Débordements industriels dans la cité et histoire de leurs conflits aux XIXe et XXe siècles (original) (raw)
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conflits et résistances autour du temps de travail avant l'industrialisation (XIVe-XIXe siècle)
L’idée selon laquelle le temps, son organisation, sa discipline est un facteur discriminant permettant de séparer nettement la période industrielle de celle qui la précède a longtemps prévalu chez les historiens. Cet article s’inscrit en faux contre cette thèse : les conflits autour du temps de travail doivent être inscrits dans la longue durée des rapports sociaux de production. Nous dressons donc ici une esquisse large des conflits où le temps est un élément de la mobilisation des travailleurs, du XIVe au premier XIXe siècle. Alors que dans un premier temps, certains conflits portent clairement sur la remise en cause de la définition du temps de travail, à partir du XVIIe siècle, le thème semble s’estomper. Mais on voit alors apparaître des conflits qui portent également sur le contenu du temps de travail. La première industrialisation ne change pas véritablement la nature des revendications. Celles-ci continuent en outre longtemps à provenir majoritairement d’ouvriers engagés dans des activités traditionnelles. Les ouvriers d’usine, quant à eux, ne sortiront globalement pas de leur mutisme avant les décennies 1860/1870.
Depuis trente ans : histoires et mémoires dans la Lorraine industrielle
Les témoignages dans les musées industriels : entre mémoire et patrimoine, Liège, Maison de la métallurgie et de l’industrie de Liège, 2016
« Il faut retirer les hauts fourneaux de la tête des sidérurgistes lorrains », aurait dit dans les années 1980 Jacques Chérèque, ancien militant syndicaliste (CFDT), nomme préfet délégué pour le redéploiement industriel en Lorraine, en 1984, puis ministre délégué à l'aménagement du territoire et à la reconversion industrielle sous le deuxième gouvernement Rocard de 1988 à 1991 et artisan d'un ambitieux dispositif de redéveloppement économique du territoire transfrontalier belgo-francoluxembourgeois, devant profiter au bassin de Longwy 1. Si elle a été réellement prononcée, cette phrase était l'expression de la volonté des gouvernements d'alors d'accompagner la diversification industrielle de la Lorraine, laquelle justifiait une politique de la table rase, qui consistait à systématiquement détruire les usines au fur et à mesure de leur fermeture, et voulait être suivie d'une requalification économique des friches. La rumeur populaire a étendue l'injonction à l'ensemble des Lorrains, ce qui a eu pour effet de déplacer sa signification en laissant entendre que la
Les fumées infernales. Débats et conflits autour des pollutions industrielles (Bourgogne, 1825-1865)
2021
L’ère industrielle en Bourgogne, marquée par la diffusion et l’utilisation du combustible phare : le charbon, apporte avec elle des pollutions d’un genre nouveau et d’une ampleur inédite. Face à une législation protectrice de l’industrie, les plaintes contre les nuisances, et plus particulièrement celles des fumées produites par les machines à vapeur et par les divers fours industriels, ne cessent de proliférer. Étonnamment, ce sont dans les zones les moins industrialisées que les conflits et les débats autour de ces pollutions sont les plus forts. Si les notables, les commerçants, les artisans et même parfois les ouvriers, soucieux de protéger leur commerce, leur propriété, leur santé, dénoncent avec vigueur ces pollutions, ce sont les agriculteurs, qui avec encore plus de forces, s’opposent aux fumées charbonneuses qui détériorent leurs récoltes et affaiblissent leur bétail. Comment ces différents groupes sociaux opèrent-ils pour dénoncer ces pollutions ? Quelles soient vécues ou redoutées, comment représentent-ils ces pollutions ? Comment conçoivent-ils la marche industrielle prise par la France ? Face aux nombreuses oppositions, les ingénieurs des mines, les autorités préfectorales et municipales, les industriels et leurs soutiens font prévaloir, en se reposant sur certains postulats médicaux, scientifiques et culturels, que ces nuisances industrielles ne sont nuisibles ni pour la santé ni pour la végétation. Par quels types de discours et d’argumentaires ces acteurs, arrivent-ils à marginaliser les plaintes pour ainsi accompagner la diffusion des établissements industriels consumant du charbon ? Ce mémoire cherche à se plonger, à travers le cas de la Bourgogne, dans les débats et les conflits qui se sont joués autour de l’industrialisation et de ses pollutions entre 1825 et 1865. Alors que l’industrialisation s’affirmait progressivement, les fumées étaient largement sources d’inquiétudes et de controverses nous permettant de repenser la question environnementale et l’émergence de l’idéologie du progrès.
