaud Dandieu, Robert Aron et Claude Chevalley) formaient un rassemblement hétéroclite de croyants et d'agnostiques, d'intellectuels ayant trouvé une foi et de libres-penseurs nietzschéens proches du surréalisme. Leur terrain d'entente était le personnalisme en tant que philosophie et que nouvelle doctrine révolutionnaire par-delà droite et gauche, défini dès lors en termes anthropologiques plutôt que théologiques. Venus d'horizons très différents, tous voyaient la crise économique de leur époque comme un aspect d'une crise spirituelle plus vaste et plus profonde de la civilisation moderne à l'ère industrielle avancée. Ainsi, le personnalisme était pour eux une affaire de juste échelle. S'il est indissociable d'une critique fédéraliste de l'État-nation souverain au nom de la tension nécessaire entre l'enracinement local et l'universalité de la personne, il s'applique également aux unités économiques (participation, autogestion, revenu de citoyenneté) selon le slogan : « Spirituel d'abord, économique ensuite, politique à leur service ». Ce personnalisme « tout court » de l'Ordre Nouveau peut être distingué de la version qui serait bientôt reprise et diffusée-surtout dans les milieux catholiques-par la revue Esprit, sous le nom de « personnalisme communautaire ». Ce qualificatif fut ajouté par Esprit afin de marquer une distance avec la forme première du personnalisme, à cause notamment de ses connotations nietzschéennes. Les raisons du schisme rapide à l'intérieur du mouvement personnaliste français étaient liées à des compréhensions différentes du « spirituel »-comme acte créateur ou comme contemplation aimante-, se traduisant par des attitudes divergentes envers le travail, la technique, la communauté et l'État. L'ouvrage comprend une postface substantielle de Thomas Keller, LE PERSONNALISME DE L'ENTRE-DEUX-GUERRES ENTRE L'ALLEMAGNE ET LA FRANCE, centrée sur l'analyse des textes de la revue L'Ordre Nouveau qui parut de 1933 à 1938, et faisant la synthèse des transferts philosophiques et conceptuels effectués dans le contexte des traditions intellectuelles de France et d'Allemagne et des rapports complexes entre leurs groupements respectifs.

(2008) "Égalité Des Chances et Reconnaissance : Sur une surprenante contradiction des méritocraties démocratiques" ["Equal Opportunity and Recognition: On a Surprising Contradiction of Democratic Meritocracies"]

Cites, 2008

.Dans ce texte essentiellement logique, je propose une déconstruction de la liaison entre "reconnaissance" et "égalité des chances". Pour cela, je montre que la logique de "l'égalité des chances" n'est pas le prolongement de la logique de "l'égalité des droits", comme on le croit souvent, mais qu'elle en est le contraire. Ensuite, je montre qu'il s'avère logiquement impossible de fonder la reconnaissance des mérites sur l'égalité des chances, même si nos sociétés sont obsédées par le lien entre "reconnaissance sociale" et "égalité des chances". En effet, ou bien l'égalité des chances n'est pas réalisée, et toute victoire sera injuste ; ou bien l'égalité des chances est réalisée, et aucune victoire ne sera possible ; et tertium non datur. Ce conflit logique est la source des instabilités présentes et à venir de nos sociétés méritocratiques. In this essentially logical text, I propose a deconstruction of the link between "recognition" and "equal opportunities". For this, I show that the logic of "equal opportunities" is not an extension of the logic of "equal rights", as is often believed, but that it is the opposite. Then, I show that it turns out to be logically impossible to base the recognition of merits on equal opportunities, even if our societies are obsessed with the link between "social recognition" and "equal opportunities". Indeed, either equality of opportunity is not achieved, and any victory will be unfair; or else equality of opportunity is achieved, and no victory will be possible; and tertium non datur. This logical conflict is the source of the present and future instabilities of our meritocratic societies.