Les bénévoles, artisans institutionnalisés des politiques migratoires locales (original) (raw)
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Redessiner les contours de l’État : la mise en oeuvre des politiques migratoires, 2019
Cette contribution met en lumière de nouvelles relations entre État et société civile dans les politiques migratoires locales et, plus particulièrement, dans les politiques d’insertion sociale et économique. À partir d’enquêtes de terrain ethnographiques menées dans trois agglomérations françaises, les auteurs mettent à jour un mouvement d’institutionnalisation progressive de l’action bénévole au sein de l’action publique. Les terrains d’enquête sont des « dispositifs d’insertion » initiés par l’État et confiés à des associations, visant à l’insertion sociale de migrants européens précaires identifiés comme « Roms », vivant en habitat précaire. L’article propose une analyse en deux temps. Un premier temps revient sur le choix des services de l’État de confier à des tiers « opérateurs » la mise en oeuvre de « dispositifs d’insertion », en fixant des orientations notamment en matière de mobilisation de bénévoles. Un second temps concerne les modalités pratiques de cette institutionnalisation du bénévolat dans la réponse publique. L’hypothèse développée en filigrane est celle d’une politique migratoire qui se construit en partie sur des stratégies de canalisation, de mise à distance et d’institutionnalisation d’une action bénévole dépolitisée. Mots-clés : politiques publiques, travail social, intermédiation sociale, action collective et associations, travail bénévole et travail militant, carrières militantes, carrières professionnelles, migration, politiques migratoires, gouvernance locale This paper highlights new relations between state and civil society in the case of French local migration policies towards, and more specifically social inclusion policies. It is based on a multi-site ethnographic fieldwork in three cities. It shows a progressive institutionalization of voluntary action in public policy. We studied “insertion devices” (services for integration and active labour market policies) enacted by the State and contracted out to associations, having precarious European migrants — labelled as “Rom” and living in inadequate housing —, as target groups. The article proposes a two-step analysis: a first step that goes back to the choice of state services to entrust third-party “operator” by setting up “inclusion service”, by defining the role of each stakeholder, particularly volunteer individuals or organizations; a second time that concerns the choices made by these operators in terms of recruitment and selection of volunteers according to different criteria. The hypothesis developed through the article concerns the fact that migration policies are partially built on strategies of channelling, distancing and institutionalizing a depoliticized non-profit intervention. Keywords: public policies, social work, mediation, collective action, associations, volunteer work and activism, militant careers, migration policies, local governance
2019
En France, Italie, Suisse, comme en Angleterre, en Turquie ou au Liban, le bénévolat des migrant-e-s est un phénomène de plus en plus présent et, pourtant, sous-analysé. L’émergence et le développement de cette forme de travail non rémunéré semblent être liées à des exclusions plus ou moins formelles du marché du travail (Mezzadra, Neilson, 2013), en raison du statut juridique des migrant-e-s (demandeurs-ses d’asile, “sans papiers”, ou personnes en voie de régularisation). Le bénévolat des personnes migrantes répond également à des injonctions multiples, qui incitent à faire preuve de valeur civique, et à fournir le gage d’une “bonne intégration” à la société d’accueil (Chauvin, Garcés-Mascareñas, 2014). Souvent subsumé sous les traits de programmes d’empowerment, ce phénomène souffre ainsi d’une triple invisibilité : due au statut de réfugié-e/demandeur-se d’asile/sans papiers d’une part, à l’étiquette « bénévole » de ce travail d’autre part, mais aussi au champ dans lequel il s’exerce : celui des associations, ONG et institutions de l’asile (Drif, 2018). Cette journée d’étude vise donc à explorer le rôle que jouent les champs associatif et humanitaire dans la mise au travail des personnes migrantes, à travers le bénévolat. En effet, associations et ONG constituent des lieux à la fois habilitants et contraignants (Palomares et Rabaud, 2006), pour les migrant-e-s : si ces derniers-ères peuvent apparaître comme un vivier de main d’œuvre gratuite pour des associations et ONG en manque de moyens, l’activité bénévole relève également de différentes tactiques mises en place par les personnes migrantes. En effet, il peut s’apparenter à des stratégies de professionnalisation à travers la construction de relations de travail ou l’acquisition de formations, mais peut aussi renvoyer à une volonté de reconnaissance publique (Tcholakova, 2013), et faire figure de levier vers une forme d’accès à une citoyenneté a minima (Muehlebach, 2012 ; Phillimore, Humphris, and Khan, 2018).
