Alberto Fujimori : le populisme de l’efficacité (original) (raw)

Alberto Fujimori est un quasi-inconnu du monde politique lorsqu'il accède à la présidence du Pérou en 1990. Cet ingénieur agronome d'origine japonaise qui se dit « indépendant », dépourvu de tout appareil partisan, crée la surprise en battant le grand favori, l'écrivain Mario Vargas Llosa, soutenu, lui, par les grands partis politiques de droite. Malgré une campagne électorale durant laquelle cet outsider n'aura bénéficié, contrairement à son adversaire principal, que d'une faible couverture médiatique, la victoire est sans appel : Alberto Fujimori gagne les élections au deuxième tour avec 62% des voix contre 38% seulement pour Mario Vargas Llosa 1. Cet événement politique majeur, qui confirme le discrédit des partis politiques traditionnels, marque le début d'un profond bouleversement de la vie politique et institutionnelle du Pérou. Le nouveau chef d'Etat va, tout au long des années 1990, asseoir un pouvoir de plus en plus autoritaire par l'intermédiaire d'une stratégie politique reposant principalement sur la quête, réelle ou prétendue telle, de l'efficacité. L'acceptation, par la majorité de la population péruvienne, du coup d'Etat de 1992 qui accroît le pouvoir du président, et qui est confirmée par le référendum de 1993, ainsi que la réélection de Fujimori en 1995, témoignent d'une popularité croissante. Cette popularité est d'autant plus étonnante qu'elle s'inscrit dans un contexte économique difficile : à peine arrivé au pouvoir, Alberto Fujimori déclenche le « fujichoc », une série de mesures qui réduisent d'environ 50% le pouvoir d'achat des Péruviens 2. Les raisons qui poussent les citoyens péruviens à accepter la dérive autoritaire des années 1990 sont à rechercher dans le style de gouvernement institué par le chef de l'Etat. Le fujimorisme combine en effet les vieilles recettes du populisme (recherche de la proximité avec le « peuple », relations directes et personnalisées avec les citoyens, rejet du système politique traditionnel et des médiations institutionnelles) et de nouvelles stratégies de pouvoir basées sur une utilisation spécifique des moyens de communication, l'instrumentalisation de certaines catégories de la population et la volonté de déstructurer le tissu social.