L'imaginaire du marais chez Apollonios de Rhodes et Quintus de Smyrne (original) (raw)
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Errances maritimes et explorations romanesques dans Apollonius de Tyr et Floire et Blancheflor
On a longtemps associé la mer à la naissance du roman. Suivant l'hypothèse d'Erwin Rohde, on a supposé que le roman grec s'était formé par la synthèse de la tradition élégiaque alexandrine et de la vogue des récits de voyage 1. Si l'hypothèse de Rohde a depuis été nuancée pour montrer que les romans grecs et latins sont aussi redevables à d'autres genres littéraires de l'Antiquité classique et à d'autres sources d'influence, comme les mystères isiaques 2 , il n'en demeure pas moins que les histoires de voyages et d'enlèvements, de pirates et de tempêtes sont caractéristiques de la production narrative grecque et latine du III e au VI e siècle au point que l'on pourrait parler d'une véritable tradition du roman maritime. Mais il s'agit là de textes que, faute de mieux, la critique appelle « romans », allant même jusqu'à parler de « romans latins », oxymore absolu pour un clerc médiéval. Ces textes, d'ailleurs méconnus au Moyen Âge (à l'exception, peut-être, d'Apulée), ne se verront attribuer le nom de roman qu'au XVII e siècle. Jusqu'alors, le roman n'était pas spontanément associé à la mer, mais renvoyait au contraire à l'univers de la chevalerie, avec ce que cela suppose d'errances toutes terrestres. À y regarder de plus près cependant, les premières manifestations de la nouvelle forme narrative font encore la part belle aux rebondissements associés aux voyages en mer.
Le “meilleur” et le “pire” chez Apollonios de Rhodes, ou de l’art d’être plus “homérique” qu’Homère
Aitia. Regards sur la culture hellénistique au XXIe siècle, 9/2, 2019
Cet article s’intéresse à l’emploi des formes de gradation signifiant « (le) meilleur », « (le) pire » (ἀμείνων, ἀρείων, etc.) chez Apollonios de Rhodes. Leurs emplois se situent entre tradition et innovation : le modèle principal est le modèle homérique, fortement détourné néanmoins par une propension à recourir principalement, voire exclusivement, à celles des formes homériques qui n’ont pas ou quasiment pas survécu en prose classique et hellénistique (développement très net de ἀρείων au détriment de ἀμείνων, élimination de χείρων en faveur de χερείων, disparition de κρείσσων et de ἥσσων, etc.). Cette tendance à rechercher ce qui, dans la langue homérique, diffère de la prose classique et hellénistique, aboutit quelquefois à des résultats paradoxaux : par exemple, les deux seules occurrences de ἀμείνων chez Apollonios, tout en étant clairement inspirées par l’influence homérique, sont, d’un autre point de vue, plus proches des emplois homériques de ἀρείων que de ceux de ἀμείνων. On notera par ailleurs la remarquable promotion connue par les formes de gradation κύντερος et κύντατος dans la langue d’Apollonios : largement désémantisées par rapport au modèle homérique, celles-ci ne semblent plus toujours très éloignées d’y fonctionner quasiment comme des formes de gradation supplétives de κακός. Cet article tient également compte d’autres influences sur la langue d’Apollonios de Rhodes que le modèle homérique, qui permettent plusieurs fois de mieux comprendre certaines divergences par rapport à la langue de l’épopée ancienne.
publié dans: Chrystèle Blondeau et Marie Jacob (dir.), L’Antiquité entre Moyen Age et Renaissance. L’Antiquité dans les livres produits au nord des Alpes entre 1350 et 1520, Actes du colloque de l’INHA, Nanterre, Presses Universitaires de Paris Ouest, 2011, p. 139-158 + planches VI à IX hors-texte, 2011
Les histoires d'amours tragiques ont longtemps charmé les oreilles et les yeux du public médiéval. Conservées par des textes latins et grecs, elles se sont transmises oralement avant de se fixer par écrit dans les langues vernaculaires. De cette transmission orale, un passage du roman occitan Flamenca 1 garde la trace ; sur près de cent vers, le narrateur y égrène les titres du répertoire que les jongleurs offrent au public à l'issue d'un fes-tin. Son allusion au conte « d'Ero et de Leandri » atteste la diffusion de la fable, mais n'en dévoile pas le contenu narratif. Il faudra donc attendre l'énorme travail de compilation qu'est l'Ovide moralisé pour en trouver une version française extensive. C'est sur ces bases que les poètes de la fin du Moyen Âge, Guillaume de Machaut et Christine de Pizan, ont oeuvré. C'est sur ces bases que s'est aussi établie, semble-t-il, la tradition iconographique des amours de Héro et Léandre. Sa faveur était telle qu'elle a perduré bien au-delà du Moyen Âge, et qu'elle a fini par quitter son contexte textuel pour devenir l'ornement de la vie quotidienne 2. Notre projet est de retracer la fortune de cette légende depuis ses sources antiques jusqu'à ses adaptations médiévales tardives, en nous arrêtant à 1. Flamenca, roman occitan du XIII e siècle, J.-CH. HUCHET (éd.), Paris, UGE, « 10/18 », 1988, v. 583-706. La référence au conte se trouve au v. 638. 2. En témoignent par exemple deux plaques d'un grand panneau du XV e siècle, en marqueterie de bois et d'ivoire, conservé au Metropolitan Museum de New York. On voit dans la première scène Léandre, ayant abandonné ses vêtements sur la rive, traverser à la nage l'Hellespont pour rejoindre Héro. Du haut de sa tour, celle-ci le guide avec un cierge allumé. Dans la deuxième scène, la mer déchaînée a causé la mort du nageur, qui flotte sur le dos ; Héro descend de sa tour, où elle apparaît deux fois, en haut et en bas ; son geste de désespoir annonce qu'elle va mettre fin à ses jours en rejoignant son amant dans les flots.