La fin de la conduite du changement : cheminement déconstructif qui présente la résistance comme manifestation d’une vie ignorée et « l’acte éthique » comme « résilience » ultime, porteuse d’espoirs (original) (raw)
2019, IP&M et Université de Lorraine – IAE de Metz – colloque des 14 et 15 novembre 2019 - Résistance au changement et résilience organisationnelle. Mise en perspective du couplage ?
Pourquoi le concept de résilience fait-il irruption dans le champ de la conduite du changement ? Qu’apporte-t-il ? La conduite du changement apparaît comme un « mythe rationnel » (Hatchuel et Weil, 1992 : 122), ou plutôt un mythe rationnalisé, exemplaire de notre temps. La résilience est un concept encore plus récent qui est devenu en très peu de temps populaire dans un grand nombre de champs disciplinaires. Notre ambition est d’interroger ce qui se joue dans la volonté de conduire un changement et ce que le concept de résilience pourrait apporter à une telle démarche. Concrètement, il ne s’agit pas de contester le bien-fondé même de tout changement et de toute démarche de changement, mais plutôt d’en interroger certaines arrêtes les plus saillantes, pas représentatives de tout changement étant donné la pluralité des situations possibles, toujours singulières, mais illustratives d’une approche assez globalement partagée. De même, surtout étant donné le nombre et la variété des définitions et des appropriations pratiques de la résilience, il ne s’agit pas de contester la pertinence du concept mais d’en mieux comprendre les possibles limites et potentiels apports. La conduite du changement apparaît prise dans un triangle de tensions paradoxales entre le sentiment qu’elle serait indispensable et incontournable, alors qu’elle susciterait quasi-systématiquement des résistances chez les individus concernés et que le taux d’échec massif des démarches mises en œuvre se trouve assez inexpliqué. La résilience serait-elle alors la pièce manquante qui permettrait de résoudre ces équations insolubles jusqu’alors ? Pour mieux comprendre ce qui se joue dans cette volonté de changement, ces échecs inexpliqués et cet espoir de résilience, nous allons chercher à identifier et à interroger notre paradigme de perception et d’action, sur lequel repose, selon nous, notre société (et donc sur lequel repose aussi le management et les démarches de conduite du changement). Le principal constat est que notre société est fondée sur une ignorance de la vie et une instrumentalisation réifiante du vivant et du singulier. En interrogeant la notion de résistance, qui semble entendue très différemment en psychanalyse et en gestion, il nous sera possible de mieux saisir en quoi la résistance au changement tant redoutée et que l’on souhaite socialement le plus souvent réduire et transformer en adhésion pourrait finalement être considérée comme une bonne nouvelle. Bonne nouvelle parce qu’elle serait manifestation de vie. Ainsi, nous proposerons pour conclure de distinguer entre deux grandes formes de résilience : des résiliences qui reposeraient sur la capacité de l’individu à s’adapter à un contexte social et des résiliences qui seraient l’expression d’une singularité vivante qui affirmerait son droit à exister, associée à l’idée d’acte éthique en ce qu’elles pourraient avoir un écho collectif contribuant à l’ajustement éthique des institutions.