L'industrie en France au XIXe siècle 2.2 l'entreprise industrielle
le cadre de l'usine : cette transformation, rétrospectivement révolutionnaire, ne pouvait se faire sans la mise en place d'un cadre institutionnel spécifique, celui de l'entreprise industrielle. Les brasseurs d'argent, les marchands de l'époque médiévale et moderne ne dirigeaient pas une entreprise, mais se livraient à des entreprises, qui étaient l'objet d'associations d'intérêts non durables. Les marchands, les négociants tiraient leur profit d'abord de spéculations sur les décalages de prix et sur les risques des transports ; la maîtrise de l'information sur les marchés lointains était au fondement de cette prise de risque ; ils en attendaient des gains immédiats, et ponctuels, même si parfois décalés dans le temps. Par ailleurs, les seigneurs féodaux et les propriétaires fonciers de l'époque médiévale et moderne, et surtout leurs intendants, travaillaient eux aussi à gagner de l'argent par la gestion de domaines ; là aussi les compétences étaient importantes, mais en quelque sorte inverses : les aspects techniques et commerciaux étaient simples, liés essentiellement au marché local et à des manières de faire longuement rodées par des générations d'exploitation de la terre et des animaux, au fond pas très différentes depuis le néolithique. Au contraire, ils avaient une bonne expérience de la gestion de la main d'oeuvre, et notamment une bonne pratique des dimensions juridiques et coutumières de l'activité, avec la collecte des fermages, la rédaction des baux et des contrats, les usages et pratiques des communautés rurales. Parfois ils diversifiaient l'économie du domaine en adjoignant des activités minières ou sidérurgiques, notamment avec les gisements présents dans le domaine, ou les forêts et les cours d'eau.
Urbaphobie. La détestation de la ville aux XIXe et XXe siècles
2009
L'âge industriel marque le triomphe de la ville. En deux siècles, les dynamiques démographiques, économiques, sociales et culturelles font aboutir un processus de domination urbaine qui remodèle en profondeur le visage des sociétés occidentales. Mais à l'ombre des cités triomphantes se déploie une autre histoire moins connue : celle du rejet de la ville. Gouffre de l'espèce humaine, où se perdent des contingents toujours plus nombreux de paysans déracinés, pieuvre ardente qui étend ses tentacules sur les campagnes, les images abondent pour exprimer la détestation de la ville. Territoire des miasmes pour les uns, temple du vice et de la corruption pour d'autres, la cité moderne apparaît comme un lieu mortifère - au propre comme au figuré - un vaste mouroir où agonisent tout à la fois l'homme et la civilisation. Cette urbaphobie inspire toute une gamme d'attitudes et de réalisations : stratégies d'adaptation ou programmes de réforme urbaine, fuite temporaire ou définitive loin des agglomérations. Rares sont pourtant ceux qui prônent leur destruction pure et simple. Ainsi, les remèdes aux maux de la ville confortent indirectement le fait urbain comme donnée majeure de la modernité occidentale. Plus encore, ils participent au renouvellement des pratiques sociales et de la pensée urbaine et, à ce titre, jouent un rôle actif dans la dynamique de transformation de la ville contemporaine. Finalement l'urbaphobie, à l'instar de toute réaction anti-moderne, participe pleinement de la modernité qu'elle dénonce.
Défis industriels et mouvements sociaux en Haute-Garonne (1967-1978)
Les Cahiers de Framespa, 2012
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Phèdre à la fin du XXe siècle : le désordre dans la cité
Elle fait de la politique pour se distraire d'elle-même : elle accepte la régence comme elle commencerait à se tricoter un châle1. Le jugement de Marguerite Yourcenar, en 1936, dans Feux, sonne toujours aussi juste : le XXe siècle n'a pas fait de Phèdre une grande femme politique. Il y avait bien pourtant, dans le legs de Sénèque puis dans celui de Racine, la place pour une figure de Phèdre en costume de Roxane, reine superbe offrant à son Bajazet, en même temps que celle de son corps, la jouissance du pouvoir, ou d'une Phèdre régente d'un royaume qu'elle aurait conservé, telle Marie de Médicis, au bénéfice de ses propres fils. Sénèque puis Racine avaient en effet choisi de faire croire à la mort de Thésée, du roi, et donc de faire d'elle une reine veuve. Mais cela n'a pas suffi. Phèdre est restée bien peu reine, encore moins femme politique. Si Phèdre est un grand mythe politique, ce n'est pas en ce sens. D'ailleurs, en même temps qu'il construisait son scénario de vacance du pouvoir royal, ouvrant grandes les portes aux intrigues de palais, Racine avait fourni aussi le moyen d'empêcher cette lecture-là de sa propre pièce. Il lui avait suffi de mettre devant la politique l'écran de la morale, d 'instituer pour longtemps Phèdre en mythe de la passion : […] Phèdre n'est ni tout à fait coupable, ni tout à fait innocente. Elle est engagée, par sa destinée et par la colère des dieux, dans une passion illégitime, dont elle a horreur toute la première. Elle fait tous ses efforts pour la surmonter2. Et pourtant, la passion — qu'aujourd'hui nous appelons désir — est tout sauf étrangère à la politique. De la passion naît le désordre, désordre du corps de la reine, mais aussi désordre du corps social. Les passions n'y sont présentées aux yeux que pour montrer tout le désordre dont elles sont cause3 La célèbre petite phrase de Racine, défendant prudemment sa tragédie de l'accusation d'immoralité, a une portée considérable. Si les siècles précédents le savaient évidemment déjà fort bien, il revient sans doute à certaines réécritures de Phèdre au XXe siècle de l'avoir démontré. Phèdre au XXe siècle, c'est d'abord un nombre très important d'oeuvres nouvelles. Même si on laisse de côté une pièce comme Desire under the Elms (1923) d'Eugen O'Neill, souvent rapprochée non sans raison du scénario de Phèdre, mais où les noms des héros grecs ne se retrouvent pas, et même sans prendre en compte les différentes mises en scènes de la pièce de Racine, voire de celles d'Euripide et de Sénèque, on est frappé tant par le nombre de ces réécritures que par la diversité de leur nature. Sans prétendre à l'exhaustivité, je citerai, au