"Buchanan, helléniste et dramaturge, interprète d'Euripide (Medea et Alcestis)" (original) (raw)

Autour de deux sources de la Médée de La Péruse: Ovide et George Buchanan traducteur d’Euripide

Ô déloïal Jason ou est ores la foi Qu'en Colches me promis quand me donnai à toi? Ou est l'amour constant, ou est le mariage Dont ta langue traitresse allechoit mon courage? (Méd., Ô méchant déloial, coeur rempli de faintise, Esse la loïauté que tu m'avois promise? As-tu bien eu le coeur, perjure, de laisser Celle par qui tu vis? as-tu osé panser Un si lâche forfait? as-tu eu le courage

"La traduction d’Alceste par Buchanan, l’imago retrouvée ?"

Anabases, 2015

Why translating Alcestis, an apparently marginal tragedy within the ancient corpus due to its happy ending and its lack of spectacular actions ? The idea of imago, deployed all along the critic paratext and the tragedy, describes both its tragic plot, understood as a substitution that ends with the return of the original, and the humanistic deed accomplished by Buchanan, faithful translator as much as Admetus is a faithful husband, and bridge between two different worlds and their values as much as Heracles between the living and the dead. Translating Alcestis becomes thus a sort of theatrical and ethic manifesto.

Virgilius Hispanus philosophe et magicien, in Les métamorphoses de Virgile. Réception de la figure de l'Auctor - Antiquité, Moyen Âge, Temps modernes, dir. Jean-Louis Haquette et Karin Ueltschi, Paris, Honoré Champion, 2018, p. 287-307.

Après avoir montré antérieurement le rôle que le modèle de Virgile philosophe et pédagogue a eu dans la genèse de la tradition de l’Ars notoria à la fin du XIIe siècle ‒ cette tradition de magie rituelle qui promet à son adepte la science infuse via une révélation angélique, très diffusée en Occident à compter du début du XIIIe siècle (cf. « Virgile et la naissance de l’ars notoria », dans The Medieval Legends of Philosophers and Scholars, Micrologus. Natura, Scienze e Società Medievali, XXI, 2013, p. 219-242), cette communication est consacrée à l’étude d’un cas plus tardif de littérature apocryphe placée sous l’autorité d’un certain Virgile de Cordoue, datée de 1290 mais conservée dans un manuscrit de la seconde moitié du XIVe siècle (Tolède, Bibl. Capitular, 94-22) et d’autres de l’époque moderne conservés à Madrid. Ce Virgilius Hispanus se présente comme un philosophe dont le savoir exceptionnel provient de la « nigromancie » et dont l’autorité lui permet de régler nombre de querelles entre savants émérites, non du reste sans de saisissants anachronismes. Si le cadre est très largement fictif et joue sur le stéréotype de l’Espagne comme terre de magie, il n’en reste pas moins que l’« auteur » apparaît comme un bon connaisseur de l’Ars notoria, dont la diffusion dans le monde ibérique n’est pourtant guère attestée par la tradition manuscrite.

« L’hellénisme de Tarquin le Superbe »

in P.S. Lulof & Ch. J. Smith (ed.), The Age of Tarquinius Superbus. Central Italy in the Late 6th Century. Proceedings of the Conference 'The Age of Tarquinius Superbus, A Paradigma Shift?' Rome, 7-9 November 2013, Leuven-Paris-Bristol, 2017

The relationships between T. S. and hellenism can be found in the character of the (Greek) tyrant that the Roman annalistic tradition built, as well as in the image he wanted to give of himself. Like those of the other “kings” of Rome, the figure of T. S. started to be elaborated in the IVth century BC, probably from the image of the contemporary tyrants of Syracuse. Moreover, the legend of the Bacchiadae origins of the Tarquins seems to have been made up by T. S. himself, as it is suggested by the analysis of some details of the François tomb of Vulci and also by the presence of the acroterial group of Dionysos and Ariadne on the temple of Fortuna at the Forum Boarium. T. S. was thus at the origins of the references that were established between Roman triumph and Dionysos, at a time when Rome was living in a mediterranean “cultural koinè” that was strongly dominated by cultural references of the archaic Greek world.