Le bénévolat : de la production « domestique » de services à la production de « citoyenneté »
Nouvelles pratiques sociales, 2002
Cet article cherche à analyser le bénévolat autrement que par rapport à une culture domestique de production de services à laquelle il est généralement associé, avec ses dimensions caritatives, pour en traduire le mouvement de fond qui paraît l’animer aujourd’hui : celui d’une volonté de contribuer de manière active et autonome au mieux-être d’une société qui se définit par ses « projets » et dans laquelle l’individu se réalise par ses « activités ». Il s’agit ainsi d’inscrire le bénévolat dans une culture de la responsabilité civique plutôt que dans une culture du devoir et de souligner la portée politique de ses pratiques. Le bénévolat est au coeur de la problématique de la transformation en cours des relations entre l’État, le marché et la société, ce qui lui confère son importance stratégique. Dans le cadre de l’institutionnalisation croissante des relations entre l’État et la « société civile », le bénévolat devient un véhicule légitime de citoyenneté beaucoup plus qu’un instru...
2019
Le questionnement relatif à la pertinence de l’immigration pour faire face à des problématiques d’ordre économique et démographique, de même que les méthodes d’intégration sous-jacentes amènent souvent à des tensions au sein des pays d’accueil. Par ailleurs, les festivals multiculturels, compris comme une célébration publique de courte durée qui présente la culture et les traditions des communautés locales issues de l’immigration, sont une pratique privilégiée par les organismes à but non lucratif qui travaillent auprès des immigrants. Selon ces organismes, de telles célébrations représentent un excellent moyen de favoriser leur participation sociale, sous forme de bénévolat, en leur permettant d’entrer positivement en contact avec les membres de la société d’accueil. Ce projet de recherche vise à comprendre le sens que les immigrants de première génération accordent à la participation sociale, sous forme de bénévolat, dans le cadre d’un festival multiculturel. Il s’intéresse également aux motivations et aux bénéfices du bénévolat, de même qu’à la contribution de la participation sociale au processus d’intégration des immigrants à la société d’accueil. La méthode d’analyse qualitative a été privilégiée pour explorer le phénomène du point de vue de l’immigrant bénévole. La collecte de données a été réalisée au moyen d’entretiens semi-dirigés auprès de dix immigrants de première génération ayant participé comme bénévoles à la Fête de la diversité culturelle de Drummondville, une ville de taille moyenne avec un faible taux d’immigration, mais en transition vers le pluralisme. L’un des critères de sélection est d’avoir eu une interaction directe avec les membres de la société d’accueil lors de la Fête. Les résultats obtenus confirment la contribution favorable de la participation sociale, sous forme de bénévolat, dans le cadre d’un festival multiculturel, au processus d’intégration des immigrants à la société d’accueil. La signification que les immigrants accordent à cette participation s’avère déterminante sur les plans de la création des liens sociaux, sur les processus de changement qui se produisent comme effet du contact, sur la reconnaissance de la contribution, de la valorisation du bagage culturel et de l’expression de l’identité individuelle et sociale de même que sur le développement et la manifestation du sentiment d’appartenance à la communauté d’accueil.
Donner du sens. Trajectoires de bénévoles et communautés morales
Lien social et Politiques, 2004
Résumé L’analyse de la trajectoire des bénévoles permet de comprendre quel rôle leur engagement joue dans la construction et le maintien de leur identité, et quelles formes d’idéal moral et de communauté sous-tendent leur action. L’étude dont nous présentons ici les premiers résultats repose sur une enquête menée dans trois régions du Québec, auprès de bénévoles oeuvrant dans les secteurs culturel, scolaire et religieux.
