Le cinéma iranien face au pouvoir : l’émergence d’un nouveau langage (original) (raw)
2017, ImplicationsPhilosophiques, Arts et pouvoir : Inde et Iran contemporain
Si la Révolution Islamique l'a renforcée, la censure était déjà une composante importante des régimes précédents en Iran. Le cinéma iranien a connu depuis ses débuts une relation à la fois proche et conflictuelle avec l'État et les religieux du pays, et cela même quand le clergé n'était pas au pouvoir. Aussitôt qu'en 1904, le premier cinéma public s'est ouvert et a commencé à projeter des courts métrages rapportés de France, les religieux l'ont attaqué en l'accusant de montrer des femmes dénudées à l'écran. Le cinéma fut fermé suivant l'ordre du monarque, et son propriétaire s'est vu contraint à l'exil. D'autres ont tenté l'expérience mais ont connu le même sort que lui. Ce n'est qu'à partir de 1923 que les salles ont commencé à s'ouvrir ; le cinéma a connu une bonne affluence mais exclusivement masculine. En effet, depuis les premiers films projetés jusqu'à aujourd'hui, la présence des femmes à l'écran a été un des grands problèmes du pouvoir et du clergé. Une cinquantaine d'années plus tard, à la veille de la Révolution, la partie la plus religieuse du pays, de plus en plus mécontente, dénonçait la multiplication des scènes de sexe et de violence au cinéma. Certaines familles empêchèrent même leurs enfants de fréquenter les salles obscures. Dans un moment où le chemin montré par les religieux était l'arme « sacrée » pour un peuple qui avait souffert pendant longtemps de la répression, le cinéma, considéré comme le symbole de la « décadence » et de la « dégradation » du pays, était devenu la cible préférée de ces Iraniens désormais fortement puritains. En effet, comme le souligne Hormuz Key, les Iraniens ont toujours entretenu une relation d'amour / haine avec le cinéma, en grande partie à cause de la qualité médiocre et de la vulgarité des films Farsi , mais aussi à cause de l'influence du clergé chiite contre le septième art. Les Iraniens allaient alors au cinéma mais ils avaient « un sentiment de malaise et de "gêne morale" ». C'est ainsi qu'à la veille de la Révolution, pendant qu'ils manifestaient dans les rues pour obtenir une démocratie, ils se sont mis à incendier et détruire les salles de cinéma[3]. En février 1979, une page de l'histoire iranienne est tournée, ainsi que celle du cinéma iranien. Celui-ci a produit jusqu'à la Révolution Islamique 632 longs métrages de fiction tournés par 124 réalisateurs. Trois femmes seulement ont pu y travailler, en réalisant deux longs et un court métrages.