Le genre d'une migration post-coloniale : de Meknès (Maroc) à Montréal (Québec (original) (raw)
La subjectivité des actrices et leur perception des événements qui ont marqué leur époque ont été largement réhabilitées par l’histoire sociale et par l’histoire des femmes et du genre. Les historiennes sont alors conviées à expliciter à leur tour leurs motivations à traiter de tel ou tel sujet et à dévoiler leur propre point de vue, le lieu d’où elles parlent et écrivent. La réflexivité est ainsi devenu un passage obligé en sciences sociales ces dernières années et cet exercice apparaît d’autant plus indispensable que le sujet que nous traitons est proche de notre vie. Militantes féministes pour la plupart d’entre nous, nous nous sommes penchées sur l’histoire des femmes pour en saisir d’abord ce qui nous a paru légitimer notre action dans le mouvement (une histoire d’héroïnes projetée dans le passé). Puis nous avons voulu justifier nos recherches académiques et construire des catégories scientifiques à partir des données empiriques trouvées dans les sources (une histoire des catégories de genre). Enfin nous devions comprendre les faits bruts d’une histoire qui ne cadrait pas toujours avec nos attentes (une histoire complexe des rapports de genre). Toutefois, on le sait, le militantisme ne fait pas toujours bon ménage avec la recherche académique et bien d’autres motivations entrent dans les dispositions des chercheures qui se livrent à une enquête historique. 2Ainsi, le retour réflexif sur sa propre histoire permet d’expliciter certaines de ces zones d’ombre qui, loin de l’ego-histoire, éclairent des cheminements. Une telle démarche permet de clarifier des orientations et des choix méthodologiques faits dans le feu de l’action et qui, une fois remis dans le contexte d’une vie et d’une époque, prennent parfois tout leur sens1.J’aborderai dans ce texte plus particulièrement les processus par lesquels je suis devenue une historienne des femmes et de leurs mouvements, orientation que j’ai prise relativement tôt, à la faveur de mon engagement dans le militantisme politique, à Paris en 1968 d’abord et à Montréal, dans le mouvement des femmes ensuite. Mais auparavant, il me faut situer le contexte familial, culturel et social dans lequel j’ai vécu mon enfance et mon adolescence au Maroc.
Sign up for access to the world's latest research
checkGet notified about relevant papers
checkSave papers to use in your research
checkJoin the discussion with peers
checkTrack your impact
Related papers
Retours sur un départ. De Meknès à Montréal
Daedalus, 2014
In this article, the author raises the question of how Jews coming from North African countries depicted their own departure, which some considered to be a forced exile, throughout her own trajectory. She refers to several traumatic moments of her life as an exiled from her own history. She also shows an individual form of resilience and at some point refers to a collective denial of her particular history. Her reaction to her family and her own many displacements had led her to show how her own subjectivity was formed and transformed by immigration.
Diasporas, 2016
Les récits d’histoire orale permettent de jeter un autre éclairage sur les parcours d’insertion professionnelle et culturelle des migrants juifs natifs du Maroc, installés à Montréal à partir de la fin des années 1950. Principalement issus des classes moyennes francisées, ces derniers mettent l’accent sur leur attachement à la culture française et inscrivent leur migration dans un processus de séparation de la société locale, entamé avant leur départ. Les récits de huit d’entre eux signalent des parcours singuliers, avec des évolutions professionnelles contrastées mais dans l’ensemble réussies. Le regroupement des juifs du Maroc au sein d’institutions communautaires propres témoigne par ailleurs d’une identité « sépharade » mythique.
Les mots d’une migration postcoloniale dans les récits de Juifs montréalais
Les mots d’une migration postcoloniale dans les récits de Juifs montréalais, 2015
Au coeur des débats historiographiques et mémoriels sur le départ des Juifs du Maroc à partir des années 1950, les histoires de vie de migrants installés à Montréal permettent de jeter un nouvel éclairage sur la perception qu’ont les acteurs des processus migratoires. Cet article analyse les récits de sept d’entre eux qui, interrogés sur les circonstances de leur départ, nous ont livré leurs souvenirs, témoignage d’une mémoire brouillée et entrecoupée de silences. Les auteur.es suggèrent que derrière ces non-dits se profile par défaut une réitération de l’exode multiséculaire des Juifs, dont l’espace francophone est devenu l’un des centres de gravité. Cet article est basé sur les résultats d’une enquête d’histoire orale menée à Montréal entre 2008 et 2012 dans le cadre de la vaste étude Histoires de vie de Montréal.