LUCAIN, UN ARTISTE HELLÉNISTIQUE À LA CROISÉE DES CHEMINS ? L'exemple de la Patrie et d'Érictho dans la Pharsale

KOSSAIFI, 2016

Lucan, Between Art and Poetry: a Cross-fertilization? About Patria and Erichthô in the Pharsalia By focusing on the witch Erichthô in Book VI and the Patriae imago of Book I, I will point out how Hellenistic aesthetics may influence the poetic writing of Lucan. The verbal intensity and power of expression, emotionally-charged, recall the manner of Pergamum’ and Rhodes’ artists. But the narratives discontinuities give each episode a touch of slenderness in a very Callimachean way, while also recalling novelists’ writings. The Pharsalia is a reflection upon the nefas of the civil war and an engagement with epic poetry, setting forth the hidden beauty of Evil. L’étude de deux épisodes de longueur différente – celui de la sorcière Erichthô, au chant VI, et celui de la brève apparition de la Patrie à César, au livre I – permet de mettre en lumière l’influence de l’esthétique hellénistique sur l’écriture poétique de Lucain. L’emphase rhétorique, vectrice d’une émotion pathétique forte, proche de la manière des artistes de Pergame ou de Rhodes, se déploie en petits tableaux juxtaposés avec « légèreté » et se double d’une distance ironique, de nature callimachéenne et romanesque. Méditation sur l’horreur de la guerre civile et réflexion sur le processus de création littéraire, la Pharsale donne à voir, d’une façon très moderne, la secrète beauté du mal Publié in R. Poignault et F. Galtier (org.), Présence de Lucain, Clermont-Ferrand, coll. Caesarodunum-Présence de l'Antiquité, n°48-49 bis, 2016, p. 211-234

Le Genethliacon Jacobi Sexti Scotorum regis de George Buchanan

Renaissance and Reformation (numéro spécial « Buchanan polygraphe. In Memoriam Ian D. McFarlane »), 2013

The Latin genethliac poem celebrating the birth of James VI of Scotland is often recognised as one of the most significant poems by George Buchanan, but it has never been fully analysed so far. This paper ambitions to propose a global interpretation of the genethliac, taking into account its literary as well as political aspects. After replacing the poem in the historical context of the reign of Mary queen of Scots and in the literary tradition of the genethliac poetry, the analysis focuses on three striking features of the poem : the lack of the maiores thematic, the opening prophecy and the portrait of the good king. The article also touches the problem of the double redaction, and gives a first critical edition and complete French translation of the poem.

Entre tragédie et comédie : une interprétation de la structure dramatique de l'Hélène d'Euripide

Revue des études grecques 132, 2, 2019, p. 319-340.

Abstract. – The presence of double structures and mirror-scenes in Euripides’Helen has generally been viewed by scholars as a way of translating into tragic form the theme of doubleness, which the history of Helen’s eidôlon places at the very core of this tragedy. Without denying the interest of such an approach, we propose to analyze these double structures as parts of an opposition between tragic and comic dramaturgy, which could explain the irregularities of the whole dramatic construction. We thereby suggest that the structural disorder of the first part evokes, with its series of double scenes, the dramatic structure of Ancient comedy, as opposed to the regular tragic pattern – alternation of choral songs and episodes –, which is only employed in the last part of Helen. The dramaturgy of the play thus highlights the opposition between tragic and comic forms. We then argue that in the recognition scene between Helen and Menelas, the lynchpin of this construction, the attitude of Menelas contrasts the tragic way of playing a part with thecomic one, thus questioning the relationship that Helen has with the comic genre. We therefore conclude that Euripides uses the history of Helen’s eidôlon to reflecton dramatic genres and on the nature and effects of theater. Résumé - La présence, dans la dramaturgie de l'Hélène, de nombreux effets de redoublement a le plus souvent été interprétée par la critique comme l'inscrip-tion, dans la forme de la tragédie, de la thématique du double, que l'histoire de l'eidôlon place au coeur du nouveau muthos d'Hélène. Sans nier l'intérêt de cette approche, nous proposons, dans cet article, d'analyser les redoublements structu-rels que présente la tragédie dans le cadre d'une interprétation d'ensemble de sa construction dramatique. Nous cherchons ainsi à montrer que l'opposition entre la structure de la première partie, construite comme une succession de scènes doubles, à la manière de certaines comédies d'Aristophane, et la structure de la seconde, fondée sur l'alternance régulière de chants du choeur et d'épisodes parlés, peut se laisser analyser comme une transposition, sur le plan de la dramaturgie, de l'opposition entre les formes dramatiques de la comédie et de la tragédie. Nous montrons ensuite que la scène de reconnaissance entre Hélène et Ménélas, qui constitue le pivot de cette construction, pose elle aussi, à travers l'attitude de Ménélas, la question du rapport entre l'Hélène et le genre comique. Il apparaît, au terme de ces analyses, que la réflexion sous-jacente à cette construction bipartite.

