Utopie et réalité historique dans le droit des peuples de John Rawls (original) (raw)
2021, Utopie et réalité historique dans le droit des peuples de John Rawls
Ma recherche philosophique a porté sur "Utopie et réalité historique dans le droit des peuples de John Rawls". Ce droit des peuples a été constitué par Rawls dans son œuvre "Paix et démocratie"", à la fin du XXe siècle. "Paix et démocratie" est dans la continuité d’autres œuvres de Rawls, comme "Théorie de la justice" et "Libéralisme politique". D’après la chronologie des publications, la justice intérieure de "Théorie de la justice" est définie par la suite comme une « utopie réaliste » dans "Libéralisme politique", qui entreprend l’exploration « des limites des possibilités politiques pratiques ». Enfin, cette utopie réaliste est mondialisée dans le projet de paix perpétuelle de "Paix et démocratie". Une justice internationale est-elle possible, qui soit davantage qu’une justice pénale ? Je me suis intéressé à cette utopie cosmopolitique, basée sur le respect des droits de l’homme, et qui a l’ambition d’être réaliste. Dans cette utopie, Rawls se range sous le patronage de Kant, comme dans sa "Théorie de la justice", bien qu’il sépare son droit des peuples du socle de la métaphysique kantienne. Je souhaitais faire l’expérience de la rupture avec le schéma de la guerre comme moteur et ruse de l’Histoire. Comment penser la paix mondiale autrement qu’avec la notion du "modus vivendi" des puissances belliqueuses, qui trouve un équilibre naturel ? Comment concevoir la paix comme autre chose qu’une pause entre deux conflits ? Pour cela, j’ai suivi un premier fil conducteur, celui de l’économie. La pensée de Rawls est éthique et politique, mais elle emprunte de nombreux concepts à la science économique, qu’elle aborde de manière empirique et intuitive, comme l’économie du développement. J’ai suivi un deuxième fil conducteur, qui est celui de l’Histoire de l’utopie cosmopolitique, à laquelle Rawls emprunte des exemples. Comme le droit des peuples garde un certain retrait par rapport à l’actualité immédiate de son temps, je me suis intéressé aux contingences historiques qu’il écarte par principe, quand il traite de la paix et de la guerre. Le droit des peuples culmine dans l’idée de la raison publique, qui met le dialogue sur le forum au fondement de la démocratie. J’ai donc suivi un troisième fil conducteur – qui est celui du problème de la tolérance, intérieure et mondiale, et intérieure parce que mondiale – auquel la raison publique est confrontée. Je désigne ce domaine comme celui de la paix idéologique. L’idéal du droit des peuples est la démocratie libérale, dotée d’une constitution et capable de diffuser des biens et des ressources à des citoyens-propriétaires. Néanmoins, le droit des peuples interdit d’imposer cet idéal aux autres peuples, par la force ou l’incitation économique. Le droit des peuples respecte les valeurs de la culture politique, morale et religieuse des autres peuples, qui ont une conception du bien commun. Ces valeurs peuvent recouper les principes de l’équité, que le sens de la justice comprend intuitivement, principes qui sont d’abord construit dans un contrat social que Rawls appelle le voile d’ignorance. Je me suis donc intéressé à l’argumentation de John Rawls pour démontrer que son droit des peuples n’est pas ethnocentrique. D’une certaine façon, l’utopie réaliste de John Rawls rejoint celle des penseurs chrétiens, juifs et musulmans du Moyen Âge, qui ne séparaient pas le savoir et la croyance, à condition que la croyance soit argumentée. De même, au XVIIe siècle John Locke a montré qu’il existe un christianisme raisonnable. Pourquoi avoir choisi ce sujet ? J’ai choisi ce sujet pour tenter de comprendre comment John Rawls comble le vide intellectuel de la fin du XXe siècle, qui est aussi la fin de la guerre froide. Une philosophie superficielle, diffusée par les médias, oppose alors une pensée de la « fin de l’Histoire » à une théorie du « choc des civilisations ». La pensée de Rawls a affronté une batterie de critiques dans le dernier tiers du XXe siècle. Elle a maintenu son caractère raisonnable, en face de la rationalité de la mondialisation économique. Cette mondialisation nous concerne tous, dans notre vie quotidienne. Je souhaitais étudier comment le caractère raisonnable de l’utopie réaliste de John Rawls maintient la prévalence de la politique sur l’économie. Enfin, je me suis penché sur l’histoire de l’utopie, qui est irréaliste dans son fond. J’ai voulu montrer comment l’utopie réaliste de la paix perpétuelle et de la guerre juste de Rawls conserve paradoxalement un aspect irréaliste, mais qui reste essentiel à la vie de l’utopie.