Seyyed Hossein Nasr, un intellectuel dans le siècle (original) (raw)
SIDI ET-TAHAR HADDAD ou La crucifixion de l'innovateur dans la société arabe
Avertissement au lecteur : Ce texte a été écrit en Tunisie en novembre décembre 1999 pour l'anniver saire du décès de Tahar Haddad soit le 7 décembre. Il fut publié plus ou moins complètement, pour la première fois, à Tunis au Journal La Presse en mars 2000, à l'occasion de la fête internationale de la femme. Simultanément, il a été mis en ligne sur internet par Monsieur Thierry GAUDIN, Ingénieur Général des Mines, sur son site 2100.org, dans la rubrique Université de l'Innovation (appui.org). Pendant des années, il a été un texte très consulté suivant les statistiques des moteurs de recherches et a exercé une certaine influence sur beaucoup de jeunes ou d'observateurs du monde arabe. Puis, il a disparu en février 2008 du site appui.org, et quasiment dans le même temps, une page sur Tahar Had dad est apparue sur Wikipedia. Cette page, bien que documentée correctement sur la vie et l'oeuvre de ce grand homme a bien sûr gommé les aspects les « moins politiquement corrects », d'une image idéale de la société tunisienne et du monde arabe. Ainsi, l'Histoire (celle de la réception sociale de Ta har Haddad en l'espèce) aura été de nouveau interprétée de façon « monolithe », comme à l'époque Achaarite au 12 siècle. CQFD Moncef BOUCHRARA Priére faire part de vos réactions à : moncef.bouchrara@wanadoo.fr
Eclair et fulgurance. L’Emir Abdelkader, un humaniste pour notre siècle
Réda Benkirane Éclair et fulgurance. L'Émir Abdelkader, un humaniste pour notre siècle ☪ ☪ Communication pour les Actes du colloque, L'Émir Abdelkader et le droit humanitaire international, CICR -Fondation Émir Abdelkader, Alger 27-30 mai 2013. Éclair et fulgurance. L'Émir Abdelkader, un humaniste pour le XXI e siècle 2 Foi en l'avenir, foi en l'homme Au risque de choquer d'emblée, je suis de ceux qui pensent que nous ne devons plus entretenir avec le passé un rapport d'obligés. Il me semble que la détermination de l'avenir ne réside plus dans la connaissance toute approximative des conditions initiales du passé. Car le passé, en tant que souvenir mythifié, sanctifié, vitrifié, fait problème quand il freine notre élan vers l'avenir. Et je ne cherche plus à penser la tradition comme un continuum tranquille, car l'histoire enseigne qu'il y a toutes sortes de ruptures et de discontinuités dans le passé. Enfin je ne crois pas me tromper en avançant que le culte des ancêtres intéresse de moins en moins les nouvelles générations, natifs de l'âge numérique, par exemple la classe d'âge des 15-24 ans, qui dans le monde arabe est la génération qui a le meilleur niveau Par la grâce -immanente -de Dieu, les peuples du Maghreb et du Machreq sont en train de changer, depuis les tréfonds de leur intériorité, et ils ont donné une leçon de modernité au monde, celle d'une jeunesse qui partout réclame trois choses essentielles à l'humanisme : « liberté, justice, dignité ». Cet éveil est sans précédent par son caractère spontané, déterminé et sa forme non violente. Il faut entendre la voix du peuple qui s'est exprimé dans toutes les capitales, de Nouakchott à Manama en passant par Le Caire et Sanaa. Puissions-nous entendre cette voix du peuple, qui d'un peu partout de par le monde nous appelle et interpelle avec de plus en plus d'insistance. Puissions-nous répondre à ses attentes, et contribuer à construire un projet de société, une vision du monde qui fait tant défaut aujourd'hui à la politique et à l'économie des nations.
