Les paradoxes du confessionnalisme politique libanais à l’heure du COVID-19, un système toujours résilient mais en crise aigüe (original) (raw)

2020, Projet de recherche du GSRL sur les enjeux liés à l'islam face au coronavirus

Dans le cadre du projet de recherche du Groupe Sociétés, Religions, Laïcités (GSRL - UMR8582-EPHE-CNRS) sur les enjeux liés à l'islam face au coronavirus, ce papier examine le système libanais de partage du pouvoir politique sur une base confessionnelle, désigné classiquement sous le nom de confessionnalisme politique, à l'épreuve de la crise sanitaire du COVID-19. Il montre que cette crise, étape supplémentaire d'une grave crise multiforme qui frappe le pays depuis plusieurs mois, a un effet paradoxal sur le confessionnalisme politique libanais, en suggérant à la fois sa résilience et sa fragilité. Elle met tout d'abord en évidence la dimension partisane et confessionnelle du système libanais de santé et d’aide sociale, les « partis confessionnels », collectivement mis en cause par le soulèvement populaire d'octobre 2019, surenchérissant en réponse dans la mobilisation contre le virus. Mais de ce jeu, le puissant parti chiite Hezbollah a tiré son épingle, manifestation supplémentaire de sa montée en puissance qui vient renforcer les antagonismes confessionnels et déstabiliser un système politique fondé sur la réalité ou l'illusion d'un équilibre entre confessions. Autrement dit, cette crise atteste aussi bien de la permanence que de l'affaiblissement du « cartel transconfessionnel d’oligarques paradoxalement solidaires » (expression d'Elisabeth Picard) qui tient toujours l'Etat libanais, a repris la main, le COVID-19 aidant, face au soulèvement populaire, mais se crispe au risque de la violence interconfessionnelle, mettant à nu la profonde crise politique et même d'identité que traverse le pays, un siècle après la fondation du Grand Liban.