Des récits de réfugiées palestiniennes à travers la grille de l’intersectionnalité (original) (raw)

« De la séparation aux mobilités. Changer de regard sur l’occupation israélienne en Palestine », dans Stéphanie Latte Abdallah, Cédric Parizot (dir.), Palestine-Israël. L’illusion de la séparation, Aix-en-Provence, PUP, 2017.

La politique de séparation israélienne mise en oeuvre depuis les années 1990 n'a pas coupé les relations entre Israéliens et Palestiniens, elle les a profondément transformées. Partant de ces interactions et des espaces qu'elles structurent, ce livre propose d'apporter une compréhension plus nuancée du fonctionnement du régime d'occupation et des frontières entre Israël, la Cisjordanie et la bande de Gaza. En outre, en proposant un détour par les expériences d'autres populations (Palestiniens du Sud Liban, Libanais de Galilée, migrants venus d'Afrique et d'Asie) ce livre souligne combien le discours sur la séparation masque d'autres constructions et pratiques des espaces israélo-palestiniens.

Etranger, musulman et... hautement qualifié: l’intersectionnalité à l’épreuve de la position sociale

Les sciences sociales des migrations souffrent d’un retard certain lorsqu’il s’agit de proposer des outils conceptuels à même de rendre compte de la complexification des formes migratoires et des modes d’engagement et d’identification des personnes migrantes. Si plusieurs écueils ont pu être surmontés par des développements théoriques récents, la discipline peine à s’émanciper de l’ornière misérabiliste qui ne prend en considération que les migrants situés au pied de l’échelle sociale. Or plusieurs études ont montré que l’expansion des entreprises multinationales et l’internationalisation de certaines professions ont largement contribué à favoriser la migration hautement qualifiée. Il s’agit ici de mettre ce thème à l’ordre du jour en nous interrogeant sur la manière dont l’étude de catégories plus « favorisées » de la population peut nous éclairer sur l’articulation des rapports de domination en situation migratoire. La présente contribution, portant sur les parcours de migrants hautement qualifiés de culture musulmane à Genève, propose de recourir à la notion d’intersectionnalité et à l’analyse situationnelle afin de complexifier notre compréhension des phénomènes migratoires, mais aussi de participer à la déconstruction et à la dés-essentialisation de la catégorie de « musulman ».

« Comment rendre compte de l’« intersectionnalité » ? Réflexions sur une enquête de terrain »

Une enquête réalisée en 2008/09 en psychodynamique du travail a permit d’interroger 10 sujets sur leur parcours professionnel. L’analyse entrecroisait les points de vue des sujets et le vécu de l’auteur et révélaient des parcours et des pratiques professionnelles et institutionnelles de gestion de la diversité en milieu professionnel. Cette recherche exploratoire a montré comment se configurent les inégalités à certains échelons de la hiérarchie socioprofessionnelle. Elle se poursuit en sociologie pour dévoiler comment le genre s’articule avec d’autres marqueurs sociaux et enjeux identitaires. Mais cette étude des situations, des conditions et des relations de travail qui se veut à la fois sociologique, philosophique, anthropologique et psychologique, pose des difficultés méthodologiques. Quel modèle théorique pour penser les rapports sociaux ? Quelle méthodologie pour les données empiriques ? L’entretien biographique, le vécu de la chercheuse, l’analyse de contenu et de discours peuvent-ils restituer l’imbrication des rapports sociaux? Un terrain de femmes noires diplômées, qui partagent la condition de la chercheuse peut-il contribuer à l’interrogation des outils théoriques disponibles? L’auteur questionne son rapport à l’objet, ses difficultés et son activité de recherche. La recherche est alimentée par l’immersion de la chercheuse dans les rapports sociaux qu’elle étudie, et sa reconnaissance académique repose sur la « distance » vis-à-vis à l’objet de recherche. Les incidences des rapports de domination, des conditions de production et du contexte sociopolitique francophone sur la production d’un savoir « scientifique » posent question. Cette communication rendra compte des questionnements d’une recherche en train de se faire, des efforts de clarification d’une démarche et de techniques d’enquête et de la valeur heuristique de l’épistémologie du point de vue situé à travers l’expérience de terrain, les situations d’enquête et d’analyse et les difficultés méthodologiques que pose la question de l’intersectionalité.

