De David Reubeni au Juif Errant : dans les pas du « Juif au soulier » (original) (raw)

2012, Revue de l’histoire des religions

De David Reubeni au Juif Errant : dans les pas du « Juif au soulier » Plusieurs documents du XVI e siècle attestent que David Reubeni était connu sous le nom de « Juif au soulier ». À propos de cette énigmatique appellation on examine les rapports anciens du métier de la chaussure avec la prophétie et le messianisme. Certaines versions ibériques de la légende paneuropéenne du Juif Errant indiquent que l'identii cation traditionnelle de ce personnage à un cordonnier de Jérusalem qui aurait insulté le Christ semble avoir connu un enracinement précoce et privilégié dans les croyances et le folklore péninsulaires. On peut légitimement supposer que s'est produite en Espagne et au Portugal une interaction entre cette légende médiévale et les rumeurs qui ont dû circuler à propos du vagabond illuminé exécuté en 1538. From David Reubeni to the Wandering Jew: following the steps of the "Jew with a shoe" Several documents of the 16 th century vouch that David Reubeni was known as "the Jew with a shoe". About this strange nickname the author investigates the old relations of the shoemaking craft with prophecy and messianism. Some Iberian versions of the paneuropean legend of the Wandering Jew show that the traditional identii cation of this i gure to a cobbler from Jerusalem who was supposed to have insulted Christ seems to have had some early and special roots in peninsular beliefs and folklore. It can reasonably be supposed that in Spain and Portugal an interaction took place between this medieval legend and some of the rumours which probably spread about the enlightened wanderer executed in 1538. 1. Sur la carrière, les pérégrinations et la personnalité de ce prétendu missionnaire juif (peut-être d'origine éthiopienne), venu en Occident solliciter, au nom des « tribus perdues » d'Israël et de son frère (un certain Joseph, roi de quelques-unes de ces tribus), l'aide diplomatique et militaire du Pape et de l'Empereur ai n de renforcer l'armée qu'il disait vouloir lancer contre l'empire ottoman, voir l'article que lui consacre l'Encyclopaedia Judaica, t. XIV, Jérusalem, 1971, col. 114-115, le livre de Léa Sestieri, David Reubeni : un ebreo d'Arabia in missione secreta nell' Europa del Cinquecento, Gênes : Marietti, 1991 (qui comporte une traduction du Journal de Reubeni) et Mercedes García-Arenal, « "Un réconfort pour ceux qui sont dans l'attente". Prophétie et millénarisme dans la péninsule Ibérique et au Maghreb (xvi e-xvii e siècles) », Revue de l'Histoire des Religions, 220 (4), 2003, p. 445-486 (p. 465-470). Après d'inscrutables et peut-être mythiques visites à Alexandrie, Jérusalem, Safed, Damas, notre pèlerin messianique commence sa carrière diplomatique européenne à Venise en 1523 et l'achève sur un bûcher (à Badajoz ?) en 1538, après s'être entretenu, au i l des années, avec le Pape Clément VII et Jean III, roi du Portugal, et avoir éveillé par ses « ambassades » l'attention de Charles Quint. Son inl uence s'est cependant surtout exercée dans les communautés de « nouveaux chrétiens » au Portugal et en Espagne, où il semble avoir suscité assez d'agitation millénariste pour s'attirer les foudres de la couronne impériale et de l'Inquisition.