Des mondes agricoles en transformation (original) (raw)
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Transformations agricoles et agroalimentaires
2017
Le code de la propriété intellectuelle interdit la photocopie à usage collectif sans autorisation des ayants droit. Le non-respect de cette disposition met en danger l'édition, notamment scientifique, et est sanctionné pénalement. Toute reproduction, même partielle, du présent ouvrage est interdite sans autorisation du Centre français d'exploitation du droit de copie (CFC), 20 rue des Grands-Augustins, Paris 6 e. Remerciements Cet ouvrage cherche à rendre compte de l'évolution des analyses et des perspectives conduites dans le champ de l'institutionnalisme et portant sur le secteur agroalimentaire depuis la parution de l'ouvrage La grande transformation de l'agriculture publié en 1995 sous la coordination de Gilles Allaire et Robert Boyer. La plupart des chapitres qu'il inclut sont issus de communications présentées lors d'un séminaire organisé à Montpellier en juin 2014 sous l'intitulé « Renouveler les approches institutionnalistes sur l'agriculture et l'alimentation : La "grande transformation" 20 ans après ». Cet ouvrage et le séminaire de 2014 ont bénéficié du soutien financier du Cirad et de l'Inra. Nous remercions les responsables de ces organismes qui ont accepté de soutenir ce projet, en particulier Paule Moustier, Paul Colonna et Éric Cahuzac, ainsi que toutes les personnes qui ont participé à ce séminaire et à son organisation scientifique. Nous remercions aussi Pascale Morin pour son aide dans l'organisation matérielle de celui-ci. Nous remercions Laure Cordesse, Antoine Doré (Inra, UMR Agir) et Gaël Plumecocq (Inra, UMR Agir) pour la traduction de l'anglais vers le français de différents chapitres. Signalons par ailleurs que les traductions de citations en langue étrangère dans les autres chapitres ont été effectuées par les auteurs (sauf mentions contraires). Nous remercions enfin Françoise Réolon et Yann Lézénès pour la grande qualité du travail d'édition. Nous remercions Laure Cordesse et Véronique Brill pour leur aide dans la révision de la version finale des épreuves et pour leur soutien méritoire durant toute la 2. Les approches théoriques mobilisées dans l'ouvrage s'inscrivent dans plusieurs traditions institutionnalistes, la théorie de la régulation (chapitre 17), enrichie par la référence à l'institutionnalisme de John Commons (chapitres 6, 13, 14 et 21) et aux travaux d'Elinor Ostrom (chapitres 7 et 21), l'économie des conventions (chapitres 5, 6, 10 et 20) et la sociologie économique et politique (avec des approches originales, chapitres 12 et 19). 3. Cette question a motivé l'organisation du colloque « La grande transformation de l'agriculture vingt ans après », qui s'est tenu les 16 et 17 juin 2014 à Montpellier SupAgro. Une majeure partie des chapitres de cet ouvrage est dérivée de communications présentées à ce colloque. Ce dernier a également inspiré la publication d'un dossier sur l'agriculture dans la Revue de la régulation (2016, 2) : http://regulation.revues. org/ ainsi que dans la Revue française de socio-économie (2017). 5. Pour un tour d'horizon récent de l'histoire de la notion de food regimes, de son utilisation et des débats en cours, voir l'article de Henry Bernstein et les réponses de Harriet Friedmann et Philip McMichael dans le numéro de mai 2016 du Journal of Peasant Studies. Becker et Raza (2000), dans un texte se démarquant des analyses d'Alain Lipietz (1995) au motif qu'elles séparent la théorie de la régulation de l'écologie politique, 8. Mattew Huber (2013) met en rapport le recours au pétrole avec le rapport salarial fordiste. Sur ce point, voir également le chapitre 2. Capitalisme début de siècle, les forces transnationales Les années de rupture sont les années 1990, après la chute du mur de Berlin (1989). Elles ont vu : la consécration d'un processus de réforme libérale des politiques avec la fin de l'Uruguay Round et la création de l'Organisation mondiale du commerce (1994), puis l'entrée de la Chine à l'OMC (2001) ; des crises financières à répétition 9. Nous suivons en cela les conseils de Karl Kautsky qui, dans son célèbre ouvrage La question agraire, soulignait l'importance de bien distinguer « états » et « tendances » et écrivait : « Le théoricien doit rechercher les tendances générales de l'évolution sociale ; le politique pratique doit partir des états particuliers qu'il trouve devant lui. Les tendances de l'évolution sociale, aussi celles de l'évolution agricole, sont dans tous les pays civilisés essentiellement les mêmes, mais les états qu'elles ont créés sont extrêmement différents dans les divers pays, et même dans les diverses parties d'un même pays, en raison des différences de situation géographique, de climat, de configuration du sol, du passé historique et, par suite, de puissance des différentes classes sociales » (Kautsky, 1900 : v). (Mexique en 1994, pays asiatiques en 1997, Russie et Brésil en 1998) ; la signature d'une série d'accords internationaux sur