Les Vers (original) (raw)

Le but de cet article est de proposer une analyse métrique du vers français qui s'inscrive dans le cadre d'une approche générale et comparée, telle qu'elle peut se concevoir aujourd'hui si l'on considère à la fois les apports européens et anglo-saxons en la matière. Nous commencerons par rappeler quel est l'objet que le métricien est censé étudier (§ 1), puis nous proposerons une procédure de modélisation des mètres qui tienne compte de la nature même de cet objet (§ 2) 1. 1. L'objet de la métrique Une métrique est générale si elle repose sur des critères de description qui ne relèvent pas seulement d'une esthétique nationale, mais qui peuvent servir à décrire divers systèmes métriques à travers diverses littératures nationales. De tels critères sont indispensables pour permettre la comparaison entre les divers systèmes de versification, et leur pertinence ne peut être établie que s'ils sont éprouvés sur un ensemble important de corpus, historiquement contrastés et linguistiquement différenciés. Une métrique générale ne peut donc définir ses critères de description sans recourir à la comparaison entre systèmes métriques, et une métrique comparée ne peut exister sans un horizon d'attente général, c'est-à-dire qui ambitionnerait idéalement de rendre compte de l'ensemble des systèmes métriques de par le monde 2. Il n'existe donc pas de métrique comparée qui ne serait pas aussi générale, ni de métrique générale qui n'intégrerait pas dans sa méthode des procédures comparatistes. Pour établir des comparaisons entre systèmes de versification, d'une part, et pour rechercher des procédures générales de formalisation, d'autre part, il convient de définir avec précision ce qui relève du champ spécifique de la métrique, et ce qui en est exclu. Pour ce faire, nous partirons d'une proposition de Jakobson, qui semble être totalement passée inaperçue en France, alors qu'elle a joué un rôle certain outre-atlantique 3. Soit un alexandrin tel que «Je ne te retiens plus sauve-toi de ces lieux». Robert de Souza rapporte qu'il entendit Rachel le prononcer, vers 1895, «Je n'te r'tiens plus, sauv'-toi d' ces lieux», avec quatre apocopes de «e», ce qui réduisait le «grand» vers racinien à huit syllabes numéraires actualisées dans l'acte d'énonciation. Entre cette version, optimale dans la réduction qu'elle