Littératures indiennes : comparatisme, postcolonialité, mondialités (2013) (original) (raw)

Ce que l'Inde fait à la littérature (2016)

Article inclus dans le numéro spécial "A partir de l'Inde", coordonné pour la revue *Littérature* par Guillaume Bridet et Laetitia Zecchini. L’étude prolonge l’analyse de la politique du savoir dont les Postcolonial Studies ont montré le rôle historique dans le colonialisme européen, pour éclairer le devenir des études littéraires dans les champs contemporains des savoirs. Souligner la continuité entre le régime scientifique moderne mis en place dans le processus de colonisation de l’Inde – où la littérature a été un enjeu majeur – et la transformation de l’ordre cognitif dans la Mondialisation permet d’opérer une historicisation de la catégorie européenne de « littérature », qui rend compte à la fois de sa situation actuelle et de son tressage constitutif et transhistorique à l’Inde.

Les littératures indiennes: des Védas aux diasporas

Livres hebdo, 2020

D'un abord insaisissable, c'est dans la pluralité que se déclinent les littératures indiennes, des grandes épopées sanskrites et des récits des héros de la mythologie hindoue aux poèmes du Nobel Rabindranath Tagore et au réalisme magique du très cosmopolite Salman Rushdie. À la mesure d'un territoire presque aussi vaste que l'Europe où cohabitent autant de traditions que de langues, ce que l'on nomme plus volontiers le sous-continent indien (qui englobe l'Inde, mais aussi les États frontaliers du Pakistan à l'ouest, du Bangladesh à l'est, du Népal et du Bhoutan au nord, et du Sri Lanka et des Maldives au sud) est un espace où le littéraire côtoie, prolonge et même nourrit l'histoire, le politique et le social, depuis ses premières formulations au IIe millénaire avant JC. Si le paysage éditorial français donne la part belle à la modernité, elle-même foisonnante et par ailleurs largement diasporique, celle-ci se fait pourtant l'écho, volontaire ou non, de traditions parfois millénaires, aussi riches qu'iconoclastes. Quelques éclaircissements ne sont donc pas inutiles. Multilinguisme La comparaison européenne n'est pas inappropriée, bien qu'elle minimise largement la réalité linguistique indienne contemporaine : la Constitution indienne reconnaît 2 langues nationales, 22 langues officielles et plus de 400 langues minoritaires, dont certaines (comme le bhojpuri ou le rajasthani) comptent plusieurs dizaines de millions de locuteurs. Les premières (l'anglais et le hindi) comme les secondes (bengali, télougou, sindhi…) et les troisièmes ont produit une littérature féconde, souvent mal connue du lecteur français : si l'on a pu lire les anglophones Salman Rushdie, Amitav Ghosh et Arundhati Roy, ou leurs prédécesseurs R.K. Narayan ou Raja Rao, le grand romancier hindi Premchand (1880-1936), gandhien et père du réalisme social en Inde, reste méconnu en dépit de son rôle majeur dans le mouvement nationaliste comme dans le développement de la prose en hindi. Des auteurs comme Mahasweta Devi pour le bengali, Saadat Hasan Manto pour l'ourdou, Amrita Pritam pour le panjabi, le dramaturge Girish Karnad pour le kannada ou le poète K. Satchidanandan pour le malayalam ont pourtant marqué l'histoire littéraire moderne du Sous-continent, tant par l'originalité de leur style que par le discours qu'ils ont pu produire sur l'histoire et la société indiennes. Une langue régionale dite « minoritaire » comme le rajasthani...

"Problèmes d'histoire littéraire indienne", Revue de Littérature Comparée

Revue de Littérature Comparée , 2015

Ce numéro spécial co-dirigé avec Claire Joubert vise à explorer les multiples effets de diffraction qui font de la catégorie « histoire littéraire indienne » un objet instable – au sens où aucun des termes employés ici (qu’il s’agisse de « l’histoire », de la « littérature », ou même d’« Inde ») ne va de soi. Cette histoire littéraire est problématique non seulement parce que les littératures de l’Inde s’écrivent en plus d’une vingtaine de langues majeures – la catégorie « littérature indienne » suscite à ce titre presque autant de difficultés que la catégorie « littérature mondiale » - mais aussi en raison de la généalogie orientaliste et coloniale des discours sur ces littératures. Car une grande partie de cette histoire a été écrite par, depuis, et d’une certaine manière pour l’Occident, à partir des préoccupations européennes. L’objet même « littérature indienne », pose l’emmêlement des discours, des histoires et des savoirs indiens et européens. C’est la question centrale des manières dont on a décidé, à telle période, dans tel pays, pour tel corpus, de ce qu’était « la littérature indienne », qui fut le point de départ de notre réflexion. Ce sont également les avantages théoriques de cette mobilité que nous avons voulu mettre en lumière. Réfléchir à « l’histoire littéraire indienne » peut ainsi nous permettre d’interroger les catégories d’histoire littéraire, d’histoire ou de littérature nationale et, en fin de compte, la catégorie même de « littérature ». En réunissant des chercheuses et chercheurs qui travaillent à partir de disciplines, périodes, corpus et langues différents (Claire Gallien, Pascale Rabault-Feuerhahn, Claudine Leblanc, Catherine Servan-Schreiber, Claire Joubert, Ann Castaing, Guillaume Bridet et Katia Légeret), spécialistes de littératures indiennes de langue anglaise et de langues régionales, d’études postcoloniales, de littérature orale et d’arts du spectacle, d’histoire intellectuelle germanophone et francophone, nous voulions réfléchir aux processus de canonisation, de sélection et de traduction par lesquels ce qu’on appelle communément la « littérature indienne » s'est construite.

