Sainteté et sacralisation du pouvoir chez les musulmans indiens (original) (raw)

L'enjeu des musulmans indiens

Outre-Terre, 2010

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Sans douleur. Epreuves rituelles, absence de souffrance, et acquisition de pouvoirs en Inde

2005

En Inde comme ailleurs, il existe divers contextes où l'expérience de la souffrance est valorisée. C'est le cas dans la poésie classique ou dans des hymnes dévots, où un thème comme la séparation douloureuse d'avec l'être aimé -qui peut être Dieu -est l'objet d'une élaboration esthétique poussée 1 . C'est aussi le cas, sans que cela soit une règle, dans le domaine des pratiques divinatoires et de thérapeutique rituelle où, selon les récits autobiographiques de certains spécialistes, l'acquisition de pouvoirs découle d'une expérience de malheurs ou de souffrances corporelles infligée comme signe d'élection par une divinité . A l'inverse, il existe également un certain nombre d'épreuves rituelles volontaires où une souffrance prévisible se voit déniée. Une telle absence de douleur, publiquement mise en scène, est proprement extraordinaire aux yeux de tous. C'est à de telles épreuves, où le non-ressenti de la souffrance est signe de succès, que la présente contribution est consacrée.

Les formes d’autorité dans une institution indo‑musulmane : entre fonction et dignité

Autorité et Pouvoir en perspective comparative, 2017

Quelles formes d'autorité et de pouvoir s'exercent dans les sanctuaires des saints musulmans, l'une des institutions les plus emblématiques de l'islam indien ? Pour répondre à cette question, nous avons privilégié l'étude d'un sanctuaire connaissant des conflits de légitimité répétés : la dargāh śarīf dédiée au martyr Ghāzī Miyān dans la ville de Bahraich, au nord-est de l'État d'Uttar Pradesh (Inde du Nord). La nature des litiges révèle les enjeux que représente tout sanctuaire de saint musulman, en tant qu'il est à la fois lieu de culte et entreprise financière locale. Nous nous sommes donc attachés à étudier les légitimités sur lesquelles repose l'autorité des agents de cette institution à la gérer rituellement, administrativement et financièrement. Plus globalement, cet article vise à montrer comment s'opposent, s'interpénètrent et s'enchâssent les trois systèmes de référence qui traversent ce sanctuaire : l'islam (religion individuelle de salut), la hiérarchie des castes (marquée par l'hindouisme) et l'Union indienne (un État séculier et moderne).

Langues du sacré, langues sacralisées, langues ‘classiques’ en Inde

Hiéroglossie I, Actes du colloque : Moyen Âge latin, monde arabo-persan, Tibet, Inde, Bibliothèque de l'Institut des hautes études japonaises, Collège de France, Paris, 2019, pp. 259-280, 2019

Des langues sacrées, au sens étroit du terme où il s’agirait de langues exclusivement utilisées pour la liturgie ou ses commentaires, comme par exemple le slavon, l’Inde « terre des dieux », dev bhūmi, n’en présente pas en dépit des discours récurrents, notamment populaires, sur le sanskrit langue sacrée et langue des dieux. Même le corpus védique comporte, outre les hymnes liturgiques « révélés », de nombreux autres commentaires dont tous ne sont pas religieux (Malamoud, 2016) . Et le beaucoup plus large corpus sanskrit comporte comme on sait une abondante littérature profane. Certes tel n’est pas le cas en pali, où même les chroniques historiques tournent autour du développement des diverses sectes et des monastères, mais il présente, parallèle à la réticence à diviniser Bouddha, la réticence à sacraliser la langue. On peut évaluer sous le même angle la langue dite sainte des poètes mystiques de l’Inde du nord au moyen-âge, à laquelle je consacre une première section, alors que l’époque contemporaine présente plusieurs exemples de sacralisation délibérée d’une langue (deuxième section). Cet exemple est toutefois à situer davantage dans un cadre de lutte pour le pouvoir, symbolique, économique et politique, que dans un rapport avec le religieux, dans le sillage des mouvements linguistiques qui travaillent l’Union Indienne depuis le début du vingtième siècle en lien avec les revendications identitaires régionales et autour de la fonction de la langue comme symbole d’identité (troisième section). Le tout récent tumulte autour de la question des langues dites classiques n’en est que la dernière manifestation (quatrième section).