Ma biographie de Nasser- introduction d'un livre que je n'ai jamais écrit
Ensuite, comment se confronter à son principal biographe, Muhammad Hasanayn Haykal ? Il fut son ami, celui qu'on appelle en arabe son samîr, celui, donc, qui veillait avec lui pour discuter et papoter. Il fut et est le journaliste le plus prestigieux du monde arabe. Hier, sous Nasser, il était le confident, le responsable de la mise en forme des discours du raïs, un des, voire le principal propagandiste, celui qui était chargé d'exposer de manière articulée les grandes décisions, notamment en politique étrangère. Aujourd'hui, il s'est reconverti : il est désormais le gourou, le maître qui explique ex cathedra au public arabe cultivé ce qu'il faut « penser » de l'histoire, de la géopolitique et des développements récents. Son impact, pour le meilleur et pour le pire, est immense. Ses livres sont lus et réédités. Dans les deux postures, celle d'hier et celle d'aujourd'hui, il est avant tout le Homère de notre Achille, le talent en moins. Il n'en chante pas la colère, mais la volonté de puissance, qui renverse seule le cours des choses, qui enchante le réel et lui donne un sens unique mais magnifique. Il brosse le portrait d'un superbe héros qui réussit l'opération magique d'incarner le monde arabe et sa hubris, qui est l'Hercule portant ce dernier et qui accomplit des miracles, tout en demeurant rationnel, froid et lucide. Mais l'épopée chantée par Haykal prend aussi l'allure d'un peu plausible complot occidental et sioniste. Ses méchants planétaires voire galactiques ne sont pas aussi humains que les troyens. Cette épopée ne révèle que pour mieux occulter. Le choc des titans et des dieux n'est pas celui des hommes, aussi immenses qu'ils peuvent être. Chez Haykal, on voit le Nasser immense homme d'Etat, grand stratège, homme cultivé, sincère patriote, fantastique tribun, héros sachant allier lucidité et volontarisme, sachant défier et aussi s'arrêter. L'homme qui est la Norme et qui la dit. L'homme qui sait, dans les actes et paroles, concilier rationalisme éclairé et radicalité nationaliste et socialiste. Par contre, s'il évoque, ici et là, son intégrité, son ascétisme et sa frugalité, on ne saisit pas la complexité de son rapport à l'islam et à l'islam politique. On ne voit que peu l'homme privé et on ne le voit paradoxalement pas du tout dans la somme consacrée à « la guerre de trente ans ». On ne voit pas, si j'ose dire, d'évolution personnelle du raïs : c'est un héros et la conjoncture lui donne, ou lui refuse, l'occasion de donner sa mesure. Mais on ne sait pas, par exemple, s'il devient plus ou au contraire moins irascible avec le temps, s'il se livre davantage ou moins, etc. On ne voit pas la brute, le violent et sa contenance, le politique méfiant voire paranoïaque, le nationaliste obtus doté d'un gros bon sens se prenant pour de la raison, le tyran qui emprisonnait très facilement mais qui tuait peu, le dominant à l'humour mordant, l'homme dont le monde arabe n'arrête pas de payer les décisions. On ne voit pas non plus le malade souffrant et courageux, à l'abnégation exemplaire, des dernières années. Le Nasser qui apparaît au fil de leurs entretiens est différent de celui campé par les autres témoins. Haykal ne montre, au mieux, qu'une face. L'homme était pluriel. Sa dualité, son jihâd contre lui-même, son travail d'autodidacte supérieur, sa quête permanente en font, autant que ses qualités de politique, d'homme d'Etat et de soldat, le très grand monsieur qu'il a été. Pis, la question, lancinante, se pose et demeure : Et si Haykal, consciemment ou non, parlait surtout de lui-même ? Personnalité passionnante, immense, qui s'offre et se dérobe, qui ne s'explique pas sans Nasser, mais qui n'est pas notre sujet. Son oeuvre, qui se veut histoire, est aussi, et peut-être principalement, mémoires. Ce « mélange des genres » n'est pas une bonne chose, le témoin est rarement bon historien. Malgré tout, en tant que source, Haykal est indispensable, porte mais aussi mur, clé mais aussi verrou. Ma dette, comme celle des autres, est immense, mais nos griefs peuvent l'être tout autant. Haykal n'est pas qu'une source indispensable mais difficile à manier. Il n'est pas qu'un historien, au mieux moyen, qu'il faut critiquer-et plus amplement que cela, j'y reviendrai. Haykal est beaucoup plus, et pour restituer ce plus, j'hésite entre deux formulations : d'une part, il est celui qui nous livre le sens, magique et collectif, que le nassérisme voulait « sien ». Ce qu'il nous raconte, c'est ce que le nassérisme voulait être et qu'il réussit, le temps de quelques grands moments, à devenir, une incarnation héroïque d'une Egypte rêvée devenant réalité, même si le lourd prix à payer est occulté et l'artifice dissimulé. Même si, surtout, Haykal nous présente comme quotidien, comme normal, comme