Editorial - Revue de l’Archéologie du Vêtement et du Costume Tome 2, 2022 (original) (raw)

Romans en costumes & poétique de l’accessoire. Quelques réflexions sur la panoplie des personnages de Christine Montalbetti. Dans Alain Montandon (dir.), «Sociopoétiques de la mode et du vêtement », Revue Sociopoétiques, n°2, décembre 2017.

Dans son dernier roman, La vie est faite de ces toutes petites choses (P.O.L, 2016), Christine Montalbetti s’amuse à retracer les péripéties tour à tour immenses et infimes de la dernière mission spatiale à bord de la navette Atlantis. Elle se plaît notamment à décrire par le menu les tenues de chacun de ses personnages, dans une forme rieuse à mi-chemin entre le pastiche naturaliste et l’écriture à contrainte – puisque la plume se convertit en capteur d’une représentation déjà existante, images et vidéos d’archives disponibles sur internet, selon une relation intermédiale entre le texte et l’image dont l’auteure est coutumière. Depuis l’ouverture de l’œuvre avec Sa fable achevée, Simon sort dans la bruine (2001, P.O.L), la critique souligne la dimension ludique de cette écriture qui n’a de cesse de mettre le lecteur au défi par une rhétorique de mise à distance de la fiction – notamment par le biais de la métalepse. Pourtant, au fil des romans se dégage une oscillation tonale qui tend à baisser parfois cette garde métanarrative, comme un réapprivoisement de l’ambition mimétique. L’analyse précise du travail de caractérisation du personnage par l’habit me permet de mettre en lumière cette oscillation romanesque, du surplomb ludique au renouvellement exploratoire des pratiques réalistes.

L'Autre Masque: Mode, Altérité, et Objet-textile

2020

In: Culture(s) de Mode, mai 2020. 1 L'AUTRE MASQUE : MODE, ALTÉRITÉ, ET OBJET-TEXTILE Par la philosophe Marie-Aude Baronian. Publié sur Culture(s) de Mode, le 11 mai 2020. Il y a encore peu de temps, personne n'aurait pu imaginer que le masque deviendrait un objet matériel d'une telle évidence et d'une telle amplitude, une banalité ambulante dans des paysages vidés et figés, mais engorgés d'une masse d'inquiétudes et d'incertitudes. Pourtant, ces dernières années, certains créateurs de mode avaient déjà travaillé et proposé cet accessoire, animés par diverses inspirations et considérations sociopolitiques [1]. L'exemple récent de la créatrice française Marine Serre qui, en faisant défiler des masques sur les mannequins, invitait le monde de la mode à méditer sur la crise écologique et l'angoisse de la fin du monde, peut sembler, à ce titre, précurseur, voire prophétique. Le masque infuserait une énergie créative et dynamique par laquelle les créateurs émergeants démontrent leur sensibilisation aux failles du monde et de l'humain. Accessoire pandémique par excellence, autoréférentiel et ne nécessitant donc aucun sous-titre, le masque a très rapidement dépassé le champ du médical (ainsi qu'une série de références religieuses, cultuelles ou culturelles) pour s'imposer comme l'objet à la mode, dans le sens de celui qui vient capturer le coeur même de la contemporanéité.[2] Cet objet, si identifiable et iconographique dans l'espace public et à l'échelle globale, étant plus pandémique que la pandémie elle-même, nous amènerait à modifier et à réorienter notre perception du monde, de soi, et d'autrui. C'est dans ce sillage, et sans échapper à la logique rodée du système marchand, que le masque nous oblige à réfléchir aux liens étroits, quasi inéluctables, entre mode, objets et altérité. Et c'est dans cette optique que le masque est le prototype de l'objet-textile. Celui-ci est un objet qui, par sa matérialité distincte, texture le rapport à soi, à l'autre, et au monde. L'objet-textile engage le corps dans ses mouvements physiques et réflexifs. En d'autres mots, l'objet-textile est, à la fois, matière et texte ; il est le médium qui se porte ou se manipule, et se pense. Il trace dans sa trame et sa texture même ce qui (nous) arrive. L'objet