Le Dieu 'Moi Moi Lui' (original) (raw)

Les Juifs, farouches défenseurs de l'idée monothéiste, sont aussi les fidèles gardiens de textes dans lesquels apparaissent, à plusieurs reprises, des 'noms triples' de Dieu, enchâssés dans ce que l'on pourrait appeler des 'trinités verbales', ainsi : « YHVH Elohenou YHVH » (Dt 6,4) i , « Ehyeh Asher Ehyeh » (Ex 3,14), ou « Kadosh Kadosh Kadosh », triple attribut de YHVH (Is 6,3). Le Dieu unique n'exclut donc pas une phénoménologie 'trinitaire' de sa nature essentielle, qui se laisse exprimer dans les mots qui Le désignent, ou dans les noms dont Il se nomme Lui-même... Parmi les plus étranges 'triplets' de noms divins dont le Dieu unique se sert pour se nommer Lui-même, il y a cette expression, « Moi, Moi, Lui », d'abord rapportée par Moïse (Dt 32,39), puis reprise plusieurs fois par Isaïe (Is 43,10 ; Is 43,25 ; Is 51,12 ; Is 52,6). En hébreu: ‫הּוא‬ ‫י‬ ‫נִ‬ ‫אֲ‬ ‫י‬ ‫נִ‬ ‫אֲ‬ ani ani hu', « Moi Moi Lui ». Ces trois pronoms sont précédés d'une invitation de Dieu à 'voir' qui Il est : ‫הּוא‬ ‫י‬ ‫נִ‬ ‫אֲ‬ ‫י‬ ‫נִ‬ ‫אֲ‬ ‫י‬ ‫ִּכִ‬ ‫ה,‬ ‫ָּת‬ ‫עַ‬ ‫אּו‬ ְ ‫ר‬ réou 'attah, ki ani ani hu' Littéralement : « Voyez maintenant que : Moi Moi Lui ». Cet hémistiche est immédiatement suivi d'une réaffirmation de la solitude de Dieu : ‫י‬ ִ ‫ד‬ ‫ָּמ‬ ‫עִ‬ ‫ים,‬ ‫ֹלהִ‬ ‫אֱ‬ ‫ין‬ ‫ְאֵ‬ ‫ו‬ v'éin elohim 'imadi « et il n'y a pas de dieu (elohim) avec moi ». Au long de l'histoire, les traducteurs se sont efforcés d'interpréter cette succession de trois pronoms personnels, avec des solutions variées. La Septante a choisi de traduire (en grec) ce triplet comme une simple affirmation par Dieu de son existence (ego eimi, « Moi je suis »), et a transformé le redoublement originaire du pronom personnel à la 1ère personne du singulier (ani ani, « Moi Moi ») en un redoublement de l'impératif initial du verbe 'voir', qui n'est pourtant employé qu'une seule fois dans le texte original: ἴδετε ἴδετε ὅτι ἐγώ εἰμι idete, idete, oti ego eimi « Voyez, voyez, Moi, Je suis ». En revanche le pronom à la 3ème personne du singulier disparaît de la traduction grecque. Le second hémistiche donne : καὶ οὐκ ἔστιν θεὸς πλὴν ἐμοῦ· kai ouk estin theos plèn emou.