Le déclin social à Byzance (x e -xiv e siècle) réseaux familiaux (original) (raw)
Avant l'époque contemporaine, la pauvreté frappe toujours une grande partie des populations car le monde rural est à la merci des conditions climatiques et les grandes villes renferment en permanence des mendiants ainsi que des réfugiés fuyant l'extrême misère des campagnes. le christianisme, prenant la suite des institutions charitables de l'Antiquité, a fait de la solidarité envers les déshérités une condition du salut des riches et des puissants. Pour l'époque protobyzantine, ces couches sociales, qui restent assez stables, ont fait l'objet d'une étude devenue classique d'Évelyne Patlagean 1. la pauvreté est également source de méditation pour les philosophes, les théologiens et les conseillers du prince 2. elle offre en effet l'occasion de célébrer la philanthropie impériale, dont les pauvres sont ainsi les faire-valoir et ont, de ce point de vue, leur place dans la société 3. Sous les Paléologues, le Jeudi saint, l'empereur imite le Christ et lave le pied droit de douze pauvres 4. la pauvreté est aussi l'objet de jugements moraux. la richesse mal acquise est pire que la pauvreté 5. la pauvreté volontaire est recherchée par ceux qui suivent l'enseignement du Christ, selon lequel il faut abandonner famille et richesse pour le suivre. elle est celle, si vantée, des moines et des ascètes. elle peut aussi constituer une mise à l'épreuve de la foi, à l'instar de Job. en revanche, la pauvreté due à la prodigalité, l'asôtia, est condamnable. du point de vue social, les puissants estiment pauvres tous ceux qui leur sont inférieurs et, pour eux, l'appauvrissement consiste en un déclassement qui ne conduit pas nécessairement à la misère. Quitter l'entourage impérial pour vivre en notable dans une province lointaine signifie une diminution du train de vie. la pauvreté ne se confond pas avec l'appauvrissement, l'une est une condition, l'autre constitue une dynamique. 1. Év. Patlagean, Pauvreté économique et pauvreté sociale à Byzance, 4 e-7 e siècles, Paris-la Haye 1977. 2. Pour quelques éléments de réflexion, cf. J. rougé, Aspects de la pauvreté et de ses remèdes aux iv e-v e siècles, Atti dell'Accademia romanistica costantiniana, VIII convegno internazionale, napoli 1990, p. 227-248. 3. A. Carile, ricchezza e povertà negli specula principum bizantini dal vi al X secolo, dans id., Teologia politica bizantina (Collectanea 22), Spoleto 2008, p. 273-294. 4. Pseudo-Kodinos, Traité des offices, introd., texte et trad. par J. verpeaux (le monde byzantin 1), Paris 1966, p. 228-229 : « on tient prêt d'avance douze pauvres et on les revêt d'une chemise, d'un caleçon et de souliers. Un baquet est placé dans la chambre de l'empereur […], l'empereur lave le pied droit de chacun, et, ayant épongé le pied lavé avec un linge suspendu devant lui, il le baise. » 5. libanios, Discours moraux : De l'insatisfaction (discours 6) ; La richesse mal acquise est un malheur pire que la pauvreté (discours 7) ; De la pauvreté ou Des amis (discours 8) ; De l'esclavage (discours 25), introd., texte et trad. par B. Schouler, Paris 1973, p. 155.