Genette, contre enquête. Pragmatique, formes et diachronie de la "voix narrative", Communication & Langages, n°202, déc. 2019. (original) (raw)

Stucky, O. (2016) «La Voix de Proust – Des influences de À la recherche du temps perdu sur la construction des notions de narration et de voix narrative chez Gérard Genette », Cahiers de narratologie, n° 31.

L’auteur défend l’hypothèse selon laquelle la génération de la notion de voix narrative dans « Discours du récit » de Gérard Genette serait en grande partie conditionnée par le rapport complexe entretenu avec son objet d’étude : À la recherche du temps perdu de Marcel Proust. Partant du principe que l’article de Genette se construit autour d’une perspective en tension entre théorie et critique littéraire, la réflexion vise l’influence exercée par le choix et le traitement de ce corpus sur la construction de l’outillage théorique. La méthodologie de Genette est ainsi étudiée au sein du contexte intellectuel de la fin des années soixante, en mettant l’accent sur les objectifs explicitement exposés dans son article. En outre, l’auteur propose l’analyse de l’application de cette méthode dans le « Discours du récit » en démontrant que, tant dans la construction générale de l’article, que dans la partie spécifiquement consacrée à la « Voix », la visée critique du récit proustien complexifie l’établissement théorique et dirige la narratologie genettienne vers une représentation communicationnelle du récit.

Langage et anti-langage à l'« ère du soupçon » : autour de la pièce radiophonique Le silence de Nathalie Sarraute

Langage et anti-langage à "l'ère du soupçon": autour de la pièce radiophonique "Le silence" de Nathalie Sarraute, 2015

Créée en avril 1964 pour la radio allemande et reprise plus tard par la radio française, la pièce Le silence de Nathalie Sarraute a été mise en scène en 1967 par Jean-Louis Barrault, lors de l'inauguration du Petit Odéon. À sa réception, cet acte unique qui dramatise un « tropisme » 1 conversationnel (le silence obstiné d'un personnage perturbe le dialogue des six autres), a été assez froidement accueilli : si une partie de la critique l'a interprété, de manière assez simpliste, comme une satire du verbiage et rabâchage mondains, sorte de version scénique du « salon Verdurin », la plupart des commentateurs se sont plaints d'un « jeu intellectuel » parfois « ennuyeux », d'un « exercice » affligeant de « pauvreté et d'assèchement » qui, de surcroît, ne présentait aucun élément innovant pour le théâtre. En fait, tout en reconnaissant l'originalité de l'oeuvre romanesque sarrautienne, les critiques des Nouvelles Littéraires et du Monde ont émis des réserves sur la nouveauté de cet ouvrage, qui marque, avec Le Mensonge, l'exorde théâtral de Sarraute. D'un côté, on a fait remarquer, non sans quelque raison, que l'art de « faire affleurer l'inconscient par le détour du dialogue » remonte au moins à Marivaux ; de l'autre, on a voulu explicitement souligner que ce genre d'« expérimentation sur le langage » a eu, « au théâtre, plus de devanciers que dans le roman, de Tchekhov à James, et de Duras à Brice Parain » 2. Effectivement, la pièce est fortement marquée par le goût et la recherche esthétique française des années 60 et, pour en apprécier la finesse, il faut la situer dans le climat artistique et culturel qui avait connu, à partir des années 50, les succès du théâtre de l'Absurde, ainsi que l'affirmation du Nouveau Roman 3 , accompagnés de

Voix/voie narrative : la voix métaphorée

Cahiers de Narratologie, 2001

Qu'est-ce qu'une « voix » quand il s'agit d'un objet sans voix justement, un objet muet, texte dont seule la lecture peut faire un objet esthétique ? Une voix est corporelle, trace de la personne qui parle, moulage, miroir, index du sujet. Métaphore, le concept de voix mérite un examen critique. Mot, presque « naturelle » pour rendre compte que le récit ne vient pas de nulle part et que quelqu'un en est responsable, le concept paraît indispensable. Un enjeu majeur, dans les débats qui ont suivi ma proposition d'amender la narratologie genettienne, concerne le caractère métaphorique des concepts que j'avais, à la lignée de Genette, simplement essayé de rendre plus « applicables ». Aujourd'hui on voit mieux que cet enjeu comporte celui, plus important, de la portée éthique des concepts des concepts mêmes 1. Celle-ci tient à son sens, ou plutôt, ses sens, impliqués par la nature inévitablement métaphorique des concepts. Cela m'a été clair, même si insuffisamment, dès le début, mais je n'ai pas insisté assez sur la raison d'être de ce type de préoccupation dans la narratologie. Je n'ai pas assez insisté, je dirais maintenant, sur la portée idéologique du domaine esthétique, ni de son questionnement esthético-formel. Pourtant, c'est autour de la notion de responsabilité sémiotique formulée

