La vie technique. Une philosophie biologique de la technique (original) (raw)

La vie technique du care

Cahiers François Viète III-15 | 2023 Du soin technologique : enjeux épistémologiques et empiriques des modes d’intrication entre technique(s) et soin(s) dans la médecine contemporaine, 2023

Through a dialogue with four classic books of care thinking, this article questions the place of the biological dimension in care ethics, in order to ask how they conceive the relationship between biology and ethics. It will be shown that there is a spectrum of strategies of articulation between life and care, ranging from more essentialist to more constructivist approaches. It will be argued that the centrality of the biological dimension in care must be rethought in the light of the constitutive role of technique in life. The concept of “technical life of care” is thus proposed to account for this configuration of the triangulation between life, technique and care.

"Normativité vitale et normativité technique: pour une éthique biologique des techniques"

La notion de « normativité vitale » est souvent mobilisée pour affirmer une certaine primauté du vivant face aux normes sociales et techniques. Cependant, la relation entre les notions de « vie » et « technique » dans la tradition de la philosophie biologique des techniques est loin d’être une opposition nette. Le vivant se définissant en effet comme une certaine polarité avec son propre milieu, la technique est entendue par conséquent comme l’activité sur ce milieu, ou à la limite comme la relation même entre le vivant et son milieu. Néanmoins, on ne peut pas nier que les « modes d’existences des objets techniques » se sont désormais multipliés et qu’ils ont atteint un degré de complexité tel qu’il est difficile de continuer à concevoir toute technique comme le simple prolongement d’un geste vital. Il y aurait donc une spécificité de ce que, à l’instar de G. Simondon, on peut appeler la « normativité technique ». La question se pose, alors, pour l’épistémologie autant que pour l’éthique, de comprendre quelle est la relation entre normativité vitale et normativité technique, tout en évitant technophobie et techno-enthousiasme. Une solution possible pourrait alors surgir d’une réinterprétation de l’appel bergsonien au « supplément d’âme » : il s’agirait non pas d’assumer une posture spiritualiste, mais de rattraper cognitivement le retard constitutif du vital sur le technique. Ce discours conduirait à imaginer une éthique biologique des techniques qui ne soit pas une éthique principialiste, mais qui s’intègre au discours épistémologique.

De la puissance-matière : techniques de la vie contre biotechnologies

La modernité européenne a vu le monde matériel livré au pouvoir de l'Homme, ou plus précisément, comme le disait Bataille, « aux hommes de la production, aux bourgeois », dont l'Homme prométhéen n'est qu'une figuration mythifiée. Ce processus historique et politique trouve son pendant philosophique dans une conception de la matière pensée comme pure étendue mesurable et manipulable. Un même geste préside à ce double mouvement : la tentative d'éliminer tout ce qui, dans la matière et dans les corps, engage une résistance (accidents, contingences, variations, forces d'irruption...). La matière devient dès lors le support neutre et indifférencié sur lequel le pouvoir de l'Homme trouve à s'exprimer sans autres limites que celles du « progrès » scientifique et technologique. Or le matérialisme dialectique de Marx ne permettra pas de rompre avec ce matérialisme productif. La théorie du travail (le paradigme hylémorphique à l'aune duquel il est pensé) reconduit la perspective anthropocentrique qui le fonde. Une autre conception de la matière, et donc un autre matérialisme, se profile cependant dans la persistance spectrale des forces révolutionnaires. « Un spectre hante l'Europe, le spectre du communisme ». Le spectre dit ici la persistance d'une force matérielle paradoxale, d'une force qui échappe à toute positivité appréhendable. Cette force matérielle se déploie comme puissance et indique la persistance, à même le corps social, d'un indomptable. C'est depuis la persistance d'une telle puissance, d'une puissance de résistance et de frayage, d'une puissance d'irruption, qu'il s'agira de repenser la matière et le rapport à la matière. A un moment où le matérialisme productif du Capital trouve à s'accomplir dans l'achèvement du projet anthropotechnique, l'enjeu consiste à destituer le pouvoir démiurgique que l'homme moderne, sous la forme du producteur, s'est attribué, pour laisser vivre le déploiement d'une matière pensée comme puissance, en réveillant ce qui, en elle, persiste et résiste à toute tentative de capture et de production. N'est-ce pas en s'exposant à l'épreuve d'une puissance-matière, d'une puissance destitutrice du pouvoir, que l'on rendra justice au spectre, à sa puissance irruptive et indomptable ? La perspective révolutionnaire qui se profile dans cette épreuve n'est plus celle d'une réappropriation des moyens de production permettant à l'homme de renforcer sa domination sur une nature objectivée, mais au contraire celle d'une désappropriation qui réinscrit l'être humain dans le mouvement persistant du naturer. L'enjeu n'est plus, aujourd'hui, de répondre au seul problème des conditions de vie de la collectivité humaine, mais de préserver les conditions même de la vie, c'est-à-dire à la fois d'un commun qui concerne l'ensemble des modes de vie des êtres de nature et de leur être-avec sensible. Le Manifeste du Parti Communiste s'ouvre par l'invocation d'une puissance, puissance spectrale qui hante l'Europe : le spectre du communisme. La puissance dit alors moins l'union que la faille qui persiste à même le fantasme d'unité ou d'unification. Cette faille traverse l'Europe, la divise de part en part. Le temps est hors de ses gonds 1 , il est désajusté. Et le spectre surgit dans l'intervalle de ce désajustement. Or le Manifeste a pour fonction d'actualiser cette puissance, de la faire passer à l'acte dans l'espace politique et, ce faisant, de résorber la faille, de réajuster le temps, de dialectiser la disjonction au sein d'une unité supérieure, celle du genre humain réuni. La puissance vise donc à s'abolir comme puissance pour s'organiser en pouvoir, un pouvoir capable de battre sur son propre terrain le pouvoir de l'ennemi, celui d'une classe particulière-classe bourgeoise-confondu avec celui de l'Etat. S'ouvre dès lors la voie d'une prise de pouvoir indissociable d'une réappropriation des moyens de production qui en actualise l'effectivité sur le plan économique. Deux moments donc, constitutifs du processus révolutionnaire tel qu'il se trouve mis en scène dans la Manifeste. Or ces deux moments correspondent aussi à deux manières contradictoires de penser la puissance et le pouvoir, le rapport au pouvoir. Ce sont ces deux moments qu'il s'agira de dissocier pour libérer à 1 Cf. Jacques Derrida, Spectres de Marx, éd. Galilée, 1993.

