Littérature de combat chez Mongo Béti ou le choix d’un réalisme militant (original) (raw)

La littérature de combat chez Mongo Béti ou le choix d'un réalisme militant Écrivain camerounais, Mongo Béti est considéré comme l'un des représentants les plus connus de la littérature africaine. Depuis 1968, après les Soleils des indépendances d'Ahmadou Kourouma, les écrivains engagés n'ont cessé de dénoncer les travers de la situation politico-sociale de l'Afrique « en voie de développement » 1. Dans cet ordre d'idées, Béti opte pour un discours de témoignage, en usant d'une littérature au « regard social » et politique. « À travers ses romans, ses essais et de courageuses prises de position, Béti avait fini par être, pour nous, le symbole même de l'intellectuel libre, prêt à payer pour ses convictions et ne se reconnaissant d'autre maître que sa conscience » dit Boubacar Boris Diop, écrivain sénégalais. En effet, Béti a fait le choix de ne pas se taire en adaptant nombre de ses romans aux nouveaux contextes sociaux issus des indépendances politiques africaines. Il y dénonce les nouveaux pouvoirs et les souffrances des peuples. Pour Béti, la littérature doit être mise au service d'une cause, d'une idée, d'un ordre et refléter les préoccupations sociales et politiques du peuple. Ce faisant, le romancier se détache difficilement des données de son environnement réel, c'est-à-dire, des repères historiques, des influences idéologiques, des indices anthroponymiques, des références toponymiques. Sur ce point, Béti apparait comme un de ces « radiologues de la société contemporaine » 2 de l'Afrique en général et Cameroun en particulier. Dans quelle mesure donc la fiction appartient-elle à la réalité dans le roman d'étude ? Quelques considérations du roman, Branle-bas en noir et blanc 3 , répondront plus amplement à notre préoccupation : quelle société émerge de cette période traumatique et comment la fiction en rend-elle compte ? L'article étudie la catégorie du « pays » qui sert dans le roman à véhiculer les problèmes socio-politiques du Cameroun actuel. Espace référentiel : un roman de la réalité L'espace dans un récit vaut plus que la description des lieux et si l'auteur s'est attelé à nommer et à identifier les espaces dans lesquels se déroulent les faits et les événements, c'est dans un but précis, celui d'inscrire sa fiction dans le vraisemblable. Le statut de l'espace, élément clé de l'esthétique réaliste, est tributaire du mode de traitement dont il fait l'objet dans le récit. Chez Béti, l'espace principal où évoluent les personnages possède un ancrage dans la réalité objective par la symbolique qu'elle véhicule. L'auteur déclare à ce propos : « J'aime bien le roman franc et massif à propos duquel l'exégèse n'a pas à s'exercer […], il faut dire les choses massivement, avec clarté pour que le lecteur ne soit pas abusé, pour qu'il sache exactement ce que veut dire l'auteur » 4. En lisant les oeuvres réalistes, le lecteur a l'impression qu'il est devant un discours sans autre règle que celle de retranscrire dans les moindres détails le réel, de le mettre en contact immédiat avec le monde tel qu'il est. Béti propose un pont entre les « trois pôles de l'intention communicative, à savoir, l'auteur, le texte et le lecteur » 5. Si le pays n'est pas nommé il est par contre bien situé, et le lecteur peut y déceler quelques indices. En effet, Béti montre que derrière le polar, se cache un roman social, un « roman du réel ». Plus qu'une fiction, le récit est envahi de références et de clins d'oeil qui éclairent des situations historiques, politiques et sociales bien visibles sur maints endroits du continent africain.