Le design, une cosmologie sans monde face à l'Anthropocène (original) (raw)
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Bien qu'ils aient longtemps entretenu la mauvaise habitude de s'ignorer mutuellement, designers et anthropologues partagent depuis plus d'un siècle un grand nombre d'intérêts et de compétences communes. L'élément de convergence le plus évident est un souci ancien pour ce que les premiers appellent les cultures matérielles, et dont l'histoire de la muséographie [anthropologique et artistique] reflète à elle seule l'importance,mais aussi ses nombreuses transformations. Pour l'anthropologie, au-delà d'une description graphique précise des artéfacts, d'une présentation de la diversité de leurs formes aux grès des transformations sociales, il s'agit de rendre compte de l'articulation entre la matière et ses usages, en décodant la somme des filtres – compétences technologiques et techniques du corps,symbolisations, investissement de sens et d'émotions… qui en modulent la relation. À l'inverse, si je puis dire, le designer est grand pourvoyeur de culture matérielle. Tout à la fois, il participe à la production 1. du neuf,du beau et de l'innovant ; 2. en mobilisant les ressources d'une culture matérielle en place (pour la contraindre, la détourner, s'en saisir autrement) et, finalement, 3. garantir la pleine intégration de l'objet désigné au sein d'une collectivité particulière.
Genèse du monde, architectonique de la pensée
Kant. Raison, nature, société, 2004
Résumé : Pour saisir le champ que nous questionnons – Dieu, la Pensée, la Parole dans la Genèse –, nous convoquons deux termes kantiens fondamentaux, celui d’« idée » (l'idée de Dieu) – et celui de « concept rationnel ». Pour Kant en effet, Dieu, « la grandeur la plus parfaite » que la Raison peut concevoir, est une « idée » : « Je comprends sous l'idée un concept rationnel nécessaire, auquel aucun objet adéquat ne peut être donné dans l'expérience. » Ces concepts rationnels dépassent en effet le cadre de l'expérience, ce sont les concepts de la raison pure. L'idée de Dieu est dès lors à rapporter aux caractéristiques de ces concepts rationnels (Vernunftbegriffe) qui « dépassent la possibilité de l'expérience » : les idées ne sont « pas connaissables », Dieu n’est pas connaissable. Mais loin d'être inutiles ou accessoires, les « idées », dont la plénitude déborde précisément notre faculté théorique de connaître, revêtent au « plus haut » une fonction décisive (et indispensable). Nous touchons chez Kant à une ligne de partage analogue, dirait-il, à celle qu’est dans la Genèse la voûte qui sépare les Eaux, en établissant une séparation entre celles au-dessus de la voûte et celles en dessous. Chez Kant, la ligne de partage va séparer le domaine de l’entendement (Verstand) de celui de la raison (Vernunft), chacun des domaines ayant ses pouvoirs propres au service d’une finalité propre, ses matériaux et son mode de fonctionnement propres. Ainsi chacun des deux domaines est-il défini et caractérisé par rapport à celui qui lui est complémentaire (la connaissance a besoin de la complémentarité des deux) : l’entendement est défini comme le pouvoir des règles, tandis que la raison l’est comme le pouvoir des principes. Dans le texte de la Genèse, nous voyons comment ce principe kantien d'unité, ce principe « régulateur » doté d'une parfaite autonomie (ein durch sich selbst notwendiger Prinzip) se dévide en quelque sorte, donnant progressivement naissance à la diversité. Au commencement, le principe fonctionne en parfaite autonomie. Une unique matière (une singularité non-nombrable) se divise (par elle-même), donnant naissance – en même temps qu'elle crée les éléments et les « espèces » plurielles – à la pluralité, au nombre, ainsi qu'au quantificateur « deux ». Les premières distinctions sont opérées par le seul principe des contraires, assis sur la matière d'abord (A et non A : jour-nuit, sec–humide), sur la vie ensuite (vivants marins et vivants volants). L'appareil sémantique, de la plus extrême sobriété, ne mobilise lui aussi qu'une seule distinction « les vivants qui volent » / « les vivants qui grouillent » pour prendre en charge le tout des activités du vivant.
Pensée de la nature et cosmologie
2004
Pensée de la nature et cosmologie L'intitulé de cette session-"Penser. Le symbolisme : la nature comme modèle et comme métaphore"-nous invite à chercher des significations de la notion de "pensée" différentes de celles qui ont été abordées jusqu'ici, concernant, en particulier, les problèmes de classification. Une première orientation de la réflexion (qui n'a été exploitée de façon systématique par aucun des intervenants) aurait pu être l'étude des formes les plus
L'Anthropocène et la destruction de l'image du Globe
In Emilie Hache (sous la direction de) in De l'univers clos au monde infini, éditions Dehors, Paris, pp.27-54, 2014. J'espère que je ne suis pas le seul à avoir attendu avec beaucoup d'impatience, pendant les six premiers mois de 2012, les conclusions du 34e Congrès International de Géologie qui devait se tenir à Brisbane pendant l'été. Je dois avouer que jusqu'à récemment ce n'était pas dans mes habitudes de suivre le travail de cet éminent corps académique -même si leur devise quelque peu nietzschéenne Mente et malleo (Par la pensée et par le marteau) aurait fort bien convenu à ma propre profession ! Mais si je l'ai fait cette année, c'est parce que, comme le monde entier, j'attendais le résultat de la Commission Internationale sur la Stratigraphie, ou, plus être plus précis, de sa Sous-commission sur la stratigraphie quaternaire présidée par le Dr Zalasiewicz, de l'Université de Leicester. Est-ce qu'ils allaient officiellement déclarer que la Terre était entrée dans une nouvelle époque, l'Anthropocène, ou non ? 1 Et si oui, à quelle date précise ? Pour la première fois dans la géohistoire, on allait déclarer officiellement que la force la plus importante pour donner forme à la Terre c'était celle des humains. Pas étonnant qu'une telle décision ait été considérée comme un véritable « changement d'époque » pour les géohistoriens avec lesquels, dans ces conférences, nous essayons de faire connaissance. * Ce chapitre est la traduction française par Franck Lemonde de la quatrième conférence Gifford « Facing Gaia-Six Lectures on the Political Theology of Gaia » prononcé en Février 2013, à Edimbourg. L'argument complet peut être lu sur le site : http://www.bruno-latour.fr/sites/default/files/downloads/GIFFORD-SIX-LECTURES\_1.pdf. Le texte a été amendé pour cette publication mais on a gardé le style oral d'une communication.
Design et anthropologie : innover par et pour l'usage
Focus, Wallonie Design, en ligne, 2013
Dans l’écosystème des compétences que mobilise le design, l’anthropologie apparaît de plus en plus comme une ressource évidente pour intégrer l’humain dans l’innovation. Observateur des usages ordinaires, l’anthropologue dispose aujourd’hui d’outils pour susciter la créativité, impliquer activement les consommateurs dans la création et réduire la probabilité d’échec d’innovation ne tenant pas compte des schémas omportementaux fondamentaux de chaque culture.
Comprendre et composer (avec) l'anthropocène
Comprendre et composer (avec) l'anthropocene, 2019
Cette analyse aborde la question de l´anthropocène et de ses récits en confrontant différents points de vue de la communauté scientifique et intellectuelle, afin d´interroger la responsabilité environnementale des organisations issues de la coopération au développement, au-delà des discours bienpensants.