2019 - Brève histoire topologique du monde (original) (raw)

2019, To be published in the journal _Dégrés_

La sémiosphère, à savoir l’espace conceptuel au sein duquel une culture vit comme ensemble de dynamiques de signification, fourmille continument à cause de l’agrégation et de la désagrégation des communautés. L’évolution technologique accompagne, exprime et altère cette tension. Dans l’époque médiévale, les communautés se faisaient et se défaisaient autour de confins géographiques : l’on s’entretuait pour la possession d’un terrain fertile, ou d’un accès à la mer. Dans la modernité, la lutte pour les frontières physiques demeure, mais elle se mêle de façon inextricable avec le conflit des idéologies : des frontières faites de mots et de croyances divisent l’Europe catholique et l’Europe protestante selon des lignes qui se superposent à celles des frontières géographiques, les compliquant. Dans la modernité, cela devient plus difficile de représenter les confins, de séparer les siens des autres, car des systèmes de frontières d’ordres différents commencent à entrecroiser leurs lignes : dans un même pays, dans une même ville, voire dans une même famille vivent et souvent s’haïssent des Catholiques et des Protestants. La complication explose dans la postmodernité, et surtout lorsque la production de sens dans la sémiosphère devient de plus en plus numérique. Les communautés continuent d’exister, mais par des systèmes d’appartenance à intensité variable, où les membres se trouvent à la fois à l’intérieur et à l’extérieur des lignes de démarcation, selon les registres idéologiques adoptés.