normatif, comme routinier, ce qui n'était que des épisodes exceptionnels. Mais ce n'est pas parce que la routine de ce régime fut autre qu'il faut nier la magie de ces moments. Et ce n'est pas être aveugle à cette magie que d'estimer qu'un des torts centraux-ce n'est pas le seul-du nassérisme fut de vouloir en faire un quotidien, une norme, une routine, un mode de vie, une pratique de tous les instants. D'autre part, Haykal attire, peut-être involontairement, notre attention sur un problème (qui aurait dû être) central pour les historiens. L'histoire, c'est une restitution, jamais parfaite, de ou des faits et de leur logique. C'est aussi leur explication et leur compréhension. Nous estimons souvent que cela passe par une démystification. Nous aimons dévoiler, déconstruire, ne pas être dupes et le montrer aux lecteurs, qu'ils soient ou non nos collègues. Mais peut-on comprendre un grand homme, un Nasser et ce qu'il a représenté, sans être mystifié, sans accepter de l'être, au moins un instant ? L'oeuvre de Haykal incite à poser la question : peut-on comprendre Nasser en renonçant au, ou en disqualifiant d'entrée le genre épique ? Nasser n'est pas qu'un moment réel, c'est aussi une épopée, plus grande que nature. Haykal et lui, quand ils parlent aux Egyptiens et aux Arabes, ne parlent pas qu'à leur raison, mais aussi à leurs passions, à leurs subconscients Peuple ne compromette son unité derrière le chef qui l'incarne et ne mette en danger l'ordre de marche. On tentera d'atteindre l'objectif en faisant de ce peuple le membre d'une gigantesque (et ubuesque) organisation secrète-l'Union socialiste arabe, et du chef de cette organisation un Héros incarnant le pays. Comme toute médiation est insatisfaisante, l'héroïsme du chef s'y substituera. Ce récit-séduisant par sa férocité, pertinent mais injuste-permet de voir les « fonctions de l'épopée » : construction du Héros, mais aussi de l'unicité du Peuple derrière lui, en lui. Invocation d'une situation d'exception, mais qui dure, permettant de justifier la « suspension », la disparition, l'ajournement sine die, d'une instauration ou d'un retour à une démocratie dont on sait, in fine, qu'elle est le meilleur des régimes. Je pourrais chipoter et discuter : la consolidation de la mainmise sur le pouvoir était-elle l'unique ou le principal mobile de cet homme et de son équipe ? J'ai connu certains acteurs de la Geste. La réponse est non. On ne comprend rien à ces hommes, à leur chef (et à sa popularité), si on ne voit pas que la réponse est négative-ce qui ne les absout pas de tout, très loin de là. Les problèmes sociaux et politiques furent-ils construits, voire inventés, pour occulter ce holdup ? Les pratiques du régime nassérien étaient-elles, toutes, hideuses ou arbitraires ? Je contesterai formellement quelques fois, je pinaillerai ici et là, sans nier le caractère structurant des, ou si on préfère, les défauts inhérents aux postures nassériennes. Mais ce qui m'intéresse ici et maintenant, ce qui me semble crucial, ce que je veux tenter d'explorer, c'est « pourquoi cela a marché ». Allons sur « youtube ». Comparons l'enregistrement d'un meeting datant de 1954, avec ceux des funérailles du raïs, ou encore avec ceux du 9 juin 1967. Dans le premier, tout est simulation grotesque, artifice pitoyable, tout suinte la contrainte et la mise en scène. Dans les autres, il n'y a plus aucune organisation, aucune médiation, tout est naturel, tout est spontanéité et intensité, la foule est là, elle dicte le tempo, invente le moment et les chants, et joue le rôle du choeur-la voix de la cité. In fine, une écrasante majorité d'Egyptiens et d'Arabes, et pas seulement eux, ont cru ou voulu croire en Nasser, en l'épopée nassérienne, que ce soit dans la version narrée par Haykal, dans celle chantée par quelqu'un d'autre, ou parce qu'ils ont collectivement et individuellement élaboré leur propre version de cette dernière. Ce fait, ces volontés de croire, foi et réappropriations individuelles et collective de la geste, me semblent indiscutables et centraux. Il faut les expliquer, et, ce faisant, réfléchir sur le genre épique, voire l'adopter avec prudence, avec esprit critique. Critique interne, ne pas oublier que nos héros sont des hommes et non des dieux, que les ennemis sont aussi humains que les amis, qu'ils ont quelquefois raison contre nous, mais aussi critique externe, en n'oubliant
Nurit Levy, L’Intellectuel juif entre histoire et fiction
Tsafon, 2016
L'Intellectuel juif entre histoire et fiction n'est pas un simple essai littéraire : il s'agit d'une étude particulièrement fouillée à la fois sur les plans littéraire, historique, sociologique et anthropologique de ces deux personnages que sont le « juif » et « l'intellectuel ». L'auteure ouvre son propos avec l'apparition de l'intellectuel juif en France à la fin du