Le goût baroque comme détermination d’un style : Wölfflin, Deleuze (original) (raw)
La question de l'invention du goût-si importante pour la philosophie actuelle-exige un éclairage oblique, latéral, pour interroger la manière dont l'art devient un problème pour la philosophie, ce qui n'est pas possible sur le terrain de la philosophie seule. L'invention du goût, la posture de l'évaluation esthétique ne sont nées ni par génération spontanée, ni par nécessité interne : elles ont été préparées par un travail d'évaluation et d'élaboration théorique, sans doute, mais qui a été le fait des praticiens, puis des théoriciens de l'art (connaisseurs, historiens) avant de se proposer à l'attention des philosophes. Il y a donc une genèse historique du champ de l'art, qui comporte une lente constitution, une invention (au sens technique) des « agents », dirait Bourdieu, des acteurs ou des personnages, parmi lesquels les oeuvres ellesmêmes ; ceux qui les produisent, les philosophes qui les commentent ne sont pas les seuls en cause, ou plutôt n'apparaissent comme personnages principaux que dans un champ de réception qui comprend commanditaires et mécènes, mais aussi critiques, connaisseurs et goûteurs qui rendent leur existence possible 1. Il ne s'agit pas pour autant de réduire l'apparition de l'esthétique à une sociologie de la constitution des biens culturels, mais de faire porter la philosophie sur l'individuation des objets d'art 2 , effet d'un procès qu'il faut évaluer pour conceptualiser l'art. L'émergence du problème du goût fonctionnant comme révélateur du statut de l'art pour la philosophie, le cas du baroque est ici exemplaire.