Traversées de frontières : postcolonialité et études de « genre » en Amérique (original) (raw)
Et si, plutôt que de prétendre saisir le sens fuyant de ce terme en vogue, postcolonial, il fallait l'approcher à tâtons, en examinant le terreau qui a favorisé son éclosion ? Autrement dit, commencer par considérer les postcolonial studies comme des studies : parmi d'autres, parents éloignés ou proches cousines, qui dessinent en se croisant et s'opposant un panorama touffu dont le public français n'est guère familier. Vues d'ici, en effet, qu'ont à voir les catégories gender, queer, subaltern, transnational et autres Afro-American avec la théorie postcoloniale ?… On peut à bon droit ironiser sur le génie lexical américain, qui pousse les universitaires à l'invention permanente de nouveaux labels, dans la surenchère d'un politiquement correct qui est, aussi, économique à bien des égards. Mais l'ironie n'interdit pas la curiosité. On peut vouloir comprendre à quoi, et surtout avec quoi riment ces produits intellectuels qui, aujourd'hui, s'exportent et se disséminent mondialement-contribuant ainsi d'une façon ou d'une autre à forger ce que seront les grandes pensées du XXI e siècle. Or, sans négliger cette expansion vaste et diffuse, il reste difficile de ne pas rapporter les dimensions épistémologiques et politiques des studies au champ universitaire spécifique où, en relation avec l'évolution de la société américaine, elles se sont développées et continuent à le faire. Car les frontières que la théorie postcoloniale invite à déplacer sont peut-être, d'abord, présentes à ce niveau-là. Et leur subversion suppose inévitablement le tracé de nouvelles lignes de démarcation dans les champs du savoir. Quelques-unes des frontières de la théorie postcoloniale : voici en somme ce qu'il s'est agi là d'esquisser. Pour évoquer ces questions, que nous souhaitions aussi sommaires que nécessaires, Anne Berger est apparue comme une interlocutrice privilé-Faut-il être postcolonial ?