Liberté d'expression et de manifestation en matière d'avortement (original) (raw)

2016, Droit et prévention de l'avortement en Europe, sous la direction de Grégor Puppinck, LEH Editions

L’avortement étant un sujet à ce point controversé, il n’est pas surprenant que, encore aujourd’hui, la liberté d’expression en la matière fasse l’objet de restrictions, soit qu’il soit interdit de promouvoir l’avortement, soit qu’il soit interdit de tenter de convaincre le personnel médical et les femmes ne pas y avoir recours. C’est la première tendance qui, pendant longtemps, a prévalu. Ainsi, Margaret Sanger, la fondatrice américaine du Planning familial, a été condamnée aux États-Unis à une peine de prison en 1917 pour avoir distribué un diaphragme. Le 31 juillet 1920, le législateur français, mu par la volonté de relancer la natalité, a adopté une loi interdisant non seulement l’avortement mais également la vente et la publicité des produits anticonceptionnels. En application de cette loi, des publications néomalthusiennes furent retirées de la vente et des activistes de la limitation des naissances, tel Etienne Humbert, condamnés à de courtes peines de prison. Toutefois, en 1975, la loi Veil, tout en conservant l’interdiction de l’incitation publicitaire à l’avortement, a autorisé l’information sur cet acte. De même, après que, face à la propagation du Sida, la loi du 18 janvier 1991 a autorisé la publicité pour les préservatifs , la loi 2001-588 du 4 juillet 2001 relative à l’interruption volontaire de grossesse et à la contraception a supprimé le délit d’incitation à l’avortement. Aujourd’hui, en France, c’est plutôt la deuxième tendance qui prédomine, dans la mesure où, comme l’attestent plusieurs indices, le discours et les actes d’opposition à l’avortement se heurtent de plus en plus à des dispositions pénales destinées à les réduire. Ainsi, « l’incitation à ne pas avorter » est à présent pénalement sanctionnée, au titre du délit d’entrave à l’avortement créé par la loi Neiertz de 1993 et étendu depuis. Des opposants à l’avortement ont été condamnés à de nombreuses reprises et l’un d’entre eux, le Dr Xavier Dor, a même été incarcéré en 1998. Plus récemment, un professeur du lycée de Manosque a été révoqué de l’Éducation Nationale pour avoir présenté à des élèves de classe de seconde un film hostile à l’avortement . À Cuba, le médecin dissident Óscar Elías Biscet a passé onze années en prison pour avoir dénoncé l’avortement et l’infanticide néonatal. À l’opposé, d’autre pays ont parcouru le chemin inverse : ainsi la Russie qui permettait très largement l’avortement sous l’ère communiste en a interdit la publicité en novembre 2013. Le mouvement est similaire dans la plupart des pays européens anciennement communistes.