Les Celtes du Chablais se réveillent…Redécouverte de vestiges oubliés (original) (raw)

Le Bas-Chablais celte et gallo-romain, entre cul-de-sac et porte des Grandes Alpes

Le Bas-Chablais, enserré entre la rive méridionale du Léman et les grands massifs alpins, s’étend sur environ 300 km² de l’agglomération genevoise jusqu’à Saint-Gingolph, où la montagne plonge abruptement dans le lac. Cette microrégion a malgré une situation géographique contrainte, concentré sur des terrasses glaciaires étagées entre 370 et 700 m d’altitude, des populations nombreuses au Néolithique et à l’âge du Bronze, bien appréhendées par l’archéologie. L’âge du Fer et l’époque gallo-romaine sont moins bien connus sur ce territoire, mais ont laissé néanmoins de nombreux vestiges, perçus anciennement et que nous redécouvrons en parallèle des travaux d’archéologie préventive. De nombreuses sépultures ont ainsi été mises au jour au XIXe s. et au XXe s. lors de l’exploitation de carrières de graviers et de sable. La densité des découvertes laténiennes faites notamment à Chens-sur-Léman et dans les environs, a apporté des arguments aux archéologues et historiens dans la construction de leurs modèles de peuplement du nord des Alpes occidentales, inspirés par les travaux d’E. Chantre. Pour A. Bocquet, qui défend la distinction entre autochtones des massifs alpins et migrants celtiques implantés dans l’avant-pays, Chens-sur-Léman, notamment par la présence de tombes de guerriers, permet d’évoquer « une timide implantation au sud du lac Léman » de population gauloises allogènes au IVe s. avant J.-C. Les découvertes anciennes de Chens-sur-Léman s’insèrent également dans la théorie de J.-P. Millotte qui voit des populations venues du plateau suisse, par l’effet d’une pression démographique, s’installer à La Tène ancienne entre Léman et bassin annecien, avant de progresser vers les vallées internes. Une telle lecture s’accorderait bien avec l’augmentation du nombre de tombes à La Tène A constatée en Suisse occidentale par G. Kaenel. Les synthèses récentes retiennent que les Alpes du nord françaises sont marquées, après quelques incursions guerrières dans la Combe de Savoie et sur la Bourne dans la première moitié du IVe s., par l’occupation des abords du Léman par des élites en armes au plus tôt dans la seconde moitié du IVe s. Le réexamen des données anciennes permet-il d’appuyer ces hypothèses ? Peut-on aujourd’hui caractériser l’occupation de cette microrégion à l’époque celtique ? Le Bas-Chablais n’est-il qu’une zone de passage ? La rareté des vestiges n’est-elle pas plutôt un effet de la recherche ? Toutes ces questions ayant trait aux flux démographiques et à la place de cette région dans la chaîne alpine, sont cruciales si on déplace le focus sur les siècles qui ont suivi la conquête romaine. Les sauvetages urbains ont permis dans les années 1970 de commencer à percevoir l’agglomération romaine de Thonon, mais longtemps la réflexion sur les territoires périphériques est restée tributaire des modèles conçus par des précurseurs comme Ch. Marteau, E. Vuarnet, P. Broise puis plus tard J.-C. Périllat. Leurs théories, fondées parfois davantage sur l’intuition que sur l’archéologie de terrain, ont conduit à raconter une histoire qui a longtemps influencé l’interprétation des découvertes isolées. Avec le développement de l’archéologie préventive, l’exploration des campagnes chablaisiennes permet peu à peu de resituer cette région au sein des réseaux impériaux.