Le rire au service de la tyrannie dans: L'Homme qui rit , de Victor Hugo (original) (raw)

Dans L'Homme qui rit, de Victor Hugo, Gwynplaine suscite l'hilarité des foules, qui payent pour voir son visage grotesquement déformé. Personnage « dénué d'humour » selon Joe Friedmann, il ne rit jamais. Gwynplaine apparaît alors comme le porteur contagieux mais sain d'un virus auquel il est lui-même immunisé. Les modalités de cette contagion sont un foyer d'infection unique, lui-même et un contact direct. Il est un phénomène dont il faut faire l'expérience à la source. Ce rire est contagieux, mais pas épidémique, il ne se communique pas d'homme à homme en son absence. Le rire de Gwynplaine pervertit ainsi son message personnel, un message révolutionnaire d'égalité, qu'il délivre dans un discours vite noyé sous les rires provoqués par son apparence physique. En effet, pour Marie-Hélène Huet, si l'épidémie est propice aux idées révolutionnaires, portées par l'air du temps, la contagion, elle, correspond à un mode de pensée conservateur : on peut la contenir, et confiner les cas dangereux afin d'étouffer l'infection. Et c'est bien un effet antirévolutionnaire qu'a ce rire sur le peuple : leur permettant d'oublier leur misère le temps d'un spectacle, il retarde d'autant un vrai soulèvement populaire. C'est ainsi que le rire de Gwynplaine, ce rire tyrannique et contagieux, trahit son message et entérine malgré lui le status quo.