LE MUSÉE JUIF ET LE CENTRE POUR LA TOLÉRANCE DE MOSCOU (original) (raw)

2015, Revue des études slaves LXXXVI/1-2

PAR Ewa BÉRARD CNRS Après le spectaculaire Musée juif de Berlin construit par Daniel Libeskind en 2001, deux autres capitales de l'est de l'Europe, Varsovie et Moscou ont décidé de suivre son exemple. Quant au Musée juif de Moscou, il a ouvert ses portes en novembre 2012. Le musée est situé dans le quartier deMar′ina Rošča, à la périphérie nord de Moscou, près du domaine Ostankino du comte Šeremetev. Pauvre à l'origine et fréquenté par des bandes de malfrats, le faubourg n'a été intégré dans la ville qu'au début du XX e siècle. C'est aussi un vieux quartier juif : après la Révolution, c'est ici que fut construite, en 1926, l'unique synagogue de l'époque soviétique. C'est également ici que se sont installés, en 1982, les célèbres acteurs léningra-dois Aleksandr et Konstantin Rajkin et leur légendaire Théâtre des textes miniature (rebaptisé ensuite Satirikon). Cinq ans plus tard, le quartier a accueilli un nouvel hôte : Dov-Ber-Pinhos Berel Lazar, Juif italien venu en URSS en tou-riste, qui est bientôt devenu le rabbin de la synagogue, puis, en 1999, le Grand Rabbin de Russie. Au cours de cette même année, sa synagogue a été incendiée. Les amis milliardaires du rabbin, les russo-israéliens Lev Levaev et Vladimir Gusinskij, ont immédiatement offert de verser des fonds pour sa reconstruction, mais le rabbin a préféré utiliser ceux-ci pour ouvrir une yeshiva (école d'étude des textes religieux) et remettre à flot le centre communautaire avec ses institutions caritatives, éducatives et sportives. L'idée du musée est justement venue du rabbin Berel Lazar. Quelques mots sur ce personnage haut en couleur : il appartient au puissant et ancien mouve-ment hassidique Xabad (acronyme hébraïque de « sagesse-compréhension-connaissance ») qui avait prospéré sur les marches orientales de l'Empire russe, dans la « zone de résidence » des Juifs. Au tournant du XX e siècle, ce mouvement Revue des études slaves, Paris, LXXXVI/1-2, 2015, p. 171-182.