L'écran dans l'écran : notes sur le plan-séquence chez Brian de Palma (original) (raw)
2013, La Furia Umana - paper #4
Notre perception pure, en effet, si rapide qu'on la suppose, occupe une certaine épaisseur de durée, de sorte que nos perceptions successives ne sont jamais des moments réels des choses, comme nous l'avons supposé jusqu'ici, mais des moments de notre conscience. Le rôle théorique de la conscience dans la perception extérieure, disions-nous, serait de relier entre elles, par le fil continu de la mémoire, des visions instantanées du réel. Henri Bergson, Matière et Mémoire B rian De Palma utilise régulièrement la forme filmique du plan-séquence dans ses films, dont Snake Eyes (1998) demeure l'exemple le plus connu par sa longueur et la complexité de sa mise en scène. Comme son nom l'indique, le plan-séquence est une séquence filmée en un seul plan, sans montage ou interruption de point de vue tel qu'un contrechamp. Mais la majorité des plans-séquences du cinéma demeurent truqués, pour des raisons pratiques (techniques). Un film comme La Corde (1948), reste une référence de premier ordre lorsque nous parlons de plan-séquence. Pour l'époque, le film est une prouesse technique. Il est soi-disant filmé intégralement selon ce procédé, mais le plan-séquence est faux : les bobines de pellicule duraient au maximum 10 minutes à l'époque. Les raccords son faits sur le dos des personnages qui remplissent l'écran ou par des contrechamps presque invisibles. On le sait, De Palma demeure l'un des exégètes les plus rigoureux du cinéma d' Alfred Hitchcock. Comme chez le maître, la question du faux et de la manipulation de l'image est une thématique centrale de son cinéma. En partant de l'analyse du plan-séquence d'ouverture de Snake Eyes, nous verrons son fonctionnement plastique en usant d'un dialogue ouvert avec d'autres plans-séquences dans ses films. En questionnant le pouvoir illusionniste propre au cinéma -l'oeil mobile du film qui épouse celui de notre regard -nous verrons que De Palma opère un travail qui interroge et déstructure ce schéma trop idéal de la durée comme dimension concrète. En cinéaste jouissif de ses propres camouflages et autres dissimulations, De Palma demande patience au spectateur puisque l'image finit par révéler ses secrets à force de visionnements. Comme dans le cinéma d'Hitchcock, tout est déjà là, sous nos yeux. Mais l'attention du spectateur est soigneusement noyée dans