Pouvoir et violence. Éléments pour une critique arendtienne de l’espace public habermassien (original) (raw)
Pouvoir et violence. Éléments pour une critique arendtienne de l'espace public habermassien Clotilde NOUËT Selon Habermas, l'Aufklärung constitue une rupture historique décisive, dans la mesure où elle promeut un rapport inédit-politique, à l'exercice de la raison. Le clivage instauré par l'État moderne, entre l'ordre public du pouvoir et la sphère privée de la croyance, de l'opinion et de la conscience morale, qu'entérine un penseur comme Hobbes, explique que chez Bayle, la critique demeure encore une affaire privée. L'émergence de l'opinion publique signe au contraire l'apparition, sur la scène même du pouvoir politique, d'un usage collectif de la raison sous la forme de discussions et d'échanges argumentés. Matrice d'une dissolution discursive de la domination, la sphère publique (Öffentlichkeit) se constitue autour de la détermination d'un intérêt général au-delà des particularismes. Tant que la raison d'État garantit l'ordre public, les intérêts subjectifs sont exclus de la scène politique. Mais dès lors que le public revendique, à travers la pratique de l'auto-législation, le droit de participer aux affaires de la communauté, se pose le problème de l'articulation entre la sphère de l'autonomie privée et celle de la citoyenneté. Repérée initialement dans la théorie rousseauiste de l'aliénation entre l'homme et le citoyen, cette question est reconduite jusque dans Droit et démocratie 1 , à l'occasion d'une réflexion sur l'articulation entre autonomie privée et publique, entre la liberté d'action subjective et les droits politiques de participation et de communication. Pour autant, l'égalitarisme universaliste que revendique Habermas ne se fonde pas sur l'hypothèse libérale d'une autonomie de la sphère politique, justifiant que la sphère des échanges sociaux, et donc économiques, se soustraie à la