La voix genrée, entre idéologies et pratiques – Une étude sociophonétique

Ce travail de thèse interroge le lien qui existe entre voix et genre. Le triple dispositif analytique sociophonétique, consistant à articuler données phonétiques, expérimentales et ethnographiques, a permis d’étudier comment une voix est perçue comme genrée et comment des locutrices/eurs utilisent des pratiques vocales pour indexer des identités de genre. Deux expériences dans lesquelles étaient utilisés comme stimuli des voix de synthèse et des voix resynthétisées ont permis d’observer que la fréquence fondamentale et les fréquences de résonance jouent des rôles différents dans la perception du genre. Une troisième expérience avec des voix de locutrices/eurs trans (transgenres, transsexuel-le-s) a permis de reproduire les résultats des deux expériences précédentes : en deçà d’un certain seuil de fréquence fondamentale, les voix tendent à être perçues comme « voix d’hommes » ; la perception genrée de voix produites avec des fréquences fondamentales supérieures à ce seuil est cependant largement déterminée par les fréquences de résonance. L’étude de pratiques vocales utilisées par des locutrices/eurs trans a soulevé un ensemble de questions sur le passing de genre et sur la co-indexation d’identités et de postures par la voix. Elle a aussi soulevé la question de la légitimité de chercheurs identifiés comme hommes cisgenres à réaliser ce type d’étude. Une démarche ethnographique a pu apporter des éléments de réponse à ces différentes questions. Une analyse de la littérature phonétique a finalement permis de montrer que celle-ci, à travers ses questions et hypothèses de recherche, ses axiomes, ses analyses et interprétations des données, peut véhiculer une idéologie de genre binaire et sexiste. The aim of this dissertation is to investigate the relationship between voice and gender. Phonetic, experimental and ethnographic data have been used to study how the voice is perceived as gendered and how speakers use vocal practices to index gender identities. Two experiments with synthetized and resynthesized voices have shown that fundamental frequency and resonance frequencies play different roles in the perception of gender. The results of these experiments could be reproduced in a third experiment with voices of transgender speakers: under a certain fundamental frequency threshold, voices tend to be perceived as “male voices”; but above this threshold, resonance frequencies define if the voice is perceived as “female voice” or “male voice”. The study of the vocal practices of transgender speakers raised questions about gender passing, and about the indexical link between identities, stances and voice. It also raised the question of the legitimacy of researchers that are identified as cisgender males to do research on trans speaker voices. These different questions could be addressed through ethnographic data. Finally, an analysis of the phonetic literature showed that the research questions and hypotheses, the axioms, the analyses and interpretations of data one can find in phonetic studies can be a vehicle for a sexist and binary gender ideology.

La « scopofiction » narrative de Jean Genet

De 1926 à 1944, Jean Genet (1910-1986) séjourna plus ou moins régulièrement dans différentes prisons. Il y connaîtra ses toutes premières expériences homosexuelles et fera du bagne son milieu privilégié pour la « mise en scène » de ses fantasmes. À ses yeux d’adolescent et de futur écrivain, la prison s’annonce ainsi riche en écritures et en signes qui s’inscrivent sur les murs et les corps de tous ses habitants. Dans de telles circonstances, Genet s’enfonce dans ses rêveries, écartant toujours plus les limites entre fantasme et réalité, nourrissant d’images frappantes et indélébiles le répertoire de son imaginaire homoérotique. En prison, toutes sortes de support se révèlent dès lors comme des œuvres nues à lire et à feuilleter du regard. Du muscle, à la cicatrice, au tatouage, tout y est évocatoire d’une histoire personnelle à décoder par une sémiotique et une sémantique du corps. L’expérience carcérale, relue comme en contre-point par des biographèmes homoérotisés, devient, chez Jean Genet, une expérience sublimée du voyeurisme et de l’exhibitionnisme. Elle aboutit à une création littéraire qui passe tant par la vue que par l’imagination et peut être comparée à une « écriture de l’œil », du regard, ou plutôt, si le néologisme le consent, à une « scopofiction » narrative du simulacre genétien.

Place de la phonétique dans la revue La voix parlée et chantée

2011

Les phonetiques corrective (orthoepie), developpementale, clinique, articulatoire, perceptive, psychologique, historique, acoustique et experimentale sont evoquees dans 18,4% des articles de La voix parlee et chantee. Cette revue revele l'opinion de ses auteurs en faveur de l'etroitesse des liens existant entre voix et parole d'une part, entre parole et chant d'autre part. La phonetique corrective occupe un tiers des pages ecrites sur l'etude des sons de parole, suivie de la diction dans le theâtre et dans le chant (29%) et de son enseignement (10%), tandis que la phonetique experimentale alors naissante en occupe un cinquieme, et la phonetique historique le dixieme. Une place de choix est donnee a l'elocution dont les lieux d'enseignement foisonnaient encore a l'epoque de la publication de cette revue.

Rhétorique de la voix narrative et pratiques de lecture

Duval et Montorsi, Rhétorique de la voix narrative et pratiques de lecture. La transition dans la fiction en prose de la Renaissance (épreuves), Elseneur, 2017, 32, p. 39-52

La transition dans la fiction en prose de la Renaissance P our aborder la question complexe des rapports que la prose fictionnelle du XVI e siècle entretient avec les pratiques de lecture, deux types d'approches nous semblent appropriées et complémentaires. D'un côté, il est utile de prendre en compte l'histoire des pratiques de lecture, à voix haute ou silencieuse, de leurs évolutions et de leur distribution dans l'espace social. De l'autre côté, l'étude formelle des textes permet, dans la même perspective, de repérer certains traits révélateurs de ces pratiques, tels que les « indices d'oralité » 1 et, symétriquement, ce que l'on pourrait considérer, nous le verrons, comme des indices de lecture silencieuse. Nous nous appuierons sur ces deux approches pour appréhender la problématique posée par le présent volume, en choisissant pour objet le cas de la transition narrative, procédé formel qui nous est apparu comme un poste d'observation particulièrement intéressant pour aborder la question des modes de lecture de la fiction en prose. Notre corpus s'étend des Illustrations de Gaule, et singularitez de Troye, publiées en 1511, aux Alarmes d'amour parues en 1605. Le laps de temps envisagé est marqué par d'importantes évolutions en ce qui concerne l'histoire des pratiques de lecture. Les modifications du patron stylistique 2 de la transition, forme