l'accès aux ressources naturelles, en particulier les ressources génétiques, et plus largement une transnationalisation des normes. Après la crise des années 1970, depuis les années 1980, s'est enclenché un processus de libéralisation des politiques agricoles qui s'est poursuivi jusqu'à aujourd'hui, bien que la croissance du commerce international ait connu un ralentissement après la crise de 2008. Cette libéralisation constitue une rupture tant du point de vue du commerce que des régimes de régulation sectorielle. Au-delà des modifications tarifaires, il s'agit de réformes des politiques agricoles nationales, avec une réduction du domaine public (dont les systèmes de connaissance, chapitre 18) et du poids des corporatismes sectoriels (avec néanmoins de fortes résistances). Le processus de libéralisation des politiques économiques nationales accompagne l'internationalisation des circuits de valeur et la financiarisation. Comme l'écrit Cédric Durand (2014 : 7) : « La financiarisation n'est pas un épiphénomène. Elle touche au coeur de l'organisation du capitalisme contemporain, car le capital fictif a pris une place centrale dans le procès général d'accumulation du capital. Ce capital fictif, qui s'incarne sous forme de créances, d'actions et de produits financiers divers dont le poids dans nos économies s'est considérablement accru, représente des prétentions sur les richesses à produire. » Cette financiarisation du capitalisme peut se lire dans des transformations qui concernent la production, les services, le salariat, le gouvernement des entreprises, les comportements des ménages ou les formes de management public. Toutefois, comme le développent Antoine Ducastel et Ward Anseeuw dans le chapitre 15, « la financiarisation n'est pas le processus englobant et homogénéisant parfois décrit ». La financiarisation en soi n'est pas un phénomène nouveau concernant l'agriculture. Les marchés à terme de produits agricoles ont une longue histoire ; la financiarisation de la propriété des industries agricoles et alimentaires se développe depuis plusieurs décennies ; quant à la financiarisation de l'agriculture paysanne, elle s'est développée avec l'accès au crédit. Cependant, on observe des phénomènes nouveaux. À la suite de la crise financière de 2008, l'industrie financière s'est « engagée dans la quête "d'actifs alternatifs" qui ne soient pas corrélés avec les marchés boursiers et qui puissent constituer une protection contre l'inflation » ; il s'agit notamment de fonds d'investissement spécialisés dans le foncier agricole, comme ceux étudiés dans le chapitre 15. L'étude d'Antoine Ducastel et Ward Anseeuw met en évidence toute « la chaîne d'intermédiaires-investisseurs, gestionnaires d'actif, consultants, administrations nationales et locales, agriculteurs-engagés en interaction dans le cadrage et la mise en oeuvre de cette financiarisation du foncier », qu'ils appellent une « filière agrofinancière ». Les institutions financières impliquées mettent en oeuvre une double opération de titrisation et de délégation de la gestion des fonds agricoles acquis. Il s'agit d'un cadre (une formule d'investissement) permettant de fonder la rémunération des capitaux investis dans une ou plusieurs entreprises agricoles (détenues sous forme d'actions) sur la rentabilité financière et sur la « rentabilité sociale » de l'entreprise, capitalisée par diverses formes de certification. Une pluralité de facteurs, architecture entrepreneuriale et fiscale, systèmes d'information sur les impacts environnementaux et sociaux, pratiques et procédures d'évaluation, est à considérer « pour comprendre le codage sous-jacent propre à ce produit financier ». 12. « Le concept "d'hégémonie mondiale" adopté ici […] fait spécifiquement référence au pouvoir d'un État d'exercer des fonctions de direction et de gouvernance sur un système d'États souverains. En principe, ce pouvoir peut inclure la gestion quotidienne des institutions d'un tel système à un moment donné. Historiquement cependant, le gouvernement d'un système d'États souverains a toujours impliqué une certaine capacité d'action transformative, qui a changé le mode de fonctionnement du système d'une façon fondamentale. Ce pouvoir est quelque chose de plus et de différent de la "domination" pure et simple. C'est le pouvoir de la domination renforcé par l'exercice de la "direction intellectuelle et morale" » (Arrighi, 1994 : 29) entend bien approfondir et généraliser. Ces différents facteurs (demande asiatique, agrocarburant, absence de coopération sur les marchés, financiarisation) expliquent la flambée des prix que les marchés de produits agricoles ont connue en 2007-2008. Depuis, la tension est redescendue bien que les prix soient restés à un niveau sensiblement supérieur à celui du début des années 2000. Il semble que se soit opéré un renversement de la tendance d'évolution des prix agricoles. L'instabilité des marchés de produits de base s'est diffusée de manière hétérogène aux marchés domestiques (Daviron et Douillet, 2013). Cette crise a aussi révélé l'impuissance des...
