Pourquoi s’intéresser au rose (original) (raw)
2018, Déconstruire le genre du rose : Approches antidisciplinaires
Un nombre conséquent de chercheur•e•s porte une attention particulière entre autre au noir, au blanc ou au rouge. Ces riches travaux ont été réalisés à l'aune de disciplines diverses, comme l'histoire de l'art, l'anthropologie, la sociologie, la psychologie, la linguistique, mais aussi les neurosciences. Cependant, une couleur semble susciter moins d'intérêt : le rose. Il faut dire que son histoire est récente, et que durant des siècles elle ne fut considérée que comme une nuance de rouge 1 , avant que l'importation au Moyen Âge du bois de brésil 2 n'encourage sa diffusion, en particulier dans les enluminures 3 , et son introduction dans le vocabulaire au travers de ses diverses appellations, telles que « rosin » ou « rosette ». Son lien très étroit avec le féminin en Occident a aussi contribué à en faire un sujet d'étude secondaire. Pourtant, la symbolique féminine du rose est loin d'être une évidence, la preuve en est son existence dans les seuls pays occidentaux et occidentalisés, et son absence de relation au genre dans les siècles passés. Il faudra attendre les années 1930 et l'émergence d'une mode étatsunienne consistant à différencier les bébés selon leur sexe pour que s'installe la symbolique féminine du rose et que cette couleur devienne la couleur des femmes 4. Le développement du gender marketing se chargera alors de répandre l'idée selon laquelle les filles préfèrent le rose et les garçons le bleu 5. Devenue une couleur stigmatisante, le rose est depuis une couleur rejetée à la fois par les femmes qui ne veulent pas être associées à des valeurs négatives de superficialité 6 , et par les hommes, le rose devenant en même temps une couleur anti-masculine 7. Cette journée d'étude se donne comme objectifs de déconstruire la symbolique féminine du rose en tentant de déterminer les facteurs qui ont conduit à cette féminisation, mais aussi d'examiner comment cette symbolique liée à la couleur s'est diffusée au travers de représentations, de pratiques sociales ou de discours. Il est difficile de circonscrire l'analyse du rose à une seule discipline, de même qu'il serait réducteur de réduire le rose à sa seule symbolique féminine. Le rose est ainsi également associé à la chair, à la sexualité, à l'amour, à l'exotique, au kitsch, à la gourmandise, à l'enfance, ou encore tout simplement à la rose dont il tire son nom. Les communicant•e•s adopteront ainsi une démarche « antidisciplinaire » 8 et tiendront compte du fait que les couleurs sont avant tout des concepts avant d'être des mots et des perceptions visuelles 9 .