Théodoropoulou, E., "«En crevant la peau des choses»: les ‘objets philosophiques’. Prooimion à un projet", dans: Actes de la 1ère Biennale Internationale de Philosophie Pratique (dir. Théodoropoulou, E.), Rhodes: L.R.Ph.P., 2019, pp. 530-567. (original) (raw)
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Alors que Floire, héritier d'un roi païen, s'est épris de la chrétienne Blanchefleur, les parents du premier cherchent un moyen de séparer les jeunes amants. Ils conviennent de vendre Blanchefleur à des marchands, puis d'ériger un tombeau en son honneur, afin de faire croire à Floire que sa bien-aimée est morte. C'est alors qu'interviennent dans les aventures de ces enfants telles qu'elles sont relatées en français dans le Conte de Floire et de Blanchefleur, deux objets à la dimension autoréflexive évidente. D'une part, la demoiselle est échangée contre une coupe d'or sur laquelle sont représentés le Jugement de Pâris et la guerre de Troie : or les amours de Pâris et Hélène apparaissent à la fois, par leur ardeur, comme le modèle de l'amour unissant les héros du Conte, et, par leur issue, comme le contre-modèle auquel Floire et Blanchefleur parviendront à échapper. En tant que reflet inversé de l'intrigue et monnaie d'échange que l'on retrouve plus loin dans le récit, la coupe constitue un objetclé de l'oeuvre. D'autre part, le cénotaphe, dont le texte vente la magnificence, est aussi un objet magique avec, en son sommet, des automates représentant les deux héros éponymes, unis dans baiser et un échange de paroles amoureuses qu'un merveilleux mécanisme rend éternels. Il représente, cette fois, la véritable issue du récit idyllique : l'union des amants. Ces objets prennent place dans la première partie des aventures, celle qui évoque la séparation des amants, avant que le départ de Floire pour Babylone ne conduise à leurs retrouvailles. Si chacun d'eux représente une partie du destin des jeunes gens, leur association reflète l'ensemble du récit, des possibles qu'il ouvre à sa conclusion positive. L'histoire de ces amants, au carrefour de différentes traditions et trouvant probablement sa source dans des récits orientaux 1 , remporte un très grand succès à l'époque médiévale, qui se mesure au grand nombre de versions qui en ont été composées dans toute l'Europe : chaque texte revisite, à sa manière, dans sa propre langue et dans un contexte nouveau, le périple des jeunes amants. Dans la présente étude, nous explorerons le devenir des deux objets présentés ci-dessus, dans une sélection de versions européennes de l'histoire de Floire et de Blanchefleur : les exemples choisis permettront d'observer différents domaines linguistiques et divers contextes historiques, mais sans prétention à l'exhaustivité. Il s'agira de mettre en lumière les traits à la fois communs et divergents des descriptions de la coupe et du tombeau, en nous interrogeant sur l'existence d'une image « commune » de ces objets. Nous nous demanderons ainsi dans quelle mesure la destinée de ces objets autoréflexifs témoigne d'interprétations singulières de l'aventure des héros.
I. théories et enjeux épistémoLogiques du paraître 13 Thomas Golsenne LA pArure vivANte. ANthropoLogie du motif LéopArd dANs LA cuLture occideNtALe 25 Sébastien Galliot sAisir Les Logiques sociALes du mArquAge corporeL pAr-deLà Les sémioLogies du corps et de L'imAge 35 Josep Martí mAkiNg bodies meANiNgfuL. the sociAL preseNtAtioN of the body 45 Rosa Maria Dessì Les AppAreNces de dieu. Le pAgNe, uN NoN-vêtemeNt pArLANt eNtre terre et cieL 61 Carole Talon-Hugon L'orNemeNtAtioN du corps eNtre ArtiALisAtioN et ArtificAtioN ii. identités cuLtureLLes, genre et apparences sociaLes 67 Catherine Perlès, Solange Rigaud recoNstructioN des ideNtités cuLtureLLes Au cours de LA trANsitioN mésoLithique-NéoLithique. L'Apport de LA pArure 83 Ian Kuijt coNstructiNg the fAce, creAtiNg the coLLective. NeoLithic mediAtioN of persoNhood 93 Marion Benz, Julia Gresky, Hala Alarashi simiLAr but differeNt. dispLAyiNg sociAL roLes of subAduLts iN buriALs from the LAte pre-pottery NeoLithic site of bA`jA, southerN jordAN 109 Hala Alarashi, Ferran Borrell coNstructiNg ideNtities iN NeoLithic times. the vAriscite orNAmeNts of gAvà (bArceLoNA) l'aRt du paRaîtRe : appaRences de l'humain, de la pRéhistoiRe à nos jouRs the aRt of human appeaRance : fRom pRehistoRy to the pResent day 40 es rencontres internationales d'archéologie et d'
À partir des années 1950, dans son atelier de Vallauris, Picasso compose plusieurs œuvres dans lesquelles interviennent des objets collectés par l’artiste et réunis, par le processus du modelage en plâtre, dans des créations nouvelles, que sont, par exemple, La Chèvre, La Grue, Petite fille sautant à la corde ou La Guenon et son petit. Les corps humains et animaliers apparaissent ainsi à travers des objets familiers, qui, soumis au regard de Picasso, se métamorphosent en parties anatomiques ou en éléments de décor. Le regard de l’artiste sculpte et l’œuvre semble moins naître de la main, qui maîtriserait savoir-faire et technique, que du regard, saisissant à la fois la poésie et le pouvoir formel des objets collectés au détour d’une décharge ou réunis dans la richesse de l’atelier de l’artiste. Fondateur dans les œuvres de Vallauris, le regard de Picasso, posé sur le quotidien qui l’entoure, joue un rôle déjà essentiel dans son œuvre antérieure, tout en répondant à une tradition artistique bien établie, à travers laquelle quelques objets les plus simples prennent place dans des œuvres originales. Confronté à la reproductibilité des plâtres originaux par la fonte en bronze, le regard sculpteur de Picasso se trouve compromis par la main du fondeur, qui ensevelit sous une unité nivelant la présence des objets, encore palpable dans les modelages en plâtre. Le regard du spectateur apparaît par conséquent telle une possibilité essentielle, afin de compenser la disparition, voire l’annulation, par le bronze, de la métamorphose poétique opérée par le regard de l’artiste. Le spectateur s’engage, en effet, dans une quête visant à identifier ce que le regard de Picasso a su voir, quant au voisinage formel entre ces objets si familiers convoqués dans le processus de création et le répertoire formel des œuvres contemplées. Cette dynamique intersubjective entre le regard de l’artiste et celui du spectateur interroge la dénomination la plus adaptée pour qualifier ces œuvres créées à Vallauris, déployant, en effet, l’existence d’un « art comme jeu », pour reprendre une aspiration du poète et ami de Picasso, Michel Leiris.
