Analyser l'harmonie ? aux frontières de la tonalité (original) (raw)

Analyser l'Harmonie-aux frontières de la tonalité Les représentations géométriques en réseau initiées par Euler et reprises par Riemann puis, plus récemment par l'ensemble des théories néoriemanniennes, sont un outil fort utile pour visualiser les comportements harmoniques liés à la tonalité. Il s'agit ici de montrer que c'est une représentation très commode aussi pour expliciter l'harmonie non-tonale, et on prendra l'exemple d'une pièce de Modeste Moussorgski extraite de ses Tableaux d'une exposition de 1874 : Les catacombes, pièce qui n'est pas à proprement parler absolument atonale, mais qui propose des logiques harmoniques répondant à d'autres critères que ceux de la stricte tonalité classique. On propose ici une méthode concrète d'analyse, utilisable par des étudiants, qui permet une description rigoureuse des phénomènes harmoniques mis en jeu, sans recourir pour autant à une théorie de la tonalité en tant que telle. Nous avions proposé dans un article publié sur internet par la revue musimediane une représentation dynamique du comportement harmonique qui permettait de visualiser en temps réel l'évolution des configurations intervalliques d'une pièce musicale donnée. 2 L'aspect dynamique d'une telle représentation, qui avait donné lieu à la réalisation d'un programme informatique, la librairie omiel dans open music, impliquait une configuration de travail qui en rendait l'usage peu commode. Cet article se propose donc de montrer qu'il est possible d'utiliser le principe de la représentation hexagonale d'une manière très simple avec une grille pré-imprimée, et que l'intérêt analytique de cette représentation peut être important, en particulier dans les cas où l'on sort des critères mis en jeu par d'autres systèmes d'analyse spécialement dédiés à la tonalité, que ce soit la basse chiffrée ramiste, l'analyse fonctionnelle de Riemann ou l'analyse Schenkerienne. Il ne s'agit pas de substituer une méthode à une autre, chacune ayant, bien entendu, son utilité propre, mais de montrer comment un outil de description analytique peut rendre compte d'une autre « configuration mentale » des relations harmoniques, ce qui peut s'avérer fort utile dans les cas où les repères de la musique tonale commencent à s'estomper (évolution du Jazz, musique contemporaine, etc.). On présentera dans un premier temps un très rapide aperçu de l'évolution historique des représentations en réseau, principalement pour en rappeler les principes et les attendus théoriques. On essaiera également de donner une explication possible des raisons d'être de tels réseaux à partir de considérations topologiques liées à la 1 Jean-Marc Chouvel est compositeur et musicologue. Il est chercheur au CRLM (Paris IV) et à l'Institut d'Esthétique des Arts Contemporains (Paris I-CNRS) et membre du conseil d'administration de la Société Française d'Analyse Musicale. Il a publié plusieurs essais (Esquisse pour une pensée musicale ; Analyse musicale, sémiologie et cognition des formes temporelles) aux éditions l'Harmattan ainsi que des ouvrages collectifs (L'espace : musique / philosophie avec Makis Solomos ; Observation, analyse, modèle :peut-on parler d'art avec les outils de la science ?avec Fabien Levy). Il a participé à la fondation de la revue Filigrane ainsi qu'à celle de la revue en ligne Musimediane. Il est membre du conseil d'administration de la SFAM. 2 http://www.musimediane.com/article.php3?id\_article=21 <décembre 2005> 21 http://www.c-thru-music.com/docs/pdf/natural\_keyboard.pdf 22 Sur cette notion, on pourra consulter : CHOUVEL, Jean-Marc, Esquisses pour une pensée musicale, Paris, L'harmattan, 1998. 23 La distance est en effet une application qui doit respecter l'inégalité d(x,z) ≤ d(x,y) + d(y,z).