Être dans l’histoire ou dans ses marges : Philippe de Commynes et Walter Scott (original) (raw)

Avec toutes ses notes et ses nombreuses références aux Mémoires de Philippe de Commynes, le Magnum Opus place Quentin Durward sous l'autorité du grand mémorialiste ainsi que, de façon secondaire, sous celle moins éminente de Jean de Troyes (note 26) ou encore, pour un détail disputé de l'intrigue, sous celle d'Olivier de la Marche (note 46). En outre, afin de justifier le choix d'un monarque peu glorieux mais si instructif, l'introduction que Scott rédige à l'occasion de cette réédition savante renvoie au récit que le conseiller de Louis XI fait de la mort du roi, récit où l'homme politique devient moraliste, fait le bilan du règne et porte, nous y reviendrons, un jugement considéré comme plus incontestable sur le monarque. Par ces dispositifs, l'auteur semble chercher à confirmer le roman, même si, pour ce faire, il se trouve obligé, dans les notes 41 et 68, de mettre le doigt sur les libertés qu'il a prises avec les faits historiques, pour l'épisode de Guillaume de la Marck. Néanmoins, cette stratégie de la confirmation relève d'une fausse évidence, parce que, si l'on en croit le narrateur de Waverley, les mémoires appartiennent à un genre proche du romanesque. Ne dit-il pas, pour expliquer les illusions du héros éponyme que « la France lui avait fourni une collection presque inépuisable de mémoires qui ne sont pas plus véridiques que les romans [ romances], et de romans [romances] si bien écrits qu'on pourrait les faire passer pour des mémoires 1 » ? L'autorité que cette source historique apporte à l'oeuvre de fiction ne peut être, à la lumière de ce jugement, qu'une autorité douteuse, instable, parce que sujette à caution. Or c'est cette instabilité constitutive même que Scott cultive afin de placer non pas le roman comme concurrent de l'Histoire, le combat serait perdu