Représentations du corps, médicalisation et lien social : l’exemple de la chirurgie esthétique (original) (raw)

Amnon Jacob Suissa - Représentations du corps, médicalisation et lien social : l’exemple de la chirurgie esthétique

Résumé Nous assistons aujourd’hui à une augmentation sans précédent du recours à la médicalisation de conditions principalement sociales. Au coeur de ces transformations sociales contemporaines, la médicalisation du corps objet soulève des questions importantes en ce qui concerne les modalités de contrôle social. Transformant ce corps « mou » et modifiable, la chirurgie esthétique s’inscrit dans cette modalité de contrôle et de gestion des corps, non seulement sur le plan physique, mais également sur le plan social. Physique, car elle permet effectivement de modifier les organes extérieurs visibles (visage, seins, jambes, nez, etc.), mais également le corps social, dans la mesure où elle propose un modèle social des corps dépassant ceux hérités des parents, voire l’ordre des choses. Abstract Representations of the body, medicalisation and social ties: The example of plastic surgery We see today an unprecedented increase in the medical treatment of what are essentially social conditions. At the heart of this contemporary social transformation, the medicalisation of the body raises important questions about the operation of social control. When bodies are seen as “soft” and malleable, plastic surgery becomes part of this mechanism of control and management of the body, not only in physical, but also in social terms. It is physical because plastic surgery permits changes to visible external organs (the face, breasts, legs, nose and so on), but also social because it promotes a model of the body that replaces the one inherited from one’s parents.

De l’impensé du corps à sa mise en joue : chirurgies esthétiques ou l’effritement des limites

Lien social et Politiques, 2008

Dans l’univers du remodelage généralisé du vivant, où la chirurgie esthétique n’est qu’un symptôme d’une vague de réification et d’instrumentalisation du corps humain, marquant de son empreinte l’élaboration même de la pensée et de la culture, comment penser ces transformations du corps, ce roc du réel, ce creuset des métaphores sexuelles et ce support vivant de l’Être et de l’Altérité ? Comment comprendre ce recours croissant aux prothèses, liposuccions, lifting, etc. prétendant permettre, à corps défendant ou à corps perdu, de conjurer les signes du temps, d’ajouter une plus-value identitaire ou de s’échapper de soi-même ? Quand ces chirurgies s’inscrivent dans un contexte de technologies convergentes et d’essor du génie tissulaire, comment ne pas s’inquiéter du silence de l’État face à ce marché du remodelage corporel et à ses dérives ?

De l’esthétique à la prothétique, et inversement

Ethnologies, 2016

Cet article examine l’ethno-esthétique complexe des sculptures commerciales des Inuit canadiens de la fin du XXe siècle. Il suggère que cette ethno-esthétique est performative dans le sens où les Inuit jugent leurs oeuvres d’art non par leur forme visuelle ultime, mais en fonction de critères de proximité instaurés par les artistes masculins locaux ayant le plus de succès, par la nature du matériau lithique disponible sur place (et les outils utilisés) et par le statut et l’aptitude de l’artiste (selon son âge, son sexe, son expérience, son état de santé). À la suite d’Alfred Gell et Marily Strathern, nous sommes d’avis que l’art a une finalité, à savoir exercer son agentivité (son influence) sur le public qui, pour les Inuit, est avant tout le groupe local des autres (artistes) Inuit. Mais ces oeuvres sont destinées à la vente, aussi doivent-elles (aussi) influencer les qallunaat (les Blancs susceptibles de les acheter). Certains Inuit enfreignent leurs propres valeurs ethno-esthét...

La beauté médicalisée : une nouvelle aliénation féminine ?

Si l'on pense à la santé, on entend souvent le discours : « bonne mine, bonne santé ». Dans le sens commun, l'imaginaire de la santé se construit de manière importante sur l'apparence. Alors qu'une « bonne » apparence répond à des critères esthétiques de beauté en vigueur dans une société. Ces critères subissent des modifications avec le temps. En sociologie, de nombreuses études démontrent que malgré les changements des critères, les enjeux liés à la beauté persistent, notamment en ce qui concerne la position sociale. Mais le lien entre santé et beauté, que nous allons nous intéresser ici, comporte également d'autres enjeux sociaux non négligeables qui ne sont pas fréquemment mises en relation lors des recherches.

Louise Vandelac - De l’impensé du corps à sa mise en joue : chirurgies esthétiques ou l’effritement des limites

Résumé Dans l’univers du remodelage généralisé du vivant, où la chirurgie esthétique n’est qu’un symptôme d’une vague de réification et d’instrumentalisation du corps humain, marquant de son empreinte l’élaboration même de la pensée et de la culture, comment penser ces transformations du corps, ce roc du réel, ce creuset des métaphores sexuelles et ce support vivant de l’Être et de l’Altérité ? Comment comprendre ce recours croissant aux prothèses, liposuccions, lifting, etc. prétendant permettre, à corps défendant ou à corps perdu, de conjurer les signes du temps, d’ajouter une plus-value identitaire ou de s’échapper de soi-même ? Quand ces chirurgies s’inscrivent dans un contexte de technologies convergentes et d’essor du génie tissulaire, comment ne pas s’inquiéter du silence de l’État face à ce marché du remodelage corporel et à ses dérives ? Abstract From the body unthinkable to its updating: Plastic surgery and the disappearance of boundaries In a world of general remodelling of the living, where plastic surgery is only a symptom of the wave of reification and instrumentalisation of the human body, how can we understand these transformations of the body, the rock of reality, the crucible of sexual metaphors and the living manifestation of the One and the Other? How can we understand the increasing resort to prostheses, liposuction, face-lifts and so on that pretend to allow the body to ward off the effects of time, to create added identity value and to escape from itself ? When these interventions take place in the context of converging technologies and the rise of tissue-culture engineering, how can one not be worried about the state’s silence about this market for remodelling bodies and its fall-out?

La fabrique du corps, la réinvention du soi. La chirurgie esthétique dans le Liban d’aujourd’hui.

Au Liban la maîtrise du corps à travers son remodelage par la chirurgie, serait un élément révélateur des dysfonctionnements de la société libanaise de l’après-guerre. L’objet de cet article est de retracer l’histoire et le sens de cette pratique et de voir les multiples formes que revêt la redéfinition du corps dans le Liban d’aujourd’hui. The control of the body through esthetic surgery in Lebanon would be a revealing element of the malfunctions of the society in the post-war era. The purpose of this article is to retrace the history and meaning of this practice in order to reveal the multiple forms of redefining the body in Lebanon’s today.