Ombres et rayonnement de la cathédrale d’Amiens dans l’œuvre de William Morris (original) (raw)

2020, Amiens, le rayonnement d'une cathédrale (colloque des 800 ans)

En 1855, William Morris n’est pas encore un immense artiste pluridisciplinaire mais un étudiant en théologie. Avec deux camarades d’Oxford, il vient prendre des vacances dans le nord-ouest de la France. Après Abbeville et avant Beauvais, Chartres, Rouen, il visite Amiens et sa cathédrale. Il marche ainsi sur les traces des architectes et critiques d’art George Edmund Street, Gilbert Scott, John Ruskin. Comme eux, il célèbre certains traits remarquables que ne présentent pas ou peu les édifices gothiques anglais : hauteur impressionnante, remplages et surtout portails sculptés, que William Morris lit, trente ans avant La Bible d’Amiens, dans un long article, « Shadows of Amiens », qu’il publie dans The Oxford and Cambridge Magazine, avec deux nouvelles, médiévale et fantastique, également consacrées à la cathédrale : « The Story of the Unknown Church » et « A Night in a Cathedral ». La fiction n’est pas moins pertinente que la description pour rendre compte d’un édifice que William Morris aborde de façon résolument affective, émotive et subjective, qu’il se pose en visiteur, donne la parole à un des constructeurs de la cathédrale ou qu’il soulève ses difficultés de scripteur confronté à la difficulté de traduire une architecture en mots. Dans tous les cas, sa posture est artistique, humaniste, agnostique. Les textes qu’il publie suite à sa visite à Amiens s’avèrent donc en accord avec sa décision, simultanée, de renoncer aux ordres pour devenir artiste. Bien plus, on y perçoit, en les lisant de près, de nombreux germes des écrits communistes, quoique bien plus tardifs, de William Morris – non seulement des idées clés de ses conférences mais aussi des motifs de ses fictions, tels que la nuit dans l’église ou la sculptrice, qu’il retravaille et sublime en symboles d’un bonheur non plus passé mais à faire advenir en mettant fin au système capitaliste destructeur de la beauté de la vie.