Chapitre 14 : L'idée d'une écologie politique (original) (raw)

« Etre respectueux quand une singularité se soulève, intransigeant dès que le pouvoir enfreint l'universel. » 1 « La vraie générosité envers l'avenir consiste à tout donner au présent » 2 Notre tour d'horizon des manières de penser la République et le vivre-ensemble démocratique nous a apporté de nombreuses pistes mais a suscité autant de questions. L'articulation entre des idées directrices et leur mise en oeuvre pratiques restent d'autant plus en débat qu'elles suscitent des contradictions parfois majeures-ne serait-ce, comme nous l'avons vu, qu'entre les trois idées de la devise de la République française. Les ontologies, souvent seulement implicites, ne coïncident pas aisément lorsqu'il s'agit, comme nous y enjoint Ricoeur, de maintenir l'ambition d'universalité et le souci du singulier. Le cosmopolitisme des lumières s'accommode mal d'une fraternité ouvrant au communautarisme ; la dynamique révolutionnaire d'une démocratie à réinventer chaque fois, qu'il s'agisse de la vision de Balibar ou de celle de Castoriadis, est déstabilisante pour qui réclame des institutions pour vivre-ensemble en paix et en harmonie ; l'individu, concept clef d'une pensée de la liberté, prend de drôles de couleurs lorsque l'idée d'un collectif lui impose une vertu normative et se partage mal entre libéraux et libertaires. Dans ce quatrième chapitre et fin du premier temps de la Seconde partie, nous revenons sur ce que nos résultats de la Première partie proposent comme cadre pour aborder le questionnement républicain et le questionnement libertaire. Nous reprenons les idées de liberté, d'égalité et de fraternité, et dégageons ce qu'il nous faut travailler en matière éthique. Apparaît le programme de la fin de notre travail, les clefs d'une philosophie politique ouvrant en profondeur à une philosophie morale : d'abord, chercher ce qui, en raison, peut faire de nous des justes. Quelles maximes d'un impératif catégorique se forgent ? Rendre beau, libre et puissant tout autant qu'apprendre ensemble, pourraient constituer la composante déontologique de ce programme initié par le sentiment d'injustice et les raisons du juste que seraient les idées de justesse, de sensibilité et de fidélité. Aller programmatiquement au bout de l'analyse morale nous donne des concepts et catégories utiles pour avancer sur le plan politique. Le fait que philosophie morale et philosophie politique s'entrelacent ainsi souligne l'un de nos résultats les plus importants : l'ontologie n'offre pas un cadre exogène sur lequel se déploierait un système politique conditionnellement auquel une philosophie morale pourrait être élaborée. Les catégories avec lesquelles nous raisonnons ne sont pas elles-mêmes indépendantes de l'ontogénèse qui constitue le monde, la Cité et sa morale. Il s'agit ensuite en effet de poser les bases d'une vision positive de ce qui nous constitue, dans cet univers ontogénétique décrit dans la Première partie. Comment penser un gouvernement de soi et des autres dans un tel cadre ? Comment résister au relativisme et à l'hydre totalitaire d'une vision statistique de notre univers ? La question centrale finalement reste celle des conditions de 1 Michel FOUCAULT (1979) : « Inutile de se soulever ? », Le Monde, repris dans Dits Ecrits Tome III texte n°269. [IDSS] 2 CAMUS [LHRE], p. 376.