Encyclo, 2016
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2022
Dans un commentaire récent de sa traduction de Jean Chrysostome, A. Peleanu voyait dans le concept de προαίρεσις un possible « fil rouge de toute son oeuvre ». La présente thèse sur l'usage de ce mot par Jean Chrysostome se propose donc de suivre ce fil de 630 occurrences présentes dans son oeuvre volumineuse. Le but est d'exposer sa conception de la liberté humaine, celle qu'il sollicita inlassablement chez ses auditeurs par son ministère de prédication. En effet, le terme de προαίρεσις se traduit par « choix délibéré » ou « volonté délibérée ». Elle est une notion complexe qui résulte d'une longue élaboration historique, depuis Aristote jusqu'à Épictète, avant d'être reprise par les Apologètes chrétiens et les Pères de l'Église d'une manière tout à fait originale. Le premier chapitre décrit comment Aristote, le premier, en a fait un terme clé de son éthique. Dans une analyse du cas précis de l'agir volontaire et délibéré d'un homme, la προαίρεσις y désigne l'étape conclusive : découlant simultanément des facultés de désir et de la délibération, elle est un acte par lequel un vouloir délibéré devient réel. En le posant (même intérieurement) l'individu l'assume et le fait sien. Passage décisif de l'abstrait des intentions et des délibérations à la concrétude d'un vouloir acté, la προαίρεσις est ce moment charnière où surgit l'imputation et la responsabilité morale. Aristote avait même déjà esquissé les bases d'une équivalence : la προαίρεσις est le principe propre d'un être humain (E.N. VI 2.1139b4-5). En reprenant ce terme trois siècles plus tard, Épictète confirme cette vue et donne à cette notion une « extension » ou une « inflation » comme nul autre avant lui. Le stoïcien assimile l'individu humain à sa προαίρεσις ; son sujet est assimilé à l'actualisation d'une faculté de liberté. Épictète insiste beaucoup sur son autonomie absolue et cosmique face au destin et sur laquelle personne n'a pas de prise, pas même Dieu. Mot presque absent de la Bible, προαίρεσις sera progressivement récupéré et assimilé par la pensée chrétienne. Le premier témoin en est Justin de Rome, qui donne un exemple typeembryonnaire mais complet-de l'insertion de la notion de προαίρεσις en théologie chrétienne. Puis, de Clément d'Alexandrie et Origène jusqu'à Grégoire de Nysse et le pseudo-Macaire, προαίρεσις est un excellent marqueur de l'évolution de la réflexion des Pères sur le rôle de la volonté délibérée dans la définition de l'homme (cf. annexe 2). Tous les éléments de ce parcours historiques, convergent jusqu'à Chrysostome et son usage du terme, décrits au chapitre II. Un premier ensemble de ses emplois de προαίρεσις correspondent aux définitions et caractéristiques ordinaires que le mot avait pris dans le langage commun : désir, projet, intention. Mais le reste des occurrences et leur analyse montrent l'extension philosophique qu'il avait acquise. Chrysostome donne de la προαίρεσις une définition rare et explicite : « la προαίρεσις est un mouvement qui part de nous-mêmes et qui nous conduit là où nous voulons ». Elle apparaît dans un texte capital : la 13e homélie Ad Romanos, une longue et dense réflexion sur l'identité de l'homme devant Dieu, sur sa liberté, le péché et la grâce. La προαίρεσις se confond alors avec son sujet : l'être humain est lui-même un acte en cours de délibération. Puis ses textes témoignent d'une récurrente juxtaposition entre προαίρεσις et φύσις (nature) que notre analyse développe au chapitre III en deux temps. Le premier rend le nombre de fois où φύσις recouvre l'ensemble des déterminismesque les textes décrivent en nombre et en détail : physiques (le genre, l'âge, les capacités innées), psychiques (les passions), familiaux (génétique, éducation), sociétaux (esclavage, possession de biens), religieux, existentiels…et le rapport d'une certaine indépendance irréductible que la faculté de προαίρεσις entretient avec eux tous. Puis, un second temps, développé dans le chapitre suivant, rend compte de la nature humaine en tant qu'elle intègre la προαίρεσις. Loin d'être une faculté abstraite, elle est un fait actuel, c'est-à-dire la dynamique d'un acte en cours, celle d'une vie humaine concrète. Aussi le mot est-il apte à désigner une créature libre et unique, dans son individualité la plus