2021
Remer ciements Au bout de la « dernière ligne droite » viennent les remerciements. S'ils sont formulés ici à partir d'un regard jeté en arrière, j'espère cependant avoir pu les distiller tout au long du chemin parcouru à l'occasion des multiples aides précieuses dont j'ai pu bénéficier. Sans vraiment savoir à quoi m'attendre, il faut l'avouer, je me suis lancé sur la piste du doctorat. Je voudrais remercier chaleureusement mes promoteurs de départ, prof. Em. Edwin Zaccai et prof. François Gemenne, ainsi que prof. Jean-Michel Decroly. Les professeures Sabine Henry et Maria Mancilla-Garcia m'ont aussi prodiguées de précieux conseils. Les premières personnes citées m'ont offert cette opportunité de recherche, la liberté de la mener à ma guise et la confiance en mon travail. Merci d'avoir permis de me lancer sur les pistes de la Moyenne-vallée du Fleuve Sénégal et des banlieues de Dakar. Si m'indiquer le chemin a été la première chose, je vous remercie sincèrement pour avoir guidé mes pas, du premier au dernier, dans ce long processus empirique et cognitif entre le Sénégal et Bruxelles. Ils ont été non seulement indispensables à la réalisation de ce travail, mais plus fondamentalement formateurs. J'espère que le résultat écrit est digne de cette confiance accordée et qu'il laisse transparaître un peu de cette passion du chercheur, sans cesse renouvelée, qui m'a été communiquée. Gl ossaire L'adaptation : « une démarche d'ajustement au climat actuel ou attendu, ainsi qu'à ses conséquences, de manière à en atténuer les effets préjudiciables et à en exploiter les effets bénéfiques » (GIEC, 2012 : 4). L'adaptation aux aléas environnementaux décrit, en comparaison avec le coping, des mesures à plus long terme, souvent stratégiques, pour contrer les risques de catastrophes en créant de nouvelles ressources disponibles pour faire face ou en s'attaquant aux facteurs de vulnérabilité (Birkmann et al., 2013a : 4-5 ; Birkmann, 2013b : 22-23). Agropastoralisme : la pratique conjointe de l'agriculture et de l'élevage permettant aux sociétés paysannes de produire de manière extensive les ressources nécessaires à leurs besoins (Gonin, 2016). L'« association villageoise de développement » (AVD) est devenue un terme générique, au Sénégal en particulier, pour qualifier les associations au village, regroupant tous les hommes (et femmes, plus récemment) adultes et focalisés sur l'amélioration des conditions de vie. Pour qualifier leurs propres structures, les migrants parlent simplement d'associations de ressortissants ou d'associations villageoises. Le regroupement des migrants est alors considéré comme une des sections de l'association de développement du village, laquelle rassemble l'ensemble des ressortissants/ressortisantes sur les différents lieux d'implantation, au pays et ailleurs. Cependant, cette vision englobante voile les dynamiques spécifiques à l'émigration en Europe (surtout en France, mais aussi en Belgique), et les différences sociologiques entre la structure en Belgique et les autres sections, au village ou ailleurs. Ainsi, nous utilisons l'expression d'« association villageoise de ressortissants », ou « l'AVD en Belgique ». L'ethnicité : compris ici non comme une différence naturelle, mais comme une construction sociale influençant les relations entre groupes perçus ou se percevant comme différents sur la base de caractéristiques physiques, culturelles ou psychologiques communes 1. Changements environnementaux : tous les écarts à la norme dans des domaines aussi différents que la pluviométrie, les températures, la fréquence des catastrophes, etc. qui ont un impact potentiel sur les conditions de vie des populations (Brüning et Piguet, 2018). Changements socio-environnementaux : Des changements qui impliquent des systèmes humains (pratiques matérielles ; idées et valeurs non matérielles) et des systèmes non humains (vivants et physiques). Les problèmes environnementaux, d'adaptation et de durabilité sont souvent décrits comme socio-environnementaux dans les recherches