Thierry Hentsch/Proche-Orient. Désarticulation amoureuse de la puissance du négatif (original) (raw)
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Du côté de chez Schwarz : dialectique, négativité, utopie
Passages de Paris, 2021
Puisque dans des pays culturellement dépendants les formes ne sont pas des produits organiques de l’évolution sociale, le processus culturel propre aux contextes périphériques et leur dialectique spécifique sollicitent une compréhension politisée, quelque chose qui échappe normalement aussi bien à l’analyse des contenus culturels qu’à la sociologie des formes. L’un des traits distinctifs du modèle critique développé par Roberto Schwarz, à bien des égards unique dans son genre, c’est que le versant politique de sa démarche est intrinsèquement lié à une valorisation maximale du témoignage artistique sur la constitution présente de l’existence. L’art en général, et la littérature en particulier, y figurent comme moyens privilégiés d’exploration, découverte et révélation du destin périphérique, dans lequel le critique à son tour décèle des aspects décisifs du monde contemporain, lesquels ne se laissent pas aisément voir dans le noyau organique du système. À cet égard, actuellement en état de décomposition avancé, ce que Schwarz a baptisé la « matière brésilienne » – dont les difficultés, les impasses et les virtualités utopiques ont été mises au jour par les meilleurs artistes brésiliens – aurait vraisemblablement bien des choses à nous apprendre sur la marche catastrophique de la société contemporaine.
Chair en Miettes : Pessimisme, optimisme et tradition radicale noire
Multitudes, 2022
En 1983, Cedric J. Robinson introduit sous le titre d’une « tradition radicale noire », l’idée d’une généalogie spécifiquement africaine de la lutte contre l’esclavagisme, le capitalisme et l’impérialisme, distincte du marxisme européen. La pensée « afropessimiste » s’inspire d’Hortense Spillers pour mesurer les conséquences de la soustraction des Noirs aux ordres de l’humanité et de la subjectivité politique, en une violence qui convertit les vies africaines en chair. Le poète et théoricien africain américain Fred Moten revisite aujourd’hui ces pensées en inventant un « optimisme noir », qui entend faire valoir l’ambivalence et l’ambiguïté de la noirceur, soulignant ses potentialités particulières et désignant dans « la chair » une possibilité de formuler de nouvelles formes de vie.
Orient et Occident : la révolution tranquille de Kenneth White
« L'Orient et l'Occident sont des traits que quelqu'un dessine à la craie sous nos yeux pour nous prendre à notre propre jeu pusillanime. » 1 (F. Nietzsche) Dans l'histoire de la pensée, la question des relations entre Orient et Occident occupe une place insigne. Tout cela s'est engrené durant l'Antiquité en deux étapes principales liées à l'émergence de la métaphysique ainsi qu'à la pensée des sphères 2. Cette opposition est née de la représentation cartographique du monde à l'époque présocratique avant d'être reprise par Platon, notamment dans Le Banquet et le Timée, sur le plan ontologique. Toute représentation du monde se situe entre deux pôles. L'un selon lequel toute carte, tout 'cosmogramme' devrait être interprété comme figuration de la perception du rapport entre le sujet et les phénomènes (un peu à la façon d'un mandala) ; l'autre pour qui les formes cartographiées ne seraient que l'exacte et objective réalité. Ainsi l'opposition cartographique binaire entre Europe et Asie at -elle rejoint le mythe platonicien de l'androgyne pour préparer l'opposition cardinale entre Orient et Occident, intervenue avec les Romains, et qui a perduré à travers la rivalité entre Rome et Byzance. Quant à l'Orient musulman, infus de tradition aristotélicienne et néo-platonicienne chez des philosophes tels qu'Avicenne et Sohrawardi, il est représenté à la fois comme un obstacle à la plénitude de la chrétienté et comme une fascinante étrangeté. Ainsi, à partir de l'Empire romain, l'opposition entre Orient et Occident at -elle le statut d'un couple. Avicenne et Sohrawardi ont adapté l'opposition platonicienne entre corps et âme sous les symboles d'« Orient » et « Occident ». Ce que la figure du cercle marquait déjà chez Platon – à savoir qu'il est à la fois une forme pleine, fermée, image de toute clôture ontologique (le cercle du Même) mais aussi un vide, principe de toute ouverture de la forme sur la non-forme (le cercle de l'Autre) – deviendra dans l'hermétisme hellénisant puis l'alchimie le mercure philosophique. Et c'est grâce à l'alchimie que ces structures oppositionnelles feront leur retour en Occident 3 pour y mener une vie séculaire au moins jusqu'au XVIIIe siècle. La 'pression' de la réalité asiatique induite par les études orientalistes commence alors à augmenter, jusqu'à ce que Nietzsche, en mettant au jour la généalogie de l'idéalisme, révèle incidemment que 'Orient' et 'Occident' n'étaient que des constructions illusoires 4. A partir de là, soit l'on continue à penser avec cette opposition – et c'est ce que la majorité fit au long du siècle dernier, soit l'on entrevoit une sortie non dialectique – c'est ce que certains tentèrent et que Kenneth White mène plus loin que tout autre. Dès sa jeunesse, il a pu lire des textes traduits des grandes oeuvres philosophiques et religieuses de l'Asie (surtout indienne) par l'intercession d'un anarchiste un peu théosophe, découvrant à cette occasion des ouvrages qu'on connaît peu en Occident. La seconde étape est intervenue à Münich où il a découvert Heidegger, puis le zen et la culture japonaise. La troisième étape a eu lieu à Paris : la bibliothèque de Lucien Biton a révélé ses trésors indiens et chinois à un Kenneth White immense lecteur. Enfin, il a fait et continue de faire l'acquisition pour sa bibliothèque personnelle, où qu'il aille, d'ouvrages asiatiques. En même temps, il a arpenté toute la production culturelle occidentale relative à l'Orient ce qui, après la
De l'Orient à l'Occident : Une mélancolique séparation
DE L'ORIENT Ă L'OCCIDENT : UNE MÉLANCOLIQUE SÉPARATION L'extrême-Orient est-il pour la métaphysique occidentale cette terre-mère originelle d'où elle naquit un jour et à laquelle elle voudrait retourner, justifiant son essence mélancolique ? On pourrait le penser par ce que suggère l'étymologie même du terme « Orient », (naître, surgir, se lever, paraître). Nostalgique de ses origines, l'Occident s'en serait pourtant arraché, commençant l'aventure métaphysique de la séparation qu'il doit assumer. Mais la tentation d'y revenir est grande. En témoigne son désir d'un retour à l'inséparé, à l'immanence, à la présence originelle qualifiant en propre l'Orient. Pourtant, cette réminiscence nostalgique de l'Orient, n'est-elle pas finalement pour l'Occident fantasme idéalisé plus que réalité ? ABSTRACT: FROM THE ORIENT TO THE OCCIDENT: A MELANCHOLIC SEPARATION To the western metaphysics, is the Far-East this original mother-earth from which it was born and to which it would like to return? One might agree, considering what the actual etymology of the term "Orient" (be born, spring up, rise, appear) suggests. Nostalgic for its origins, the Occident would nevertheless have torn itself away from the Orient, thus starting the metaphysical adventure of the separation that it has to assume. However, the temptation to return is high. The desire of the Occident to return to the inseparable, to immanence, to the original presence, literally qualifying the Orient, testifies to it. But finally, isn't the nostalgic reminiscence of the Orient idealized fantasy more than reality for the Occident? 2
Alexandre Damnianovitch: De l'orient à l'occident
Muzikologija, 2005
Damnianovitch marque aujourd'hui la création contemporaine d'une empreinte très personnelle. Son chemin, fait d'exigences, de remises en question, d'ouvertures et de réflexion, reste nourri par les apports conjugués des cultures orientales et occidentales. A travers l'examen de partitions récentes, nous tenterons de dégager ce qui caractérise son style, mettant en exergue les éléments qui l'ont plus ou moins influencé, pour constater que sa trajectoire française l'a amené, de façon plus ou moins directe, à renouer avec ses racines serbes, et à poursuivre une tradition nourrie par les apports d'une modernité qu'Alexandre Damnianovitch a su assimiler sans dogmatisme aucun.