La technique au quotidien. Poétique de la modernité industrielle dans les Physiologies

Romantisme, 2010

Les Physiologies parisiennes des années 1840 développent certaines considérations sur les progrès machiniques, notamment ceux qui concernent les moyens de transport. À travers leur poétique du quotidien de la monarchie de Juillet, quelles représentations de la civilisation technicienne les Physiologies construisent-elles ? Quelle place réservent-elles à la technique, parallèlement à leur mobilisation des paradigmes empruntés aux sciences du vivant ? Cette lecture transversale propose d’étudier comment les codes génériques de l’écriture de la Physiologie retraduisent, en une poétique spécifique, les valeurs modernes liées à la technique. Corrélativement, elle examine deux dystopies contre-technicistes sur lesquelles se focalise la dimension satirique de ces textes : les accidents de transports et les escroqueries financières.

Habiter le monde : des techniques de la vie

par David gé Bartoli et Sophie Gosselin (https://bartoli-gosselin.tumblr.com/) « Nous avons perdu le monde », disait Michel Serres dans un livre publié en 1990 1. Qu'est-ce que cela veut dire ? Nous défendrons l'hypothèse que cela renvoie au sentiment d'une perte de notre rapport sensible au monde. Cette perte est le résultat d'un long processus qui s'est mis en place à l'époque moderne et qui en passe par une rationalisation des phénomènes sous l'égide de la croyance en la Science. Ce qui caractérise l'époque moderne, c'est qu'elle ne procède pas seulement à une rationalisation théorique (comme c'était le cas dans l'Antiquité avec Platon ou Pythagore), mais à une transformation pratique des phénomènes, à une « reconstruction » de notre expérience de l'espace et du temps d'après les critères du savoir scientifique (c'est-à-dire de la mathématisation possible des phénomènes). C'est ce dont témoignait déjà le philosophe Husserl lorsqu'il constatait, au début du 20ème siècle, la crise des sciences et la nécessité de renouer avec le « monde de la vie », avec le monde vécu. C'est aussi le constat fait par le philosophe et mathématicien Whitehead lorsqu'il évoque la bifurcation entre monde conçu et monde perçu. « Whitehead fait justement remarquer que l'hypothèse paradoxale selon laquelle la nature serait dénuée de couleurs, de sons, d'odeurs, n'a pu paraître vraisemblable que parce que nous avons confondu nos abstractions avec des qualités concrètes. […] Si nous cessons de croire que la richesse du monde que nous sentons est une projection de notre esprit, alors il nous faut rendre à la nature les qualités qui sont les siennes » 2. Naess fait ici référence au clivage introduit par la pensée moderne entre d'un côté la « réalité objective », celle des qualités primaires (étendue, solidité, forme, mouvement, nombre : caractéristiques de la « res extensa »), qualités objectives car mesurables, et la « réalité subjective », celle des qualités secondaires (couleur, son, goût) qui ne sont relatives qu'à la perception du sujet. Ce partage, corrélatif de celui entre objet et sujet, a pour conséquence de réduire la réalité objective à un ensemble de qualités abstraites (« monde conçu »), dénuées de toute qualité sensible (« monde perçu »). Or l'aboutissement de cette bifurcation, de ce divorce même, se produit aujourd'hui de manière effective, dans les divers projets de Terraformation qui pensent pouvoir répondre aux problèmes environnementaux et