"Crisis in Literary History? Du "nativisme" et du provincialisme, et de quelques autres débats intellectuels en Inde

Revue de LIttérature Comparée , 2015

Cet article s'intéresse à la manière dont les écrivains indiens contemporains envisagent le champ dans lequel ils se placent ou sont placés. Il interroge les débats virulents qui traversent, aujourd’hui en Inde, les milieux intellectuels et qui prennent pour objet l’histoire ou la critique littéraire — et leur « indianité » supposée. Si un consensus semble émerger sur une certaine « amnésie » historique et sur la compartimentation croissante des planètes linguistiques et littéraires de l’Inde, cet article s’intéresse aux interprétations souvent opposées de cette « crise », et notamment au courant dit « nativiste » dont les écrivains-théoriciens (B. Nemade, G. N. Devy) prônent une histoire « indigène ». This article, whose title draws on an essay by Sheldon Pollock (« Crisis in the Classics »), focuses on the way contemporary Indian writers consider the field in which they are placed or in which they place themselves. It examines the virulent debates taking place in India on literary history and literary criticism, and on their supposed « Indianness ». If a consensus seems to emerge on a certain historical or literary amnesia, and on the growing compartmentalization of linguistic and literary worlds, I am interested in the conflicting interpretations of this « crisis », especially in the point of view of nativist writers-critics (like B. Nemade and G. N. Devy) who advocate an « indigenous » history.

Surnaturel et Littérature dans l'Océan Indien

Revue de littérature comparée, 2006

Dans Revue de littérature comparée Revue de littérature comparée 2006/2 (n 2006/2 (n o o 318) 318), pages 141 à 152 Éditions Klincksieck Klincksieck

Voix insulaires réparatrices : comment situer des écritures indianocéaniques face au « tournant éthique » de la littérature française ?

Cahiers de l’association internationale des études françaises, 2020

Dans sa vaste étude sur la littérature française contemporaine, Réparer le monde (2017), Alexandre Gefen retrace l’émergence, les particularités, les modalités (de production et de réception) d’œuvres « thérapeutiques » et « rémédiatrices ». Jouissant dorénavant d’une visibilité forte, ces œuvres se caractériseraient par une nouvelle conception éthique du littéraire en se focalisant sur la quête de sens d’identités plurielles, la transmission, les marginaux et oubliés de l’Histoire. Or nombre des qualificatifs de cette production « transitive » et « néo-humaniste » française correspondent également aux traits distinctifs des littératures en français venant des – ou associées aux – ‘marges’ et ‘périphéries », apparaissant sous des labels diversifiés (‘francophone’, ‘postcolonial’, ‘décolonial’, ‘transnational’, ‘littérature-monde’, etc.). Certains leitmotivs de cette production « réparatrice » faisant nouvellement « face » – au monde, au temps, aux autres, aux traumas – sont effectivement au centre de nombreux textes non hexagonaux, voire vont jusqu’à constituer leur raison d’être et finalité. Tel est le cas des littératures contemporaines de l’Île Maurice, la production la plus significative de l’océan Indien depuis les années 1990. Toutefois, non seulement une partie importante de cette création postcoloniale est publiée en France, mais certains auteurs mauriciens ont pu investir des collections prestigieuses d’éditeurs parisiens. On peut donc considérer ces productions, d’une certaine manière, comme participant au champ littéraire français – un champ de plus en plus diversifié et inclusif retravaillé par ces « écritures d’ailleurs ». En même temps, malgré cette inscription éditoriale et topologique française, d’épineuses interrogations identitaires et taxonomiques perdurent pour ces auteurs « insulaires », liées à des dynamiques d’identification et de distanciation, de rapprochement et de singularisation de/par/dans leurs textes. Cette communication entend discuter comment positionner le travail de plusieurs écrivains mauriciens face à ce « tournant éthique » et ses traits et problématiques majeurs. Dans quelle mesure leurs textes correspondent et contribuent-ils à cette nouvelle littérature d’apparence intime, mais aux enjeux politiques ? De quelle manière s’en distinguent-ils, voire s’y opposent-ils ? Au-delà d’une hypothèse d’apports et d’influences mutuels de ces écritures et positionnements scénographiques, ce sera enfin l’idée de l’interconnectivité du littéraire contemporain qu’appuiera cette discussion.