interdisciplinaires en reconnaissance de la nature complexe et entrelacée de leurs dimensions naturelles et sociales (Pulver et al., 2018). Codéveloppement : "toute action de développement social, économique, culturel et politique (…) fondée sur une collaboration entre les migrants, leurs organisations et leurs partenaires, publics et privés, à la fois dans les pays d'origine et dans les pays d'accueil (…) considérant [qu'il] 1 Voir à ce sujet : Martiniello, M. (2013). Glossaire s'inscrit dans le cadre global des discussions liées à l'intégration, aux migrations et au développement". (Comité des ministres du Conseil de l'Europe, 2007) 2. Coping (faire face) fait référence aux ressources disponibles pour répondre aux chocs et aux stress et en minimiser les conséquences néfastes (Birkmann et al., 2013a : 4-5 ; Birkmann, 2013b : 22-23). Les néo-Néo-Dakarois : les personnes originaires du Fouta-Toro, mais qui sont nés ou ont grandi dans la région de Dakar. Le risque de catastrophe est défini comme la probabilité et l'ampleur des conséquences néfastes résultant de l'interaction entre les dangers et la vulnérabilité (UNISDR, 2004 : 16). Une catastrophe décrit la manifestation de conséquences néfastes résultant de l'interaction entre les aléas et la vulnérabilité, entrainant des effets humains, matériels, économiques et environnementaux néfastes à grande échelle qui perturbent le fonctionnement normal d'une communauté et nécessitent des mesures importantes de réponse et de rétablissement (GIEC, 2012 : 5 ; UNISDR, 2004 : 17). « Aléas » (hazards, en anglais) désigne des évènements ou des processus naturels, anthropogéniques ou socioécologiques, à déclenchement lent ou soudain, qui peuvent potentiellement entrainer des conséquences néfastes pour les éléments et les individus qui y sont exposés (Birkmann 2013b : 23 ; Birkmann et al. 2013a : 8). Les moyens de subsistance ou moyens d'existence (livelihoods) font référence aux capacités, aux actifs et aux activités déployés pour vivre, qui sont à la disposition d'un individu ou d'un système (tel qu'un ménage) (Chambers & Conway 1991 :6). La migration est comprise ici, comme dans le projet MIGRADAPT, dans des termes larges, à savoir : « the movement of a person or a group of persons, either across an international border, or within a State. It is a population movement, encompassing any kind of movement of people, whatever its length, composition and causes; it includes migration of refugees, displaced persons, economic migrants, and persons moving for other purposes, including family reunification » (IOM 2011:62-63). Cette thèse considère à la fois les migrations internes et internationales, mais se concentre sur ces dernières. Toutefois, à des fins de compréhension d'analyse plus fine, nous distinguons les types de mobilité (interne et international,) ainsi que la durée : migration à court terme saisonnière/périodique (3 mois à 1 an) ; 2. migration à long terme (plus d'un an) et 3. Migration « permanente » (plus de 10 ans). L'utilisation du terme « noble » dans cette recherche fait référence à une catégorie générique, celle des chefs historiques de la région, dont le statut était supérieur à celui des autres groupes. Le carré (concession) ou galle est une unité d'habitation, c'est-à-dire un ensemble de cases ou de bâtiments à usage d'habitation localisés dans une même enceinte. Le carré (concession) est matérialisé physiquement ou non par une clôture et abrite un ou plusieurs ménages. La « maladaptation », ou la « mauvaise adaptation » est définie comme une action prise soi-disant pour éviter ou réduire la vulnérabilité aux changements environnementaux, mais qui a un impact négatif sur, ou augmente la vulnérabilité d'autres systèmes, secteurs ou groupes sociaux (Barnett et O'Neill 2010). 2 Recommandation du Comité des Ministres aux Etats membres relative au codéveloppement et aux migrants oeuvrant au développement dans leur pays d'origine (adoptée par le Comité des Ministres le 12 juillet 2007, lors de la 1002e réunion des Délégués des Ministres,