« "Tous les comédiens ne sont pas au théâtre" : microsociologie des proverbes de Théodore Leclercq », Magasin du XIXe siècle n. 9 : « L’universel cabotinage », José-Luis Diaz e Jean Claude Yon (dir.), 2019, p. 75-81 (original) (raw)

«De l'inutilité du théâtre au théâtre»

Voix et images

J'emprunte mon titre à un article qu'Alfred Jarry publiait dans le Mercure de France en 1896 1 et où le créateur du père Ubu dénonçait la lourdeur des traditions scéniques de même que l'entrave qu'elles représentent dans le processus de création. Je le reprends ici pour désigner la.même chose, mais autrement, c'est-à-dire pour désigner une dramaturgie sans théâtralité ou du moins, une dramaturgie qui emprunte ses fondements ailleurs qu'au théâtre. Faut-il le dénoncer? En réalité, la mise en retrait des conditions traditionnelles de la théâtralité se fait de plusieurs manières et avec des résultats variés, de sorte que * ** * ** La première pièce de Michel Monty, Accidents de parcours^, est construite comme un scénario de cinéma. La pièce, créée le 25 mars 1992 à la salle Fred-Barry de la Nouvelle Compagnie théâtrale, dans une mise en scène de l'auteur, est divisée en 25 séquences et une quinzaine de lieux fictifs. L'unité des ces lieux autrement éclatés est créée par un point central, une gare, autour duquel les espaces multiples s'organisent. Lieu de transit, de passage, de rencontre, la gare

Dans tous les sens / Raymond Cloutier, Le beau milieu. Chronique d’une diatribe, Outrement, Lanctôt éditeur, 1999, 144 p. / (Collectif Betty Bednarski et Irene Oore, dir.), Nouveaux regards sur le théâtre québécois, Montréal/Halifax, XYZ éditeur / Dalhousie French Studies, 1997, 204 p. / Josette ...

Lettres québécoises : la revue de l’actualité littéraire, 1999

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« Théâtre de l’Hermitage : des proverbes dramatiques en français pour la cour de Catherine II de Russie », in La Scène en version originale, Julie Vatain Corfdir dir., Paris, PUPS, « e-Theatrum Mundi », 2015, p. 81-100

La Scène en K Julie Vatain-Corfdir (dir.) V e r s i o n O r i g i n a l e Appliquant à la scène théâtrale un concept cinématographique, cet ouvrage s'interroge sur les modalités des spectacles non traduits, présentés au public dans toute l'étrangeté de leurs gestes et de leurs voix d'origine. Alors que fleurissent les travaux consacrés à la traduction théâtrale, le Programme de recherches interdisciplinaires sur le théâtre et les pratiques scéniques (PRITEPS) a choisi de se pencher, avec ce volume, sur le phénomène inverse : celui d'un théâtre joué pour une salle dont la langue n'est pas celle du spectacle, en revendiquant cette altérité comme part de l'expérience esthétique. Des troupes italiennes conviées dans toutes les cours d'Europe aux comédiens chinois reçus pour les expositions universelles, les cas d'études abondent, invitant à explorer le fonctionnement, la réception et l'influence de ces spectacles. Délibérément interdisciplinaire, cet ouvrage collectif croise les pratiques, les langues et les approches pour enrichir la réflexion théorique par la comparaison. À partir d'exemples très divers -spectacles en langue exotique ou régionale, scènes historiques ou création contemporaine -les articles interrogent la transmission du spectacle au-delà des mots. Découverte de l'Autre, élitisme culturel, ou voyeurisme de l'étrange ? Perception ancrée dans la musicalité de la langue, ou dans la gesticulation des corps ? Les textes réunis ici analysent aussi bien la spécificité des spectacles en version originale que les institutions qui les accueillent, la sociologie des publics, et les choix de surtitrage. Ils dessinent, au fil de l'analyse, l'image d'une expérience théâtrale aussi fertile que déconcertante, enracinée dans le sensible, et concentrant toute l'attention sur la puissance du rythme, la délicatesse du geste et la résonance de la voix.

« Voyage au Théâtre du Peuple à Bussang », in Études Romain Rolland - Cahiers de Brèves, n°48, Paris, janvier 2022, p. 54-57.