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Tâche qui m'honore d'autant plus que ce colloque est peut-être le premier de ce genre en France 1. J'avoue que cet honneur me dépasse un peu, tant j'ai conscience de mes limites dans ce domaine si important mais si peu exploré. Nous n'avons que très peu de travaux d'ordre historique sur ce secteur; ou plutôt sur les deux secteurs amont et aval de l'agriculture, que sont le machinisme, la fabrication des outils et des machines agricoles d'un côté et d'autre part, l'artisanat et l'industrie d'aval, c'est à dire de transformation des produits. En revanche, je suis particulièrement heureux que ce colloque ait lieu à Nantes, ville qui a joué un rôle si éminent dans le développement du secteur agro-alimentaire en France. Les exemples de la conserverie et de la biscuiterie sont trop fameux pour que j'y insiste. Celui du noir animal, moins largement connu, a peut-être été plus important encore. Ce sous-produit des raffineries de sucre, d'abord traité comme un simple déchet, s'avéra dans les années• 1820 comme un engrais de premier ordre, particulièrement efficace dans les landes, dont il déclencha la mise en valeur systématique 2. Ce fut, dans les années 1830 et 1840, le premier engrais commercial de l'histoire, avant le guano. La production nantaise étant rapidement devenue insuffisante, on fit venir du noir de tous les ports d'Europe, jusqu'à Stockolm et Saint Petersbourg. Et comme le développement des falsifications suivit de très près celui de la production, ce fut encore à Nantes qu'on créa le premier service de répression des fraudes en France et par conséquent la naissance de la chimie agricole. Ce n'est pas rien. Alors, dans ce colloque, consacré pour l'essentiel à l'histoire contemporaine, celle de nos industries agro-alimentaires depuis en gros deux siècles, je vais essayer de réintroduire à titre de rappel, l'importance de la longue durée. Je voudrais proposer quelques exemples de phénomènes appartenant à la très longue durée, comme disait F. Braudel, c'est-à-dire où le temps se compte en siècles et en millénaires plutôt qu'en décennies ou même en générations. Et pour compléter cette idée sur le plan géographique, ces phénomènes sont aussi caractérisés par une très large portée, c'est-à-dire que leur échelle est continentale ou subcontinentale. Je ne ferai qu'évoquer le premier exemple, qui touche à la définition même du thème qui nous réunit, l'agro-alimentaire. On peut parler d'agro-alimentaire aujourd'hui parce que notre agriculture produit presque uniquement pour l'alimentation. Il ne faudrait pas pour autant oublier que ce fait est tout récent. Au milieu du xrxe siècle encore, l'agriculture (où j'inclus l'élevage, la forêt, etc.) est la principale source de produits industriels non alimentaires, et souvent la seule. Les fibres textiles et les colorants pour les teintures sont entièrement d'origine animale ou végétale. L'éclairage, la lubrification des véhicules et des machines, l'apprêt des tissus, etc., consomment des cires, huiles et corps gras le sont également; le gaz de houille, le pétrole et ses dérivés sont à venir. Dans les transports, la vapeur n'en est qu'à ses débuts; et les chemins de fer, loin de remplacer les transports attelés, vont au contraire entraîner un développement extraordinaire de ceux-ci. Or le moteur animal est un produit de l'agriculture, ainsi que les carburants qui lui sont nécessaires (paille, foin, avoine ...). En 1850, la houille est loin d'avoir supplanté le charbon de bois dans la sidérurgie, Grande-Bretagne exceptée. Et pour un produit aussi fondamental que la soude, l'industrie est encore dépendante de la récolte des