Chapitre 2. Les migrants du Maghreb à Montréal au quotidien
2014
Les pratiques de sociabilité des migrants à Montréal prennent forme dans un contexte marqué par des changements sur la scène internationale et par un monde traversé de nouvelles formes d'échanges entre localités, nations et régions du monde. La mobilité des migrants, tout comme la mondialisation des échanges, transforme le local au-delà des frontières nationales. Dans ces environnements en mouvement, comment les références identitaires sont-elles façonnées ? À partir d'une étude ethnographique sur le pluralisme religieux, les pratiques sociales et les pratiques rituelles 1 , nous traiterons dans ce chapitre des pratiques de sociabilité des migrants d'Afrique du Nord de confession musulmane et des relations sociales qui traversent les frontières institutionnelles, de lieux et de groupes. Par l'entremise des brèves histoires de Yussef, de Samia et 1. Cette étude a été menée sous la direction de S. Fortin, M.N. LeBlanc et J. Le Gall et soutenue par le Conseil de recherche en sciences humaines du Canada (CRSH 2004-2007). Géraldine Mossière et Marie-Jeanne Blain ont été les principales assistantes de recherche, secondées par Shirin Shahrokni, Éric Meulan, Shamelkan Ghamraoui, Diahara Traore, Loubna Belaïd et Vincent Duclos. Nous remercions tout particulièrement les migrants qui ont accepté de prendre part à cette étude et qui nous ont accueillis, pour plusieurs, dans l'intimité de leur quotidien.
Espaces Populations Sociétés, 2017
This article aims to analyze how the use of media and information and telecommunication technologies (ICTs), are reshaping the territoriality of migration. Through the concepts of relational space and multiple attachments (anchors), it is examining the relational modes between distant places enabled by ICTs and how they are reshaping the sense of belonging for people of Haitian origin. Through the diachronic study of media practices within the Haitian community in Montreal, from anti-Duvalier exiles to a transnational community, it will query how media sustain the creation of connected belongings and attachments.
Enjeux de l’histoire des migrations et de la diversité culturelle au Québec .
2013
Cette réflexion historiographique présente d’abord une courte définition du cadre opératoire, celui des enjeux et, plus particulièrement, des contextes d’énonciation de la recherche sur les migrations et la diversité culturelle au Québec depuis le début du 21e siècle. Puis, elle se penche sur les enjeux en tant que tels, enjeux s’exprimant dans des contextes d’énonciation interne – l’historiographie – et externe – le monde politique. Enfin, elle cerne les réponses des historiens québécois à ces enjeux.
L'impact des transferts migratoires dans la ville de M'saken, Tunisie (1986)
L'impact des transferts migratoires dans la ville de M'saken (Tunisie). Les transferts de revenus du travail à l'étranger ont des effets importants sur les économies locales. A M'saken, ville située dans le Sahel tunisien, ils ont progressé rapidement dans les dix dernières années. Mais si les transferts de fonds gardent une place prépondérante, les transferts réalisés sous la forme de marchandises achetées dans le pays d'emploi prennent une place croissante. Ces transferts ont largement contribué au développement des activités économiques locales, telles que le bâtiment ou le commerce de voitures d'occasion et de pièces détachées d'automobile. De plus, ils ont permis le financement de nombreuses entreprises commerciales, artisanales et industrielles créées à l'initiative d'anciens émigrés ; ces entreprises représentent aujourd'hui de nombreux emplois. Abstract The impact of migratory transfer on the town of M'saken Tunisia). The transfers of wages earned abroad have significant effects on local economies. In M'saken, a town located in the Tunisian Sahel, these effects have rapidly increased in the course of the past ten years. But while the money transfers still play a dominant role, the transfers made in the form of goods bought in the country of employment are becoming increasingly important. These transfers have largely contributed to the development of local economic activities such as the building industry or the used cars business and the sale of automobile spare parts. Moreover these transfers have allowed for the financing of many firms - businesses, industries and craft industries - set up by former emigrate workers themselves ; today these firms represent many jobs.
Loading Preview
Sorry, preview is currently unavailable. You can download the paper by clicking the button above.