Xuan Wang, « Voyage au Théâtre du Peuple à Bussang », 2022

Grâce à son camarade André Suarès (1868-1948) du collège Sainte-Barbe, Romain Rolland connut Maurice Pottecher (1867-1960) avec lequel il noua une longue amitié . Quelques semaines après, Maurice Pottecher créa en 1895 le Théâtre du Peuple à Bussang . Chantal Meyer-Plantureux, professeure en art du spectacle, considère Romain Rolland comme le premier théoricien du théâtre populaire. Selon elle, ce dernier a passé le mois d’août 1897 à Bussang et a étudié très précisément les réactions du public . Cette étude a eu son fruit : en 1903, Romain Rolland publia Le Théâtre du Peuple. Cet ouvrage n’est pas un recueil de pièces de théâtre pour le grand public, mais des réflexions pour créer un théâtre populaire : « Pour le salut de l’art, il faut l’arracher aux privilèges absurdes qui l’étouffent, et lui ouvrir les portes de la vie. Il faut que tous les hommes y soient admis. Il faut enfin donner une voix aux peuples, et fonder le théâtre de tous, où l’effort de tous travaille à la joie de tous » . Au début du livre, il écrit : « à Maurice Pottecher, premier fondateur en France du Théâtre du Peuple ».

"Penser en théâtre. Les communautés mélancoliques d'Yves-Noël Genod et du Théâtre Pôle Nord", revue Parages n°1, Solitaires intempestifs, juin 2016.

« Que peut le théâtre ? » Cette question, l'année 2015 l'a posée, comme les précédentes, et comme aucune autre. Double chape de plomb. D'abord, fardeau pour la pensée, c'est l'écho déformé de cette question qu'on a surtout entendu ces derniers temps, d'abord lancinant, devenu strident depuis les dernières élections municipales et régionales. Dominant au point de la rendre inaudible, il la réduit à une demande de comptes indue, scandée par des élus décomplexés, oublieux, tous bords confondus, du double impératif politique et moral posé jadis par leurs prédécesseurs autant que par des artistes : le refus d'une intrusion du politique dans les choix esthétiques, et le nouage inédit et décisif de deux exigences, absolues chacune, et consubstantielles : démocratiser l'accès aux oeuvres pour qu'elles touchent le plus large public possible et défendre la prise de risque et l'ambition esthétiques. C'est si ancré dans les moeurs, qu'on n'y pense plus, et puis ça sent un peu le renfermé, les ors désuets, passés et dépassés de la Troisième République. Peut-être. Pas sûr. L'idée de service public, en art ou ailleurs, n'a jamais paru si révolutionnaire – et si minoritaire – qu'en ce début de XXIe siècle. En tout cas, une chose est sûre, le théâtre public s'est précisément construit, au fil du XXe siècle, sur le refus d'un art aux ordres du pouvoir politique ou du succès commercial. Ce ne fut pas simple, ça non, mais l'exigence s'est imposée, à mille lieux des pratiques de ceux qui aujourd'hui violent le sens politique et historique des mots « public » et « populaire », et imposent sans même sembler en avoir conscience une politique culturelle populiste, asservie aux tribulations pré-ou post-électorales, et insouciante de ses résonances de plus en plus troublantes avec le programme du Front national. Pour eux, la réponse est simple : le théâtre peut et doit n'être qu'un divertissement facile, et rentable. « Que peut le théâtre ? » C'est aussi, extraite de cette gangue un peu fétide, la belle et douloureuse question qui, face aux horreurs du monde, habite nombre d'artistes au risque de les hanter – surtout ceux qui pensent leur art comme une mission au service de la collectivité. Et ils sont nombreux à se fixer cette tâche sinon impossible du moins sacrément délicate : faire de l'expérience théâtrale, sensorielle autant qu'intellectuelle, une bulle suspendant le temps du réel pour offrir celui du recul et de la réflexion, tenter d'aider à saisir le cours des événements, intimes et historiques, pour mieux le déjouer ; à reformuler les questions pour permettre l'invention de réponses imprévues – bref, pour rouvrir le champ des possibles. Possible fardeau pour l'espoir, cette fois. Que devient-elle, cette question, sang, métal et larmes mêlés, quand la violence frappe à nos portes au point de faire fermer, fût-ce un bref moment, celles des théâtres ? Elle m'a taraudée, comme d'autres sans doute, à qui je m'adresse ici, durant ce drôle d'hiver où les salles et les rues sont restées bizarrement vides. Qui d'entre nous n'a pas dansé tristement d'un pied sur l'autre, un pas vers la tentation du repli sur soi, l'autre vers le besoin d'être ensemble… Mais avec qui ? Et comment ? Et qui est ce « nous » ? Etrange, ce besoin d'être entourée d'autres avec qui vivre une expérience commune qui serait aussi une expérience du commun, dont j'avais souvent voulu jusque-là me dégager comme spectatrice, et qui m'a soudain étreinte. C'est à la double tâche de le comprendre plus avant, et de déterminer pourquoi deux spectacles ou plutôt deux soirées théâtrales ont particulièrement pu et su le calmer, le contenter, que je voudrais m'atteler ici.