climatiques par une reconstruction des êtres de nature (des OGM à l'idée de la Terre pensée comme vaisseau climatisé) sous l'égide de la technoscience. Au contraire, dépasser la « bifurcation » ne sera possible, nous dit Whitehead, que si, au lieu de se limiter à penser « les molécules et ondes électriques grâce auxquels les hommes de science expliquent le phénomène », l'on se rend de nouveau capable d'accueillir la « lueur rouge du coucher du soleil » 3. La perte du monde correspond à un déni de notre condition d'êtres sentant, de corps. Retrouver le monde, cela voudra donc dire redéployer le rapport sensible qui a été perdu. Ce n'est qu'à cette condition que nous pourrons à nouveau habiter le monde, des mondes. 1/ Un rapport sensible au monde : déployer l'imagination comme co-naissance du réel Retrouver un rapport au sensible, c'est d'abord se rouvrir à l'épreuve de l'événement, se rendre capable d'accueillir l'événement au lieu de chercher sans cesse à surdéterminer le futur par des visions ou prévisions, des calculs ou actions qui visent à conjurer toute advenue, toute rencontre.

DE LA SOCIOLOGIE DES TECHNIQUES A LA SOCIOLOGIE... ou comment sortir de la dichotomie: genèse sociale des techniques/ genèse technique des hommes

Akrich, M., 1994, Comment sortir de la dichotomie technique/société. Présentation des diverses sociologies de la technique, In Latour, B.et Lemonnier, P., ed, De la préhistoire aux missiles balistiques : l'intelligence sociale des techniques, Paris, La Découverte, pp.105-131. DE LA SOCIOLOGIE DES TECHNIQUES A LA SOCIOLOGIE... ou comment sortir de la dichotomie: genèse sociale des techniques/ genèse technique des hommes Madeleine Akrich

La « philosophie biologique de la technique » de Georges Canguilhem, à la lumière des notions de valeur et de norme

Revue PISTES - Dossier "Éthique, politique, philosophie des techniques" - https://www.vrin.fr/book.php?code=9782711684250 , 2021

La « philosophie biologique » de Georges Canguilhem comporte un volet sur la « philosophie biologique de la technique », qu’il n’a pourtant jamais thématisé explicitement. Le but de cet article est de dégager, tout au long de sa production, sa conception originale de la technique. À la fois issue de la normativité biologique et vecteur de normalisation sociale, la technique occupe dans sa pensée une place stratégique sur le plan éthique et politique, permettant l’articulation du biologique et du social en l’homme.

La technique une enquête philosophique

Ethique et technique, 2004

Ethique et technique ont une longue histoire. Cette communication présente les repères essentiels de cette histoire complexe jusqu'à nos jours: lorsque la technique s'est dissociée des questions éthiques.

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L'alchimie entre science et technique

L'alchimie entre science et technique. Un cas exemplaire : le Rosarius philosophorum attribué au médecin Arnaud de Villeneuve (Arnau de Vilanova, ob. 1311)., 2018

« Vers la qualité de la vie : l’émergence des sciences et des techniques »

Nature, Environment and Quality of Live / Nature, Environnement et qualité de la vie. Sous la direction de Antonello La Vergata, Geneviève Artigas-Menant et Jan J. Boersema, Turnhout, Brepols, « Archives Internationales d’Histoire des Sciences » Vol. 64, 172-173, 2014, p. 137-147, 2014

Le Motif de la technique

Œuvre, objet, image, travail, Gwenaëlle Bertrand et Jérémie Nuel (dir.), Les Presses d’URL, 2021