La trame culturelle de la vibration quotidienne (original) (raw)
Actes du colloque international pluridisciplinaire: De la friche industrielle au lieu culturel - Sotteville-lès-Rouen - Juin 2012. Ce texte montre comment les projets nommés aujourd'hui « friches culturelles » par métonymie, ne seraient qu'un renouvellement contemporain de formes culturelles indigènes à dimension artistique, qui ponctuent l'histoire à toutes les époques ; Des formes culturelles non séparées de « l'expérience ordinaire », de la vie quotidienne ; Des formes et des projets culturels simultanément à l'écart de l'histoire des beaux-arts et des centralités urbaines, mais qui les alimentent ; Des cultures minorées évoluant en catimini, mais des cultures qui, leurs protagonistes additionnés, concernent et impliquent « le plus grand nombre ». « Les oeuvres d'art ayant perdu leur statut indigène, elles en ont acquis un nouveau : elles sont désormais exclusivement des spécimens des beaux-arts. (…). Les objets qui par le passé étaient valides et signifiants à cause de leur place dans la vie de la communauté fonctionnent à présent sans le moindre lien avec les conditions entourant leur apparition. » (John Dewey, L'art comme expérience, Ed. Gallimard, Paris, 2010) Le faubourg est l'endroit où se retrouvent « tout ceux qui ne peuvent se payer la ville ». La convergence en ces territoires urbains de pratiques culturelles non légitimées dans les mondes des arts 1 institués n'a rien d'une nouveauté. Remonter aux bohèmes du 19 ième siècle suffit pour trouver des lieux entièrement semblables aux « friches culturelles » actuelles (MURGER H., 1847). Des lieux et surtout des projets 2 culturels qui se présentent comme les premières résistances à l'académisme, alternatives aux institutions culturelles, mais qui sont aussi des expérimentations sociales et politiques. Des espaces en parallèle pour des cultures « illégitimes » qui, depuis le 19 ième siècle au moins, se situent à l'écart des institutions artistiques tout en les nourrissant. Le 19 ième siècle et les bohèmes illustreraient ce mouvement transitoire entre un régime représentatif ou de mimemis des arts et un régime esthétique entendu comme « la fin de l'art et l'identification de ses pratiques avec celles qui édifient, rythment ou décorent les espaces et les temps de la vie commune » 3. Si le régime de mimesis correspondrait en partie à la trame de la culture quotidienne appréhendée dans ce texte, une analyse de l'art ne suffit pas. Il s'agit d'aller plus loin en interrogeant dans ces projets le lien entre culture et art, leurs statuts respectifs dans « la vie commune ». L'action collective culturelle est alors définie de manière plus large que l'art comme toute action collective qui mobilise de manière centrale, mais non exclusive, le registre esthétique. Cette mobilisation centrale du registre esthétique est toujours articulée en proportion variable à d'autres registres : sociaux, économiques, politiques, éducatifs, festifs, etc. Ces articulations de registres chaque fois originale en fonction de leurs protagonistes définissent autant de types d'actions culturelles collectives. 1 BECKER H.S., Les mondes de l'art, Paris : Flammarion, 1988. 2 Sur la notion de projet utilisée ici voir (p.157) BOLTANSKI L., THEVENOT L., De la justification, Les économies de la grandeur, Paris : Editions Gallimard, 1991. 3 RANCIERE J., Le Partage du sensible, esthétique et politique, La fabrique Editions, 2000.