Entre exclusion et inclusion : l'imaginaire habitant dans les camps de réfugiés palestiniens de Beyrouth (Liban)

Actes du colloque ICHT 2017, 2017

Au Liban, les discours politiques, médiatiques et des professionnels de l’urbain stigmatisent les camps palestiniens et leurs habitants, « des espaces de dangerosité » et de relégation. Ils participent au développement d’un imaginaire collectif construit autour des catégories de légitimité et d'illégitimité, de ceux qui appartiennent et de ceux qui n’appartiennent pas dans la ville. Si à ses origines, le camp ne constitue pas une technologie de ségrégation spatiale, cet ensemble de récits et d’images favorisent son isolement. La mise à l’écart économique et sociale du réfugié palestinien des camps de Beyrouth se traduit par une urbanisation dans les marges rappelant le modèle des bidonvilles. Face à cette exclusion, les Palestiniens des camps de Beyrouth développent des formes de survie, des pratiques et des réseaux d’entraide, jusqu’à transformer leurs espaces en des lieux ouverts et participant à la fabrication de la ville. De l’imaginaire construit autour du Palestinien « non-légitime » et « non-citoyen » naît une « quête pour être inclus dans la citoyenneté ». De cet imaginaire naît « une production et une négociation de l’informalité » mobilisant une multitude de facteurs transformant l’espace du camp et négociant ses frontières. Comment cette image d’exclusion des camps a un effet accablant sur ses habitants ? Par quel regard ces derniers luttent contre cette exclusion ? Et comment ce regard façonne-t-il la forme urbaine du camp jusqu’à le rendre ouvert ? Par hypothèse les camps palestiniens de Beyrouth, contrairement aux images d’exclusion véhiculées, constituent des territoires mouvants, se redéfinissant sans cesse par les pratiques de leurs acteurs. Centrée autour d’une étude empirique du camp palestinien de Bourj El-Barajneh à Beyrouth, cette communication cherche à analyser, dans la survie, les processus d’appropriation qui se manifestent dans le camp. L’objectif est d’examiner la relation entre le symbolique du camp et l’évolution de sa configuration spatiale et son ouverture vers l’extérieur. Il s’agit d’abord de définir les restrictions imposées par les autorités libanaises ayant un effet direct sur la forme géométrique du camp. Plus tard, on cherche à comprendre comment l’imaginaire de la résistance face à l’exclusion affecte l’environnement bâti du camp et contribue à son ouverture sur son environnement extérieur. Cela se fera par des enquêtes portant sur les représentations des Palestiniens de leur camp accompagnées par des entretiens avec des acteurs-clés de sa gouvernance. L’étude de l’évolution de l’activité immobilière du camp au cours des dix dernières années permet de comprendre comment cet imaginaire de résistance face à l’exclusion modifie le modèle géométrique du camp. Elle transpose le modèle du camp, un modèle social en un modèle géométrique, la verticalité dense.

Ville intimes : expériences urbaines des réfugiés palestiniens au Liban

2012

La description des differentes facettes de l’intime dans la pratique des espaces par les refugies palestiniens au Liban constitue la visee principale de ce texte. Il s’agit de mettre en lumiere des formes d’intimite avec les mondes urbains construites par des socialisations, des frequentations, des civilites qui se caracterisent par une absence de mediation entre les individus et les espaces et par l’instauration d’un sentiment de continuite130. Celle-ci est interrompue de facon reguliere par les evenements politico-securitaires comme dans le cours meme des interactions entre individus. Les ambivalences inherentes aux relations avec les voisins libanais et les incidents recurrents dressent alors un voile opaque sur la relation aux espaces urbains et soulignent de la sorte l’etrangete des mondes au sein desquels l’incertitude fait mediation. Comme en francais, meme si la premiere acception est vieillie, le terme arabe gharib contient les deux sens d’etranger et d’inhabituel, « qui es...