Le savant et le poète : Hooke lecteur d'Ovide

Dans son Discourse of Earthquakes 1 , publié posthume en 1705, Robert Hooke consacre une large part de la discussion à un commentaire des Métamorphoses d'Ovide. Ornement d'érudit ? Aucunement. Ce commentaire joue un rôle crucial dans sa démonstration, faisant un usage surprenant pour nous -mais tout à fait classique -de la fable poétique au coeur même du discours scientifique. Les tremblements de terre sont au coeur de la théorie cosmogonique et géologique de Hooke, selon laquelle le relief actuel du globe est le résultat des profonds bouleversements ayant eu lieu pendant les premiers âges de la Terre. Qui mieux que les Anciens, dès lors, pourrait témoigner de ces antiques catastrophes ? Chez Hooke la poésie occupe, grâce à un usage évhémériste de la fable mythologique, la place vide de l'observation impossible.

"Réécriture du mythe et actualisation du sacré : la légende médiévale de Judas, du récit au théâtre"

Dans La littérature médiévale entre mythes et sacré, dir. H. Averseng et E. Pinto-Mathieu, Droz, 2022

Le chapitre 45 de la Légende dorée nous rapporte « une histoire, certes apocryphe » 1 inventant une vie au traître Judas. Jacques de Voragine insère dans le chapitre sur la vie de Mathias, dernier apôtre et remplaçant de Judas 2 , une longue parenthèse narrative exposant une étonnante légende sur ce dernier. Cette histoire fait de Judas un nouvel OEdipe, un enfant abandonné par ses parents à la suite d'un mauvais présage, puis élevé par un couple princier dont il finit par tuer le fils légitime ; après avoir fui, Judas revient sans le savoir dans son pays d'origine, où il tue son père au cours d'une bagarre puis épouse sa mère ; c'est ensuite la révélation de son passé qui conduit Judas à se repentir et à approcher le Christ. Cette légende faisant de Judas tout à la fois un incestueux, un parricide et un fratricide se serait construite, selon l'analyse de Paul Franklin Baum 3 , à partir d'une combinaison de motifs courants dans l'Europe médiévale, dont celui du mythe d'OEdipe, et se serait développée à partir du xii e siècle d'après ses premiers témoins latins. La double incidence entre la reprise du mythe et la réécriture du motif sacré provoque un phénomène réciproque d'actualisation : le remploi des motifs narratifs mythologiques donne à la fois au mythe grec originel une actualisation dans le cadre du christianisme médiéval et une nouvelle biographie mythique au personnage biblique. À l'origine, les apparitions scripturaires de Judas le réduisent le plus souvent à son rôle du traître parmi les Douze : on ne sait rien 1 Jacques de Voragine, La Légende dorée, éd. Alain Boureau, Paris, Gallimard (coll. « Bibliothèque de La Pléiade »), 2004, p. 222. Le texte de la vie de Judas est édité et traduit aux pages 222 à 224. Il s'agit ici de la traduction de « hystoria licet apocrypha », littéralement « une histoire, bien qu'apocryphe ».

"Figures de l’harmonie tragique dans les Phéniciennes : un manifeste poétique d’Euripide?"

L'harmonie entre philosophie, science et arts, de l'Antiquité à l'âge moderne, 2010

I propose here to read The Phoenician Women, one of Euripides' last productions, as a poetic manifesto in which the author illustrates an aesthetics of tragedy in which harmony, as a principle of ambivalence, constitutes the keystone: it presents the multiple facets of a universe regulated by harmony, understood as ajustment, in its fundamental relationship with the conflict that appears in the double form of civil war (stasis that agitates both historical Athens and the representation and the mythical Thebes represented), and family discord (eris which opposes the two brothers Eteocles and Polynices). Trying to re-establish the ideal conditions of harmony by repressing stasis, the conflict that nevertheless still persists in it, is the challenge from the outset doomed to the failure of this tragedy in which Euripides seems to illustrate the essence of tragic harmony. Je propose ici de lire Les Phéniciennes, l’une des dernières productions d’Euripide, comme un manifeste poétique où l’auteur illustre une esthétique du tragique dont l’harmonie, comme principe d’ambivalence, constitue la clef de voûte : y sont présentées les facettes multiples d’un univers réglé par l’harmonie, entendue comme accord, dans sa relation fondamentale avec le conflit qui y apparaît sous la double forme de la guerre civile (stasis qui agite à la fois l’Athènes historique de la représentation et la Thèbes mythique représentée), et de la discorde familiale (eris qui oppose les deux frères Etéocle et Polynice). Tenter de rétablir les conditions idéales de l’harmonie en refoulant la stasis, le conflit qui pourtant toujours perdure en elle, tel est bien l’enjeu d’emblée voué à l’échec de cette tragédie dans laquelle Euripide semble illustrer l’essence de l’harmonie tragique.