Le rite islamique : des bicéphalies du ḥaram et du pouvoir au puzzle coranique

Le rite islamique : des bicéphalies du ḥaram et du pouvoir au puzzle coranique. Mraizika Chaussy Florence (EPHE, Doctorante Histoire textes documents) Cet article vise à rendre visible un champ d'analyse du fonctionnement essentiellement politique du Coran qui cite rarement ses sources textuelles et cultuelles de références surtout quand il en reprend les apports, et qu'il se pose comme révélateur légitime de la parole de Dieu. Au niveau des attitudes cultuelles, il y a un antagonisme profond entre deux visions frontales, antagonisme qui se camouffle sous un vocabulaire lâche et polysémantique. Pour séparer le mythe et la vérité, nous avons utilisé des méthodes philologiques pour consolider nos analyses codicologiques ; ces études conjointes peuvent être sollicitées pour mieux cerner et comprendre la diversité et la complexité des attitudes cultuelles dans cette communauté en proie à la fitna. Comme nous le démontrons, le Coran n'est qu'illusoirement vecteur d'un culte − sinon minimaliste −; c'est essentiellement une orthopraxie créée résultant d'un travail scribal et exégétique qui est fondamentalement et exclusivement livrée à l'appréciation des exégètes et dont la valeur se définie toujours dans sa compétition avec les autres messages-la Bible et sources apocryphes. Nous limiterons la réflexion dans cette contribution à la question qui se voyait refuser sa légitimité depuis des siècles par tous les niveaux des débats sur l'islam, son essence d'atemporalité. Ainsi, l'objet de cette étude est de voir si le Coran contient des marqueurs idéologiques temporels, des traces matérielles d'interventions politiques concernant le culte ? Le Coran contient-il des marqueurs idéologiques temporels, des traces matérielles d'interventions politiques concernant le culte ? Non, si on se fie à la légende pieuse professant un texte intemporel en dehors des affres politiques, un texte et un culte universels dès les origines. Cependant, la « légendotologie islamique » postule simultanément un texte sorti du temps et un texte épousant comme un gant la vie de Muḥammad, la relecture du Coran à l'aune des méandres politiques de la sirah est incompatible avec le dogme de l'atemporalité. La « légendotologie islamique » postule un culte originel et hors de toute vicissitude mais rétabli par cette figure emblématique suite à un conflit historique avec le judaïsme. Donc on peut affirmer d'ores et déjà que oui le Coran contient intrinsèquement ces marqueurs temporels, il suffit d'être attentif au sens des mots, de collecter minutieusement les hétérogénéités des discours et des documents au fil des sourates et de prendre comme grille de lecture la bicéphalie du ḥaram et des cultes. Oui, la fonction de purification du culte attribué simultanément à Muḥammad et à Ismaël est un marqueur temporel de cette action politique. Ainsi la vulgate canonisée du texte intemporel est proclamée « uthmanienne » (marqueur temporel), la qibla du culte des origines est imposée hiérosolymitaine 1 puis mecquoise au fil des coalitions opérées selon la légende islamique par le réceptacle historique du discours sacré atemporel. Les rites quant à 1. La strate exégétique évoque un conflit de qiblas.

Savoir, pouvoir et interprétation du texte sacré dans le monde arabo-musulman

2019

Nous visons, a travers cet article, a mettre en evidence les enjeux du rapport existant entre le choix conscient d'une lecture bien determinee des textes sacres et les pouvoirs politiques en place. Nous montrerons comment ce choix, qui est totalement ideologique dans un espace non encore entierement secularise, constitue un prejuge fondamental faconnant l'interpretation du texte sacre. Ainsi, l'interpretation du texte religieux, Coran et hadiths, devient-elle une production d'un savoir mis au service des pouvoirs etablis. Elle se veut une communication bien controlee par les instances religieuses instituees comme des autorites a part entiere. Ces appareils ideologiques officiels ont la mission claire de legitimer le systeme politique en place. Nous souhaitons, dans la meme perspective, examiner exemples a l'appui, comment la diversite des rites et des dogmes est plutot une orientation doctrinale canalisee, qu'une question de verite dont on s'ecarte parfoi...