Le Menabe: Histoire d'Une Colonisation (original) (raw)
1985, The International Journal of African Historical Studies
se sera les effets de ce processus que l'on va désormais analyser, en considérant comme suffisamment validée l'hypothèse de départ, c'est-à-dire en la transformant, sans s'en rendre compte, en postulat. Et ce postulat va, effectivement, fonctionner de façon heuristique, sans que rien, effectivement, ne vienne le contredire. Car-même si, comme dans le cas, précisément, du Menabe, une étude plus attentive montre que ce postulat n'était, justement, pas valide (durant au moins toute une période), même alors, ce postulat incorrect va se voir paradoxalement conforté, puisque notre étude aboutit pareillement à la conclusion que la politique de contrainte est inhérente à la colonisation, qu'elle est une des clés nécessaires à son développement. Mais elle y aboutit a contrario, parce que cette clé, justement, a manqué, ici et alors, à la colonisation. Pour mettre en évidence cette même conclusion, il aura fallu faire le détour par cette période ou le projet fondamental de la colonisation qui est la base de l'hypothèse que nous venons d'envisager-l'exploitation économiquen'était pas encore, concrètement, mis en oeuvre ; ce qui (en se cumulant, comme nous allons le voir pas à pas, avec d'autres facteurs) va se révéler, en fait, plus déterminant que la suite, attendue et banale, de son histoire (lorsque le projet colonial et son procès effectif vont davantage correspondre). Mais aussi, et surtout, faute de ce détour, nous ne nous serions pas donné les moyens de comprendre l'échec-contemporain-de la colonisation locale : comment, au Menabe, avec toute sa puissance, tout son appareil de contraintes, de tous ordres, la colonisation n'étaitelle pas parvenue à exploiter directement la force de travail des Sakalava, au point même qu'elle y trouvera sa perte ? C'est donc cet aspect-et cette seule période-que ce travail va chercher à approfondir, préalable que nous pensons nécessaire à l'analyse de la société sakalava contemporaine, traitée ailleurs (cf. Bibliographie). Une dernière précision s'impose : puisqu'il s'agit de la période coloniale, pourquoi, ' nous dira-ton , arrêter l'étude au bout de cinquante ans de colonisation, en 1947, et non pas en 1960, date de l'indépendance ? Il y a à cela deux raisons dont, soyons honnêtes, la première est, tout platement, la règle de prescription trentenaire, qui interdit de citer les archives de moins de trente ans. La deuxième raison, c'est que 1947 représente, on le sait, une date-symbole pour Madagascar, comme, également, une date significative pour notre propre propos sur le Menabe ; mais parce qu'au Menabe, justement, il ne s'est rien passé, en 1947 ! (Depuis 1941 déjà, et plus encore depuis 1945, tous les mécanismes économiques et politiques de domination semblent baigner dans l'huile, et si 1947 va secouer un colonat qui ronronnait, tranquille, l'alarme ne durera, ici, que quelques semaines, et semblera vite, aux yeux des intéressés, n'avoir correspondu qu'à une fausse alerte) ; et qu'ainsi se révèle le rapport illusoire qu'entretien avec la réalité chacun des groupes en présence (Sakalava, colonat, administration), et dont l'ampleur constitue-nous le verrons au terme de l'étude-la marque caractéristique du Menabe.