Racine, "un supermarché du chagrin d'amour". Nathalie Azoulai et la critique racinienne (original) (raw)

La ≪reconnaissance≫ dans les tragédies de Racine

1995

La « reconnaissance » dans les tragédies de Racine Katsuya NAGAMORI Au XVIIe siècle, le discours sur la tragédie était largement influencé par La Poétique d'Aristote, lue à travers les commentateurs du XVIe siècle. L'une des conséquences de cette réception biaisée est la suprématie de la conception moralisatrice de la poésie (que l'on ne trouve pas chez Aristote) sur le principe hédoniste. La préférence accordée par Aristote à la vraisemblance (ce qui pourrait avoir lieu) plutôt qu'à l'histoire (ce qui a eu lieu) dans le chapitre 9 de La Poétique a offert aux théoriciens un excellent moyen d'expliquer et de justifier la supériorité d'une conception de poésie subordonnée à but moral sur une conception de poésie comme simple plaisir. De ce point de vue, le dénouement de tragédie constitue une occasion idéale pour donner une instruction morale!). Mais Chapelain semble considérer que l'utilité morale de la poésie consiste plutôt dans• ce processus par lequel le spectateur abstrait l'universel du particulier et acquiert comme conséquence une connaissance totale de la vraie nature de la vie et des vertus 2). Cette interprétation, si l'on met entre parenthèses la connotation morale, n'est peut-être pas très éloignée de l'esprit aristotélicien. En effet, le but de la tragédie doit être conforme au but de la mimesis (car la tragédie est d'abord et surtout une mimesis). Or la mimesis pour Aristote est un processus impliquant apprentissage et raisonnement (chA), par lequel on va de la perception du particulier à la connaissance de l'universel. Ce processus n'exclut nullement le plaisir, bien au contraire; simplement, ce plaisir que procure la mimesis• «est un plaisir de reconnaissance, plaisir intellectuel de mise en relation de la forme représentée (créée par représentation) avec un objet naturel connu par ailleurs 3 »). Le problème, c'est que la définition de la tragédie, et singulièrement de la catharsis, par Aristote 4) est suffisamment ambiguë et laconique pour donner lieu aux interprétations les plus diverses. : morale (réplique contre Platon? : la tragédie purifie des passions pernicieuses), médicale (purgation au sens propre) ou, plus intéressante, structurale (la catharsis constitue un pivot du drame, qui est une purification de l'acte grave commis par le héros au moyen de la démonstration de l'innocence de son motif ; cet acquittement rend possible la pitié du spectateur à l'égard du héros). Ce qui fait défaut dans ces interprétations est, semble-t-il, la référence à la conception de la mimesis et, par là, la considération du plaisir inhérent à la tragédie. n faudrait d'abord distinguer les émotions représentées sur la scène et les émotions

Production d'énergie romanesque : La Peau de chagrin

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Tragédie et question primordiale : le modèle de la suasoire dans lIphigénie de Racine

2008

Il suffit de consulter sa memoire pour penser l’interrogation comme l’une des constantes generiques les mieux marquees de la tragedie. Dans une recherche d’expressivite dont elle est un maillon essentiel, elle apparait sous toutes ses formes semantiques et rhetoriques, de l’interrogation pragmatique – comme suspension de la certitude – a l’interrogation rhetorique, employee pour sa double valeur expressive et argumentative. Les premiers vers de l’Iphigenie de Racine temoignent d’un ebranlement de la vraisemblance logique qui doit paraitre de mauvais augure. En effet, l’ordre commun est alors sur le point de s’effondrer tout a fait pour laisser place a un nouveau regime logique, celui du merveilleux, de l’evenement imprevisible par essence. L’etonnement d’Arcas est rendu par trois interrogations, qui sont les premiers ressorts poetiques de l’exposition :

Romantisme et nihilisme : l'appréciation de la vie dans "René" de Chateaubriand

"René" de Chateaubriand étant un récit existentiel, on se tromperait grandement si on négligeait la dimension philosophique de l'expérience dont témoigne le personnage romantique. René serait-il le masque de François-René de Chateaubriand et "René" l’aveu sur un divan de l’indécision existentielle névrotique de son auteur ? Refusant la piste psychanalytique et ses promesses, je ne propose qu’une modeste lecture nietzschéenne (païenne) de René de Chateaubriand à travers laquelle j’entends montrer que le désir d’éternité des protagonistes n’est ni plus ni moins que négation de la vie et désir de mort.